Fyctia
Chapitre 3-2
Le soir même, vers 20h30.
Ismérie se prépare pour sortir. Elle doit rejoindre Victor à l'écurie. Elle a vêtu à nouveau sa robe grisâtre de servante. Elle s'est faite un chignon bas pour accompagner son déguisement. Elle sort ensuite de sa chambre dans la plus grande discrétion, descend le gigantesque escalier en colimaçon recouvert d'un tapis rouge et atteint une porte qui donne sur l'extérieur du château. Elle sort et se rend jusqu'à l'écurie. Une fois devant le bâtiment, elle pousse la grande porte et y entre lorsque l'entrée lui paraît assez grande pour passer. Elle découvre le lieu et détaille chaque élément. Les boxes des chevaux sont tous magnifiquement bien entretenus, les équipements le sont aussi. Rien n'est laissé à traîner. La noble continue d'avancer tout en regardant autour d'elle. Soudainement, elle sursaute, un cheval à la robe isabelle a henni. Elle se retourne et rit.
— Bonsoir mon Beau. As-tu passé une bonne journée?
Elle lui caresse la tête puis l'encolure, du moins jusqu'où elle le peut à cause de la porte du boxe. Elle sourit et le regarde avec tendresse. Ismérie aime beaucoup les chevaux, elles n'arrivent pas à trouver un animal plus expressif que lui. Elle admire aussi leur capacité à sentir et à comprendre les sentiments des humains lorsqu'ils les montent. Elle se met ensuite à faire une révérence face à lui.
— Je suis la Comtesse de Montesquiou-Fézensac. Je suis honorée de pouvoir faire votre connaissance votre Altesse. Je n'espérais point meilleur moment pour que nous puissions enfin nous rencontrer. Je ne sais pas qu'elle aurait été ma réaction si j'avais appris que vous seriez aussi séduisant votre Altesse. J'avais ouï dire que la Marquise de Blandford avait refusé d'épouser le Duc de Cumberland pour vivre son idylle avec une roturière, une simple servante d'un grand comte de sa région. Bien entendu, ce ne sont que des commérages mais nous savons tous que ce ne sont pas que des rumeurs, sinon, nous l'aurions vu lors du bal de l'été dernier. Elle a sûrement été reniée par sa famille et...
Des applaudissements résonnent dans le bâtiment. Ismérie se retourne et voit Victor, s'approcher à pas de loup vers elle tout en frappant dans ses mains à un rythme qui se veut régulier.
— Tu as un très grand talent de comédienne! Tu as déjà vu cette Comtesse de Montiou-Zensac? Elle est vraiment comme n'importe quelle autre noble. Tu l'as entendu parler derrière le dos de cette marquise en passant dans un couloir, c'est cela?
La poitrine de la fausse servante se serre après ces paroles dures. Il ne porte vraiment pas la noblesse dans son cœur. Avoir joué une fausse réplique de femmes nobles lors d'un thé party n'était pas une très bonne idée. Elle l'avait fait pour s'en moquer, mais elle ne pensait pas que Victor arriverait au même moment et encore moins qu'il entendrait tout. Maintenant, elle en est sûre, même si l'organe dans sa poitrine bat très fort lorsqu'elle est en compagnie de l'écuyer, il n'y a aucune chance qu'ils finissent par vivre quelque chose tous les deux. Ismérie se renferme sur elle-même, si son côté servante lui plaît, il ne pourra certainement pas l'apprécier lorsqu'il connaîtra sa véritable identité. Victor remarque que son visage s'assombrit et s'approche d'elle, lui caressant la joue gauche avec sa main droite.
— Qu'y a-t-il? Ai-je dit ou fait quelque chose de travers?
— Non, non, ne t'inquiète pas. Je... Je ne devrais pas être là. C'était une mauvaise idée.
Les larmes coulent le long de sa joue, pour qu'il ne le remarque pas, elle se retourne et commence à partir. Toutefois, Victor n'a pas dit son dernier mot. Il la rattrape et lui prend le bras avec délicatesse.
— Ne t'en vas pas!
Il se rend alors compte que sa voix est trop forte et l'adoucit donc.
— S'il-te-plaît. Pourquoi me fuis-tu?
— Pour rien.
— Tu me sembles si mystérieuse et inatteignable, j'aimerai comprendre quelles en sont les raisons.
— J'aimerai tout autant connaître les motifs de ta haine outrancière pour la noblesse.
— J'accepte de t'expliquer si tu le fais aussi.
— Je ne peux pas t'en parler maintenant, ce serait trop dangereux.
— Pour qui?
— Pour moi, Victor. Je risque gros...
— Je comprends... Écoute tout de même mes explications, s'il-te-plaît. Si c'est cela qui te gêne autant chez moi, j'accepte de tenter de faire des efforts pour ne plus insulter la noblesse de la sorte, mais de grâce, ne m'empêche pas de la détester.
Le jeune homme obtient comme réponse un simple hochement de tête. Il prend alors sa main et la guide dans l'un des boxes de l'écurie qui se trouve être libre et complètement recouvert de paille fraîche. Ils s'assoient tous les deux, Victor vient prendre la noble dans ses bras, geste que cette dernière ne repousse pas.
— Pour commencer, je ne suis pas d'ici, je suis Français.
— Toi aussi?
— Comment ça moi aussi?
— Je veux dire, comme la comtesse.
— Ah oui... Si tu veux. Là-bas, je vivais avec ma mère et mon père. Ils travaillaient tous les deux au service d'un comte, assez connu et influent dans la région où j'habitais. Je ne me rappelle pas de son nom, j'étais beaucoup trop petit à l'époque. Un jour ma mère est tombée gravement malade. Mon père n'a pas eu d'autre choix que de travailler encore plus dur pour le comte afin de pouvoir acheter des remèdes pour elle. Le noble l'exploitait et utilisait ma mère comme faiblesse pour le faire travailler plus encore. Il rentrait souvent épuisé. Je n'avais que sept ans, mais je me rappelle encore de son visage tiré par la fatigue. Je ne me souviens pas du comté, mais je me souviens très bien du visage du noble, si je le retrouve un jour, je sais que je ne pourrais pas me retenir. Plusieurs jours plus tard, ma mère est morte de sa maladie. Mon père était devenu fou de chagrin, il peinait à travailler et le comte l'a renvoyé. Il dépensait le si peu d'argent qu'il avait pour me nourrir, j'étais trop jeune pour remarquer qu'il ne mangeait pas à sa faim pour moi, mais aujourd'hui, j'en ai bien conscience. Mon père est mort deux semaines après ma mère, je me suis retrouvé orphelin en l'espace de deux vulgaires semaines, à cause d'un sale noble qui ne pensait qu'à sa hiérarchie.
— Je suis vraiment désolée...
— Tu n'as pas à l'être, tu n'y es pour rien. Cet homme était une véritable vipère, il battait même sa femme et frappait sa fille.
— Vraiment...?
— Oui, je l'ai déjà vu à l’œuvre, sa fille avait quasiment le même âge que moi, elle devait être un peu plus jeune, lorsqu'elle parlait à un domestique, elle se faisait réprimander et elle recevait un coup de martinet dans le dos. Je n'oublierai jamais cela. J'aimerai pouvoir savoir si aujourd'hui elle va bien, même si elle reste une noble, elle sait tout de même ce qu'est la violence et la maltraitance et elle, elle considérait les domestiques. Je sais qu'elle était jeune, mais tout de même. Elle recommençait à leur parler avec un joli sourire ensoleillé malgré que son père le lui interdisait et la menaçait de la frapper à nouveau.
8 commentaires
Nascana
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Il y a 4 ans
Zoé Sonobe (zizogoto)
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Il y a 4 ans
patoche
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Il y a 4 ans
Zoé Sonobe (zizogoto)
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fabi72
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Il y a 4 ans
Zoé Sonobe (zizogoto)
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Gottesmann Pascal
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Il y a 4 ans
Zoé Sonobe (zizogoto)
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Il y a 4 ans