Fyctia
Chapitre 34
Lorsque nous arrivons avec le plat, notre père et Brandon sont en pleine conversation.
_Oui, je comprends, affirme mon père. Il m’a fallu presque cinq ans pour parler couramment français et pourtant j’habitais en France.
_En même temps, c’est tellement compliqué, répond Brandon en soupirant.
_Mais, tu verras, des cours particuliers te seront vraiment utiles.
_Vous parlez de quoi ? Interviens Jaden en s’installant.
_Des cours de français. Cette vieille folle de Murphy m’oblige à suivre à des cours particuliers. Selon elle, je n’aurais pas, je cite, « un niveau assez satisfaisant » surtout que mes frères et sœurs sont « de vrais génies » sur qui je devrais prendre exemple.
Jaden se marre.
_J’ai hâte de voir ça ! J’aurais bien voulu te prendre comme élève mais Murphy m’a déjà refilé cinq ou six personnes.
Je ne savais pas que Brandon suivait des cours de français.
Si ça se trouve, il fait partie des personnes que Mme Murphy voulait que j’aide… Une idée germe alors dans mon esprit. Une idée sans doute immature et stupide puisque je me fiche de Brandon et vice-versa mais je n’arrive pas à m’en défaire.
***
C’est cette même stupide idée qui me pousse à aller voir Mme Murphy le lendemain.
_Bonjour madame ! Je la salue en arrivant devant son bureau.
Surprise, elle relève la tête de son cahier et jette un coup d’œil à la salle encore vide puisque les cours commencent dans une demi-heure.
_Oh, bonjour Brooke. Je ne me souvenais pas que j’avais en cours aujourd’hui.
_En fait, je n’ai pas cours avec vous avant mercredi. Je voulais vous voir pour savoir si votre proposition sur les cours particuliers tient toujours.
Ravie, elle referme son cahier et me sourit chaleureusement.
_Oui, bien sûr ! Installe-toi, je vais t’expliquer plus en détail ce que j’attends de toi.
Durant les vingt minutes qui suivent, elle m’indique que j’aurais trois élèves à ma charge pour commencer et que mon but est de leur faire rattraper leur retard en français. Je les verrais donc individuellement une heure par semaine.
Mais ce qui attire vraiment mon attention c’est que parmi ces trois personnes, une est dans la classe de mon frère… Malheureusement pour moi, elle ne m’a dit qui étaient ces élèves. Il ne me reste qu’à prier pour que je tombe sur Brandon sans quoi je vais me sentir vraiment idiote.
Lorsque je retrouve Alli et Kaitlyn à la cafétaria à midi, je leur expose la situation.
_Donc, si je résume bien, commence Alli après que j’ai fini mon récit. Tu bouscule un gars avant la rentrée avec qui tu t’embrouilles. Or, ce type se révèle être le meilleur ami de ton frère et il vient habiter chez vous pour une durée indéterminée. Vous vous détestez tous les deux mais en réalité par vraiment car il t’amène acheter des serviettes hygiéniques à Wallmart – d’ailleurs je trouve ça un peu bizarre mais passons – sans oublier le fameux baiser au bord de la piscine. Et comme tu ne sais pas trop ce que tu ressens pour lui, tu t’inscris à des cours de soutien en espérant être sa prof particulière. C’est bien ça ?
_Je tiens à corriger un détail : je ne l’apprécie pas et inversement.
_Ben oui, répond ironiquement Allison, c’est logique. Rappelle-moi, qui donne des cours de soutien pour le voir plus souvent ?
_Je ne-
_Que c’est romantique, me coupe Kaitlyn, l’air rêveur.
_Romantique ? Je vais répéter ce que j’ai dit à Alli : je ne l’apprécie pas et inversement. Je ne vois pas où c’est romantique.
_Sur ce point, je suis en partie d’accord avec Brooke, renchérit Allison. Ce n’est absolument pas romantique. Ce sont juste deux personnes qui refusent d’admettre qu’elles sont attirées l’une par l’autre mais qui adorent se disputer. Dans ce cas-là, on appelle ça de la bêtise mêlée à de l’attirance physique mais pas du romantisme.
_Je ne suis pas attirée par lui !
Mes amies me lancent un regard qui veut dire « tu crois vraiment à ce que tu dis ? ».
_Il est vrai qu’il est beau mais c’est un connard.
_Donc, j’ai raison, conclut Alli.
_Bon, on va passer une heure à débattre sur ça. Tiens, Kaitlyn, parle-nous plutôt de ce mystérieux gars avec qui tu sors.
Kaitlyn rougit instantanément.
_Aller, raconte, l’encourage Alli.
_Et bien, déjà, je ne suis plus célibataire…
_Oh mon dieu !
_Depuis quand ?!
_Hum… depuis deux semaines…
_Quoi ? S’exclame Alli. Et c’est que maintenant que tu nous le dis !?
Kaitlyn baisse la tête, penaude.
_L’essentiel, c’est que je vous l’ai dit, non ?
_Et qui est donc l’heureux élu ? Je l’interroge, curieuse.
_ Il s’appelle Aiden, je ne sais pas si vous le connaissez.
Aiden ? Comme l’ami de Jaden et Brandon ? C’est vrai qu’il correspond à la description que Kaitlyn nous avait faite, quelques semaines plus tôt. Il est grand, brun, a un an de plus que nous… Tout correspond.
_Non, ça ne me dit rien, répond Alli.
_Mon frère a un ami qui s’appelle comme ça, c’est peut-être lui ?
_Aucune idée, il ne parle pas beaucoup de lui. Par exemple, vendredi soir, j’ai découvert qu’il a deux petits frères et deux petites sœurs !
Vendredi soir ? Brandon m’avait dit que Jaden était avec Aiden à ce moment-là. Ce n’est donc certainement pas lui.
***
Le soir, lorsque je rentre à la maison, je découvre mon père en train de faire sa valise.
_Tu pars déjà ? Je lui demande en restant sur le seuil de la porte de sa chambre.
Il se redresse et m’adresse un sourire désolé.
_Oui, je dois me rendre à New York pour une affaire importante. Je devrais être de retour dans deux semaines. Normalement, je vous ai donné suffisamment d’argent pour que vous vous achetiez ce dont vous avez besoin. Si jamais vous avez un problème, appelez Ida, ma secrétaire.
_Hilda, je le corrige.
_Oui, Hilda. Ce n’est pas ce que j’ai dit ?
Ces dernières années, j’ai plus eu au téléphone Hilda que mon père, à tel point que je me suis prise d’affection pour cette femme qui est l’incarnation même de la gentillesse. Elle nous envoie régulièrement un message pour prendre de nos nouvelles et s’assurer qu’on aille bien alors qu’elle est débordée par son travail et sa propre famille.
_Peu importe. Tu as prévenu Lucas et Jaden de ton départ ?
_Non, je n’ai pas encore eu le temps. Mon avion est dans trois heures, je ne vais pas tarder à y aller d’ailleurs. Tu pourras les prévenir lorsqu’ils rentreront ?
Agacée, j’acquiesce malgré tout. Je décide cependant de lui mettre un coup de pression :
_Au fait, j’avais oublié de te dire mais une femme est venue pendant ton absence, il y a quelques semaines, pour te rendre ta montre. Daphnée, il me semble.
À sa mention, mon père se fige et pâlit.
_Ah oui, Jaden me l’a dit, me répond-t-il en rangeant ses affaires et en évitant mon regard. Bon, il faut que je finisse ma valise, si tu veux bien me laisser, s’il te plaît.
Je ne fais pas prier et monte dans ma chambre. Même s’il a essayé de paraître normal, j’ai bien vu qu’il était stressé. À mon avis, il va rallonger son voyage d’affaire d’une ou deux semaines, histoire de passer le moins de temps possible à la maison.
1 commentaire
Renée Vignal
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Il y a 4 mois