Cléoda Iseth Un hiver mouvementé Chapitre 1.1 : Elle

Chapitre 1.1 : Elle

Le sourire aux lèvres, j'ouvre les rideaux de mon nouvel appartement situé dans le sixième arrondissement de Paris. Les fêtes de fin d'année se rapprochent et avec elle le moment le plus chaleureux de l'hiver. Nous sommes le 1er décembre et c'est le grand jour, mon nouveau travail débute ce matin. De retour après une année passée à l'autre bout du monde, j'ai enfin décroché un poste en CDI dans l'entreprise que je souhaitais, la LMM corporate, et déniché un logement bien placé à un prix raisonnable. Cerise sur le gâteau, je profiterai de Noël en famille, une de mes périodes préférées.


J'enfile mes bottes en cuir et recouvre mon blaser de ma doudoune noire. Un dernier coup d'œil dans mon miroir plein pied et je passe la porte d'entrée, laissant derrière moi mes modestes trente mètres carrés. Je me dois d'être impeccable pour mon premier jour. Le trajet pour me rendre sur mon nouveau lieu de travail m'amène à prendre le RER pour mon plus grand bonheur.


Noyée dans la masse qui fait de même, c'est un vrai calvaire, je transpire et impossible de retirer ma doudoune sans donner des coups de coude à tout va. Je prie pour ne pas avoir d'auréoles en arrivant. Jamais je n'aurais pensé que ma voiture me manquerait tant. J'ai quitté la province pour la capitale de retour des États-Unis et donc troqué ma Clio contre un abonnement aux transports en commun.


Tout le monde se bouscule et je parviens enfin à sortir de ce maudit souterrain à l'odeur nauséabonde et à l'atmosphère étouffante. Et dire que je devrais faire ce trajet matin et soir pendant plusieurs années... Cette pensée m'oppresse et reflète à merveille ma vie qui n'a rien d'excitant. Je ne sors presque jamais, je n'ai que très peu d'amis et ils sont tous restés dans ma campagne natale. Ma vie amoureuse est un désastre absolu et elle ne risque pas de s'arranger ainsi. Mon seul bonheur réside dans ma famille.


Une fois à l'extérieur, le froid me frappe de plein fouet. Je m'emmitoufle dans ma doudoune et rentre mes doigts à l'intérieur des manches. Les routes débordent d'automobilistes chanceux, quand les trottoirs enfumés croulent sous les moins veinards. Les klaxons retentissent, les moteurs vrombissent et les pots d'échappements émettent une puanteur à crever le cœur.


Cinq bonnes minutes de marche plus tard, j'aperçois le hall d'entrée du siège social de la LMM Corporate. Le soleil hivernal perce la structure de verre à l'architecture déstructurée et m'éblouit. Souris, me répété-je en boucle, aies l'air joviale et chaleureuse. Mon corps s'exécute, mes lèvres s'étirent machinalement et mon visage s'illumine comme une guirlande lumineuse branchée.


Je récupère mon badge à la sécurité et la chaleur fait gonfler mes doigts. Je rejoins le groupe des nouveaux arrivants réunis sous l'immense dôme de verre de l'accueil débordant de plantes tropicales. Je suffoque et retire ma doudoune. Mes iris se perdent dans le mur végétal situé sur ma droite. Il renforce l'impression d'être au beau milieu d'une forêt, ce qui ne me déplait pas.


Une femme dans la quarantaine nous conduit dans une salle pour subir une présentation de l'entreprise pharmaceutique dans laquelle nous nous apprêtons tous à travailler. Très utile, après tout, nous ne savons jamais si certains ne la connaîtrait pas encore. Je m'assois sur l'une des chaises installées devant les tables formant un U. Les diapositives défilent derrière notre formateur debout sur l'estrade et ses paroles s'écoulent des haut-parleurs situés aux quatre coins du plafond reliés au micro du pupitre dans lequel il parle. Son monologue est long et inintéressant, sa voix monotone m'endort et son discours hérisse mes poils.


— Chez Les Maux du Monde nous sauvons des vies grâce à nos produits.


Il parle de l'importance de l'humain, mais ne montre que des chiffres collés sur des visages d'enfants souriants, certes. Je détaille les photos qui recouvrent les murs blancs et affichent des personnes du monde entier heureuses et en vie grâce à l'extraordinaire et avant-gardiste LMM corporate.


J'aimerais me barrer en courant de cette salle et profiter de cette belle journée hivernale, mais ne laisse rien paraître. L'apparence extérieure se trouve bien trop importante dans le monde de l'entreprise et le contrôle de soi, capital. De plus, intégrer cette compagnie n'est que le premier pas vers mon rêve. Je ne vais pas tout gâcher juste parce que la stimulation intellectuelle me manque. Aussi, personne ne décèle mes pensées et tout le monde me voit comme une employée modèle, attentive et passionnée. L'image que je souhaite conservée, car je compte bien réussir dans la vie et gravir les échelons sociaux.


Nous enchaînons les formations les unes après les autres. Mon énergie s'envole, mes neurones s'engourdissent et mes paupières s'alourdissent, mais je résiste et conserve mon sourire indispensable à toute réussite. Heureusement, une collation nous attend après ce dur labeur. Quel accueil !


— C'est super long, me chuchote la petite brune, au carré court et au visage enfantin, assise à côté de moi depuis le début de la matinée, en sortant de la salle. Au fait, je m'appelle Charlie et toi ?


S'il existe une chose que je hais par-dessus tout, c'est que l'on me demande mon prénom. Je sais bien que c'est inévitable, mais subir les commentaires désagréables qui s'en suivent me gonfle, ce n'est pas comme si je l'avais choisi.


— Elle, murmuré-je.


— Elle ? Mais c'est quoi ce prénom étrange ? s'écrie-t-elle. C'est une blague ?


Nous venons à peine de nous rencontrer et elle se montre déjà familière. Je ne désire que l'ignorer, mais me contente à la place de sourire niaisement et de lui répondre poliment sans afficher mon agacement. Je suis passée maître dans l'art de faire et dire le contraire de ce que je pense.


— Non, ce n'est pas une blague, je m'appelle vraiment Elle. Je rejoins l'équipe managériale du bâtiment Espoir, ajouté-je pour changer le sujet de conversation qui s'aventure sur une pente glissante et risque de déraper.


— Oh c'est génial ! J'intègre le pôle Environnement pour ma part. On sera sûrement amené à se revoir !


Je n'en ai pas la moindre envie et m'en contre fou, mais reste égale à moi-même. Polie et souriante.


— Oui, ce sera avec plaisir, affirmé-je sur un ton aussi doux qu'un agneau.


Bien que ce ne soit pas l'animal me décrivant le mieux. Car sous sa laine duveteuse, un loup aux crocs acérés dort. Je ne sais pas qui du loup ou de l'agneau a dévoré l'autre, mais une chose est sûre, mieux vaut ne pas réveiller le prédateur endormi.


La pause se termine et nous retournons à nos chiffres et nos présentations, me libérant de cette conversation inutile. Encore une semaine d'ennui total avant que mon job ne commence réellement. Je n'attends que ça.


La journée prend fin relativement tôt. Le ciel à la couleur rose-orangé éclaire les vitres du hall d'entrée d'une douce lueur. Je m'éclipse discrètement, me terre dans ma doudoune et regagne le souterrain.


— Elle, Elle, attend ! hurle-t-on au loin.



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21 commentaires

Alexenrose

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Il y a 4 ans

J'aime beaucoup ce début et ton héroïne ^^ je sens qu'on ne va pas s'ennuyer avec elle

Cléoda Iseth

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Il y a 4 ans

Merci beaucoup ^^ En effet elle a un sacré caractère surtout quand elle perd patience ahah

Cirkannah

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Il y a 4 ans

J ai un peu tardé mais me voilà sur ton roman je ne suis pas déçue et ça me plait et c est vrai que le résumé m a bien branchée Je vais essayer de rattraper mon retard Elle m apparaît déjà comme une fille au caractère fort

Cléoda Iseth

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Il y a 4 ans

Merci beaucoup c'est très gentil à toi ^^ Oui elle a son petit caractère ahah

kleo

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Il y a 4 ans

Bonjour chère binôme, me voici enfin pour la lecture de ton histoire. le résumé m'a interpellé et ton premier chapitre nous donne des indices précieux sur Elle, l'héroïne. Je poursuis ma lecture et te ferai un commentaire global à le fin des chapitres publiés. A bientôt

Cléoda Iseth

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Il y a 4 ans

Salut ! Merci beaucoup pour ton passage, je suis en peu en retard mais je m'y mets dans quelques minutes également ^^

Ode 30

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Il y a 4 ans

ça donne envie de découvrir la suite :-)

Cléoda Iseth

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Il y a 4 ans

Merci beaucoup :)

Mary Cerize

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Il y a 4 ans

Très intriguant et prenant j’ai hâte d’en lire davantage! 😉

Cléoda Iseth

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Il y a 4 ans

Merci beaucoup :)
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