Fyctia

Furieuse, je lève les yeux vers l'inconnu qui m'a foncé dedans avec la ferme intention de l'engueuler mais je reste bouche bée. Waouh ! Un garçon de mon âge se tient devant moi et j'ai rarement vu quelqu'un d'aussi beau. Sa peau est légèrement hâlée, ses cheveux bruns coiffés-décoiffés me donnent envie d'y passer la main et son tee-shirt met en valeur ses bras musclés. Son corps semble être celui d'un dieu mais lorsque je croise ses yeux bleu-gris, j'ai l'impression de me prendre un seau d'eau glacé. Je me donne mentalement une gifle et m'oblige à me concentrer sur ce qu'il me dit.

_Excusez-moi, que disiez-vous ? Je lui demande, ayant été plus absorbée par son corps de rêve que par ce qu'il me disait.

Il me foudroie du regard et, visiblement énervé, s'exclame :

_Vous pourriez faire attention à ce qu'il se passe autour de vous, voilà ce que je disait !

Oups ! Serai-ce moi qui lui aurait foncé dedans ? Je m'apprête à m'excuser mais il continue :

_Ça vous amuse peut-être de jouer les auto-tamponneuses mais c'est pas le cas de tous le monde. Certains n'ont pas vraiment le temps pour ces putains de conneries ! Alors ouvrez un peu vos yeux bordel !

Pardon !? J'avais l'intention de m'excuser mais vu sa grossièreté, il peut toujours rêver! Et puis, s'il avait fait attention, je ne l'aurais pas percuté ! En plus, c'est moi qui me retrouve le cul par terre comme une idiote, pas lui !

Je me relève et lui fait face. Il mériterait bien mon poing dans sa figure !

_Désolée d'avoir osé croiser votre chemin, Votre Altesse, lancé-je avec sarcasme, j'espère que je ne vous ai pas fait perdre trop de votre précieux temps.

Il ouvre la bouche, surpris, et je poursuis :

_Sur ce, je vous souhaite une bonne journée et au revoir.

Je lui tourne le dos, ramasse mes écouteurs et pars. J'espère vraiment que les Américains ne sont pas à l'image de cet imbécile. Le pire dans tous ça, c'est qu'il est sublime. Je n'ai pas pu m'empêcher de le dévisager durant notre court échange. Pourtant, je n'ai pas l'habitude de flasher sur des inconnus mais là, c'était mission impossible que d'être insensible à son charme. Malheureusement, il est aussi beau que désagréable, c'est pour dire !

Toutes pensées concernant l'imbécile canon disparaissent lorsque je vois Starbucks. Enfin de quoi me remonter le moral ! J'entre et là, je me sens enfin chez moi.

_Bonjour que voulez-vous, me demande la vendeuse.

_Un Cookie & Cream grande s'il vous plaît.

_D'accord. Votre prénom ?

_Brooke.

La fille le note sur un verre et m'informe qu'elle me préviendra lorsqu'il sera prêt. Quelques minutes plus tard, elle m'appelle. Je m'avance vers le comptoir et récupère ma boisson. Je vais pour partir mais je suis bousculée par un garçon (pour une fois que c'est l'inverse) et ma boisson se renverse lamentablement sur ma veste.

_Mince. Je suis vraiment désolé, s'excuse le garçon tout en essuyant les dégâts avec des serviettes, je ne t'avais pas vue.

_Pas grave, ce n'est rien, je le rassure tout en tentant lamentablement d'éponger le liquide.

Je vais aux toilettes où j'essaye du mieux que je peux d'enlever la tache marron sur ma veste de sport bleu clair. Je sors et m'apprête à commander une autre boisson mais une main se pose sur mon épaule. Je me retourne et vois le garçon qui m'a bousculée me sourire.

_Tiens, me dit-il en me tendant un Cookie & Cream, je t'en ai acheté un autre pour me faire pardonner. Enfin, je sais que ce n'est pas le même prix que ta veste, ajoute-il précipitamment, mais bon...

_Ah, merci beaucoup, je le remercie avec surprise.

_Tu veux t'asseoir ? Me demande-t-il tout en me montrant une table où sont posées ses affaires.

Je sais que je ferais mieux de décliner poliment son invitation, après tout, je ne le connais pas et c'est toujours comme ça que des filles se font avoir par des psychopathes, mais quelque chose me pousse à aller m'asseoir avec lui. Peut-être son air penaud ou son sourire chaleureux et timide à la fois. On s'installe et il tente d'engager la conversation :

_Tu est nouvelle ?

_Oui, répondis-je avec étonnement, comment le sais-tu ?

_Tu as un léger accent français.

_Oh, d'accord. Oui, je viens de déménager ici avec ma famille.

_Au fait, moi c'est Hugo.

_Brooke.

La musique d'Harry Potter retentit alors. Mince. Je jette un rapide coup d'œil à mon téléphone et constate que j'ai oublié d'enlever mon alarme habituelle. Je la désactive et me rend soudain compte que Hugo est toujours là et qu'il a entendu ma sonnerie qui, avouons le, fait gamine.

_Désolée, je commence un peu gênée, c'est..

_T'inquiète, m'interrompt-il, je suis aussi un Potterhead.

_C'est vrai ? Je demande étonnée. On ne dirait pas.

_Et pourtant, je suis un grand fan. Lorsque j'avais neuf ans, j'ai même tenté d'apprivoiser un chouette, comme Harry Potter avec Hedwige.

Cet aveu me fait immédiatement sourire et me mets en confiance. Durant la demi-heure qui suit, je ne peux m'empêcher de vouloir en savoir plus sur lui et lui partager certaines anecdotes. J'apprends qu'il va dans le même lycée que moi, qu'il est en première, comme moi, et qu'il aime courir.

_Merde, s'exclame Hugo en regardant l'heure, il faut que j'y aille, je dois retrouver ma sœur dans dix minutes !

Il se lève précipitamment, range ses affaires et jette son gobelet.

_Désolé Brooke. On se voit au lycée ?

_Pas de problème, je le rassure, à bientôt.

Il s'éloigne, puis revient en courant.

_Mince, j'ai oublié de te passer mon numéro de téléphone.

Il attrape mon gobelet et l'inscrit au feutre noir avant de s'éloigner pour de bon.

_Appelle-moi, me dit-il en se retournant.

Je ne peux m'empêcher de rire. Cela ne fait même pas quarante-cinq minutes que je le connais mais j'ai le sentiment que c'est le début d'une belle amitié.

C'est sur un petit nuage que je sors enfin du Starbucks. Finalement la journée n'est pas si pourrie que ça, j'ai même réussit à me faire un ami à peine deux heures après mon arrivée.