Fyctia
Chapitre 5-1
Deux jours plus tard.
Le Comte de Montesquiou-Fézensac arrive sur le domaine du Duc de Norfolk. Sa calèche foule les pavés de la cour. Le bruit des sabots contre la pierre prévient toute la propriété de l'arrivée du comte. La voiture s'arrête devant les quelques marches qui donnent sur la demeure, les sabots se calment. Le comte sort et regarde tout autour de lui avant de humer l'air. La plupart des plantes et des arbres permette d'obtenir un air parfaitement agréable à respirer. Victor arrive près de la calèche pour soigner les chevaux et les emmener dans des boxes à l'écurie. Il observe le comte et remarque que ce visage lui dit quelque chose. En se remémorant que ce noble vient de France, l'idée lui frappe de plein fouet. Il est l'homme qui a tué ses parents. C'est de la faute de cet homme s'il est orphelin. Lorsque le duc lui avait demandé de venir désatteler les chevaux de la calèche de cet homme, il avait mentionné qu'il était le père de la comtesse. Ce qui veut donc dire que le père de la femme qu'il aime est tout simplement le meurtrier de ses parents. Les engrenages tournent rapidement dans sa tête, il fait tous les liens possibles. Ismérie, n'est autre que la jolie fille brune avec qui il aimait tant jouer et discuter lorsqu'il était plus jeune. C'est aussi elle qui se prenait des coups par son père pour avoir joué et discuté avec lui ou avec d'autres domestiques. Il n'a pourtant jamais remarqué de marques sur son corps... Elle n'a aussi jamais porté de robe laissant une partie de son dos à découvert.
Il termine la tâche que lui a demandé de faire le maître du domaine — ne pouvant plus avoir le droit à l'erreur depuis son altercation avec lui à propos d'Ismérie et de la bombe — avant de rejoindre les appartements d'Ismérie, eux aussi déplacés à cause de l'embrasement. Il doit en avoir le cœur net avant de s'en prendre à son père. Elle lui donnera les réponses qu'il cherche. Pourquoi ne lui a-t-elle pas dit le jour où il lui avait tout raconté? Peut-être juste parce qu'elle ne voulait pas griller sa couverture...
Arrivé, devant la porte de sa chambre, il toque sans ménagement. Trois coups vifs. Ismérie ne tarde pas à venir ouvrir la porte. Victor entre sans attendre qu'elle le lui autorise et s'arrête au beau milieu de la pièce. Il essaie de se concentrer pour réussir à évoquer ce passé affreux sans la brusquer. Néanmoins, il n'arrive pas à réfléchir. La fenêtre de la chambre est grande ouverte et gazouillis des oiseaux entrent comme bon leur semble. Le jeune homme avance à grand pas vers la fenêtre et la ferme dans un fracas qui se veut beaucoup plus bruyant que prévu. Ismérie sursaute, ne s'attendant pas à ce que Victor la claque. Elle attend patiemment qu'il lui dise ce dont il a besoin pour tenter de détendre les nerfs bloqués de l'écuyer. En effet, même s'il essayait depuis son entrée de ne pas montrer qu'il est fortement en colère contre son père, Ismérie n'a pas mis beaucoup de temps à déceler cette émotion. Rien qu'en voyant les phalanges blanchir en contractant ses poings, elle pouvait facilement deviner qu'il n'était pas très jovial en ce début d'après-midi. Il revient vers elle, joue nerveusement avec ses doigts avant de se lancer.
— J'ai croisé votre père. Il est au château. Je sais qui il est et ce qu'il représente pour moi. J'aimerai pouvoir en être sûr et pour cela, il me faut voir votre dos.
— Donc tu décides de me vouvoyer pour garder de la distance entre nous, toutefois tu oses me demander de me déshabiller. Si j'étais le duc, je pense que je préférerai que tu tutoies ma fiancée.
Il sourit.
— Je fais ça pour nous.
— Je sais, mais tu sais aussi que je meurs d'envie d'être dans tes bras et qu'il m'est véritablement difficile de m'éloigner de toi. Tu me manques à chaque seconde qui passe. J'ai envie de déposer mes lèvres contre les tiennes et de sentir à nouveau ton odeur.
— Et moi donc, mais pour le moment, j'aimerai simplement avoir des réponses à mes questions.
Ismérie hoche de la tête avant de soupirer. Elle se retourne et laisse son dos face à l'écuyer.
— Je t'en prie. Tu peux délacer.
Victor s'approche et délicatement, il tire sur les ficelles qui lient le tissu à l'arrière. Plus il desserrait, plus il pouvait apercevoir la peau nue de la jeune femme. Elle ne portait pas de corset. En avait-elle réellement besoin? Ses doigts caressent les épaules de la comtesse. Elle frémit à ses touchers, elle tire sa tête en arrière lorsqu'un doigt vient frôler sa peau presque diaphane. Il n'avait jamais pu toucher une peau aussi douce, pourtant, même la plus belle et douce peau peut cacher des imperfections et des blessures. Il décale ses doigts vers sa colonne vertébrale et effleure tendrement les traces bordeaux sur son dos. Son visage se décompose au fil des signes qu'il dessine sur son tégument, le relief sur son épiderme prouve la monstruosité et la turpitude des gestes qu'un père puisse faire à sa propre fille. Le cœur de Victor se serre, ses parents n'ont jamais levé une seule fois leur main sur lui, alors qu'il n'était pas un fils obéissant. Une larme vient se loger au coin de son œil en repassant dans sa tête comme un film, les gestes des bras du comte s'abattre sur le corps de son enfant qu'il pouvait apercevoir par l'entrebâillement de la porte. Il retourne Ismérie délicatement, il ne peut pas se retenir, il ne peut plus. Il s'approche et l'embrasse passionnément. Il ne sortira pas de cette pièce sans lui avoir montré physiquement à quel point il l'aimait. Le comte payera pour ce qu'il lui a fait, mais aussi pour les blessures qu'il a infligé à sa fille, qui est désormais la femme qu'il aime et qu'il souhaite protéger coûte que coûte.
Victor descend les escaliers après avoir échangé un baiser passionné avec sa dulcinée. Il se rend dans les jardins où le comte se balade pour admirer les lieux. Il lui tire le bras pour le retourner avec une force qu'il ne pensait même pas avoir. Le comte râle avant de se rendre compte que ce n'est qu'un avorton qui a osé le toucher et le prendre de cette manière. Le père d'Ismérie se donne alors à cœur joie d'envoyer une gifle à Victor. Celui-ci la réceptionne sur la joue sans sourciller une seule seconde. Il n'y a pas de place pour l'humiliation, il n'y a plus de place. À partir d'aujourd'hui, il n'y a plus d'échelons sociales qui tiennent. À partir d'aujourd'hui, même les plus riches pourront être jugés pour ce qu'ils ont fait.
— Je sais tout ce que vous avez fait il y a une dizaine d'années, sachez que vous serez puni pour votre violence et votre médisance envers le peuple et votre domesticité. Je ne lâcherai rien.
Victor envoie à son tour son poing dans le visage du noble. Ce dernier s'écrase au sol tout en poussant un petit hurlement de douleur.
— J'espère que je me suis bien fait comprendre. Sachez que j'épouserai votre fille et que si vous souhaitez me tuer, elle me suivra en se donnant la mort, entraînant ainsi la perte de la dignité de votre famille, de votre nom.
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Nascana
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patoche
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fabi72
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Cirkannah
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Gottesmann Pascal
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Zoé Sonobe (zizogoto)
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Il y a 4 ans