Fyctia

Victor ouvre les yeux. Il tousse plusieurs secondes avant de regarder ce qu'il y a autour de lui. Il repère une grosse tâche cérulée, sa vision se fait de plus en plus précise et peut ainsi apercevoir les magnifiques cheveux bruns de la jeune femme de dos. Il reconnaît ces longs cheveux légèrement ondulés, aussi soyeux.

— Becky?

Ismérie se retourne avec un linge humide dans les mains.

— Comment te sens-tu? Tu es vraiment complètement fou...

Victor la détaille entièrement du regard. Becky est habillée d'une grande robe cérulée, d'une robe de princesse, sur laquelle sont brodées de jolies fleurs couleur cuisse de nymphe. Ses cheveux sont complètement détachés, et un peu emmêlés. Elle porte du maquillage, mais il ne peut pas se tromper, c'est bien Becky.

— Je crois que je me sens bien...

— Te rappelles-tu de ce qui s'est passé?

— Oui. L'explosion.

Elle dépose délicatement le linge humide sur le front de l'écuyer.

— Je ne suis pas idiot Becky. Dis-moi la vérité. Que fais-tu dans cette robe-ci? Ou plutôt, que faisais-tu dans les cuisines habillée comme une simple souillon?

Ismérie baisse la tête, elle ne pensait pas devoir tout avouer aussi rapidement.

— Je... Je suis la comtesse qui doit épouser le Duc de Norfolk. Je me suis déguisée en servante pour respirer un peu le jour du bal. Tu m'as surprise dans ces vêtements et je... j'ai décidé de continuer à me faire passer pour Becky, la servante, afin de pouvoir m'approcher de toi sans que tu essaies de me fuir à cause du sang qui coule en moi.

— Tu m'as donc trompé. Tu n'es pas celle que je pensais connaître. Tu as dû bien te foutre de moi en voyant que je tombais peu à peu amoureux. Je n'ai vraiment été qu'un idiot.

— Si! Bien sûr que si! Je t'ai menti sur mon identité mais pas sur ce que je ressentais. Victor, s'il-te-plaît! Crois-moi. Pourquoi aurai-je fait ça? Cela n'aurait aucun sens.

— Pour te divertir.

— Ce n'était pas le cas, j'ai pris beaucoup de plaisir à être avec toi et de passer du temps auprès de ta personne. Je ne regrette aucun moment ensemble. Je suis heureuse avec toi. Peux-tu le comprendre? Je me fiche des catégories sociales. C'est toi que j'aime, personne d'autre.

Victor aimerait pouvoir la croire sur parole, mais il continue à douter un peu. Il ne peut pas être sûr que tout ce qu'elle dit soit la vérité.

— Comment pourrais-je te croire? Tu peux tout avoir en épousant ce duc. Tu espères simplement trouver un amant avec qui tu pourrais jouer de temps en temps derrière le dos de ton mari? Si c'est cela que tu cherches, ne viens plus m'approcher car c'est hors de question. Je ne suis pas un jouet que l'on peut disposer à sa guise. Je suis tout sauf ça. Tu le sais déjà, mais je ne suis pas très fan de l'aristocratie.

— Désormais, c'est moi qui parle. Tu m'aimais bien en tant que pauvre servante. Tu appréciais Becky pour ce qu'elle était. Enfin, c'est ce que tu disais. Mais maintenant que tu sais que je suis une noble, tu me hais. Je n'ai pas changé, seul mon statut social l'a fait. Tu fais passer ton opinion politique avant ce que je suis. Tu hais les nobles pour leur richesse et leurs comportements horribles, mais penses-tu que me rejeter pour mon sang n'est pas une injustice? C'est tout aussi horrible que dénigrer un plus pauvre pour son manque d'argent.

— Tu as raison. Excuse-moi Becky.

— C'est Ismérie. Mon vrai prénom est Ismérie.

— D'accord Ismérie.

Il regarde la comtesse qui se trouve devant elle. Il ne peut pas la haïr pour son sang noble, non, il ne peut pas. Il est déjà trop tard, elle est entrée dans son cœur et se l'est appropriée. Il lui sourit tendrement, il reconnaît bien là le caractère d'une femme forte, qui ne se laisse pas amadouer par la société. Qu'importe son statut social, si elle peut comprendre et partager ses visions du monde. Son regard s'arrête sur son bras droit.

— Tu t'es brûlée?

— Ce n'est rien. La brûlure n'est que superficielle. Avec des préparations aux plantes adaptées, cela guérira, et ce même avant le mariage.

Victor se renfrogne à la mention de cet événement qui ne l'enchante guère.

— Tu comptes tout de même te marier avec cet homme?

— Je ne pense pas pouvoir faire autrement...

— Si. Nous nous aimons. Nous n'avons qu'à vivre comme nous l'entendons. Fichons-nous de la société et de ce qu'elle souhaite pour notre avenir. Je veux vivre ma vie à tes côtés, je ne veux plus passer une seule année de plus sans toi. Ces vingt-six dernières années n'ont pas été des plus fleurissantes et je pense qu'à tes côtés, je pourrais enfin connaître le bonheur à long terme.

Elle sourit.

— Comment veux-tu que j'annule ce mariage?

— En officialisant le nôtre.

— Tu... voudrais te marier à moi?

— Oui.

— Je ne sais pas si c'est une bonne idée. Tu sais ce que cela pourrait te coûter.

Elle songe à quelque chose avant de reprendre à nouveau.

— Dis-moi. Je viens de penser à un événement qui me chiffonne. Comment as-tu su que j'étais en danger dans le bureau d'Edward?

— Je...

— Ne me dis pas que tu étais au courant.

— Si.

— Comment l'as-tu su?

— Je le sais parce que c'est moi qui l'ait posée...

— Q-Quoi?!

— Ne le répète à personne s'il-te-plaît. Je fais partie d'un groupe anarchiste important, je mets en place des attentats un peu partout en ville pour destituer l'aristocratie et montrer que nous n'allons pas nous laisser faire par une bande de riches. Je ne pensais pas que tu pourrais être blessée.

— Là, n'est pas le problème. Je me fiche bien de ce qui aurait pu m'arriver. Je te parle là de toutes les servantes et de tous les majordomes qui vivent et travaillent ici. As-tu penser deux secondes que tu aurais pu blesser quelqu'un? Même Edward?

— Edward? Tu ne l'appelles donc que par son prénom. Vous êtes si intimes que cela pour en arriver là? Et oui, j'ai pensé à eux, ils avaient ordre de ne pas se rendre à l'intérieur après le retour du maître.

— Donc tu visais le duc.

— Oui. Je ne m'en cacherai pas.

Elle soupire. Elle ne sait pas comment prendre cette révélation. Il peut être anarchiste, là n'est pas le problème, mais de là à commettre des attentats qui pourraient ôter la vie de personnes, c'en est trop.

— J'aimerai que tu arrêtes ces attentas. D'autant plus que si tu te fais attraper, tu seras tuer sur le champ. C'est cela que tu souhaites? Obtenir la peine de mort?

— Non. Bien sûr que non. Ce que je souhaite, c'est la liberté!

— Nous en reparlerons. Nous devrions descendre pour n'inquiéter personne. Nous allons partir sur le fait que tu m'as sauvée la vie.

— C'est un peu vrai.

— J'ai sauvé la tienne également.

— Oui...

Ils descendent tous les deux, un peu faibles. Le Duc de Norfolk s'enquit de rejoindre sa fiancée pour la prendre dans ses bras.

— Comment allez-vous ma Chère? Êtes-vous blessée? Où étiez-vous?

— Je vais bien. De simples brûlures. Je m'en sors merveilleusement bien grâce à votre écuyer. Il m'a emmenée sur un balcon de l'autre côté, où j'ai pu respirer de l'air frais.

Le duc regarde Victor et le gratifie d'un sourire.