Fyctia

Demain, c'est la rentrée et rien qu'à cette pensée, j'angoisse. Comment suis-je censée m'habiller ? Me maquiller ? Arriver au lycée ? A qui vais-je devoir parler ? Ou ne pas parler ? Et si je me trompe de classe ? Ou que je n'ai personne avec qui manger à midi ? Pire, et si j'ai un accent tellement fort que personne ne comprend ce que je dis ?

Je suis levée depuis seulement vingt minutes, et voilà que je panique déjà. D'habitude, lorsque je prend mon petit-déjeuner, j'essaye de ne penser à rien et de me détendre avant la journée qui m'attend mais, là, je ne peux m'empêcher de faire la liste des pires scénarios qui pourraient se passer lors de la rentrée.

Je me force donc à me calmer, et tente de me concentrer sur mon père et mes frère avec qui je mange.

Je me rend alors compte que ces derniers me fixent, attendant visiblement mon avis ou une réponse à je-ne-sais-quoi.

_Qu'est-ce qu'il y a ? Je demande.

_J'étais en train de vous dire, à ton frère et toi, que je vais être absent toute cette semaine. Vous allez donc devoir vous occuper de Lucas et l'emmener à l'école.

_Pour l'emmener, on part tous ensemble dans ma voiture, répond Jaden, par contre le soir, je peux pas le récupérer, j'ai déjà des trucs de prévu.

Des trucs de prévu ? Mon œil. Il a surtout la flemme, oui ! Mais je choisit de ne rien dire car je n'aurais pas à me soucier de mon moyen de transport matinal.

_Bon, maintenant que c'est réglé, je vais y aller, déclare mon père en se levant.

_Déjà ? Demande Lucas, déçu. Mais on n'a même pas fini de prendre le petit-déjeuner.

_Désolé, s'excuse mon père, mais mon avion part dans une heure, il ne faut pas que je sois en retard.

Il enfile sa veste, nous embrasse avec Lucas et prend ses affaires. Quelques minutes après, nous entendons la voiture de mon père s'éloigner.

_C'est bizarre, remarque Lucas, je croyais que son avion ne partait que demain.

Je hausse les épaules machinalement, préoccupée. Ce qui m'intrigue, c'est que papa a ignoré Jaden depuis que nous sommes arrivés. Lorsqu'il m'a parlé avec Jaden, il n'a même pas prononcé son prénom. Ils ne se sont pas regardés une seule fois. Pareil pour les embrassades, papa en a fait à Lucas et moi, mais pas à Jaden. Le pire, c'est que cela ne semble nullement affecter mon frère.

Jaden est du genre à se mettre dans des galères pas possible, à faire des conneries tout le temps. Lorsque j'étais plus petite, il se faisait constamment punir et crier dessus par mes parents. Mais de là à l'ignorer complètement... Même lorsqu'il a faillit mettre le feu à son école primaire, mes parents ne l'ont pas ignoré. Ils l'ont punit sévèrement, lui ont crié dessus, l'ont carrément menacé de l'envoyer dans un internat mais ça, jamais.

Qu'est-ce qu'à put faire Jaden pour que mon père soit en colère à ce point à ce point ?

Je reporte mon attention sur mon aîné, essayant de trouver un signe de culpabilité ou d'anxiété mais son visage est impassible et il est occupé sur son téléphone. Il pianote rapidement dessus, et ne me prête pas attention.

_Brooke? M'appelle Lucas. Tu stresse pour demain ?

_Un peu, je lui avoue, et toi ?

_Non, répond-t-il en bombant le torse, la seule chose que je crains, c'est les devoirs.

Je souris face à sa franchise et son innocence. Par moment, j'aimerais être comme lui. Retomber en enfance pour n'avoir peur de rien et revivre ces moments d'insouciance et de naïveté.

_Et toi, Jaden ? L'interroge Lucas. Est-ce que tu a peur ?

Celui-ci lève enfin les yeux de son téléphone et réfléchit un peu.

_Non, déclare-t-il après un court moment de réflexion, je n'ai pas peur, je n'ai seulement pas envie d'aller en cours. Bien sûr, la rentrée ne me laisse pas indifférent, mais de là à être inquiet ou stressé...

Lucas hoche la tête comme si il comprend parfaitement ce que ressent Jaden mais, dès que ce dernier redirige son attention sur son téléphone, il se tourne vers moi et chuchote :

_J'ai pas compris, il a peur ou pas ?

Après avoir tenté, en vain, d'expliquer à Lucas ce qu'avait voulu dire Jaden et débarrassé la table, je monte dans ma chambre pour m'habiller. Depuis hier, mon impression vis-à-vis de ma chambre n'a pas bougée. J'ai donc décidé de l'aménager et de la décorer aujourd'hui. La peinture a été faite et les meubles montés avant mon arrivée. Il ne me reste plus qu'à la personnaliser.

Après avoir enfilé de vieux vêtements, je décide de ranger mes vêtements, mes livres ainsi que mes affaires de cours. Cela m'occupe toute la matinée et je ne vois pas le temps passer. Ma chambre ne m'est plus autant étrangère, et je sens que, d'ici quelques jours, j'y serais habituée. Cette pensée me soulage car, pour moi, ma chambre est censée être un espace personnel dans lequel je me sens parfaitement à l'aise.

Je regarde alors l'heure et me rend compte qu'il est l'heure de manger. Je descends et retrouve la cuisine dans un piteux état. Le frigo est ouvert, le plan de travail est recouvert d'ingrédients et le sol semble avoir été nettoyé le mois dernier.

Au milieu de tout ce bazar, Lucas brandit fièrement une poêle dans laquelle se trouve une espèce de crêpe verte.

_Regarde, me montre Lucas, j'ai fait une omelette pour ce midi.

Jaden entre pile à ce moment mais, son attention étant rivée sur son téléphone, il ne remarque pas tout de suite l'état dans lequel se trouve la cuisine.

_Mais c'est quoi ce bordel ? S'exclame-t-il lorsqu'il découvre ce capharnaüm. Qu'est-ce que vous avez fait !?

_J'ai préparé à manger, déclare joyeusement Lucas, regarde.

Jaden grimace à la vue de la pâte verdâtre qui n'a d'omelette que le nom.

_On va éviter de manger ça, répond-t-il.

_Mais, pourquoi ? Demande Lucas avec une moue déconfite.

_Tu veux pas manger au restaurant ? Je propose.

_Oh oui ! À Macdonald !

Bon. Ce n'était pas vraiment ce à quoi je pensais mais l'essentiel c'est qu'il soit content.

Je vais rapidement me changer, attrape le porte-monnaie dans lequel papa nous laisse de l'argent et on monte tous dans la voiture de Jaden. Je lui indique l'itinéraire à prendre tandis que Lucas nous donne son avis sur toutes les voitures qui passent.

Après vingt minutes où il ne cesse de critiquer les véhicules que l'on voit, je suis soulagée lorsque l'on arrive enfin à Macdonald.

Mes frères partent chercher une table tandis que je commande. Comme ils prennent tout le temps les mêmes burgers, je n'ai pas à réfléchir et je tape manuellement sur l'écran. Nous mangeons rapidement et décidons de rentrer car nous devons préparer nos affaires pour demain.

Le reste de l'après-midi se déroule dans une ambiance détendue, devant la télé.