Fyctia
Jour 4 - MilA
Il a le nez droit.
Les pommettes saillantes et une pomme d’Adam prononcée au point qu'elle m'hypnotise quand il déglutit. La sueur qui perle sur son front alors que sa tête est appuyée contre le mur près de la porte d'entrée me donne des sueurs à moi aussi.
Froides. Glaciales.
La peur envahit mon être entier et mon souffle qui se perd dans mon bâillon de fortune est sur le point de m'étouffer, mais je continue.
Je marche dans sa direction. Mes yeux restent braqués sur lui. Au moindre mouvement de sa poitrine, agitée, signe d'une respiration saccadée, je me fige. Je stoppe net tout mon corps, ordonnant presque à mon cœur de cesser de battre.
J'ai peur.
Il me terrorise.
Parce qu'il me séquestre. M'enferme. M'attache.
Pour autant, il ne parle pas. Ne me donne aucune raison plausible sur ma présence ici, dans ces conditions.
Malgré tout, la situation dans laquelle je suis aujourd'hui ne me paraît pas aussi abominable que le cauchemar qui se joue de moi toutes les nuits.
Du moins pas encore.
La peur est simplement différente. Plus poignante. Moins oppressante.
Je vérifie une énième fois si mon bourreau est toujours dans ses pensées et me permet de jeter un œil sur la pièce qui m'entoure. Ma lucidité me donne du courage. J'ai retrouvé une synergie entre mon corps et mon cerveau, oubliée depuis bien longtemps. Le fardeau que forment ces deux-là en temps normal me semble moins lourd à porter, même si je sens que les symptômes du manque ne sont pas loin.
Un salon. Plongé dans une semi obscurité blafarde et presque aussi grand que la chambre où ce psychopathe me garde prisonnière.
Psychopathe, mais pas assez malin si l'on prend en compte qu'il ne serre jamais assez bien ses liens. Son erreur mêlée à mon courage fait que je me retrouve à quelques centimètres de lui.
Tremblante de peur. Effrayée. Mais bel et bien debout. Prête à me jeter sur cette foutue porte qui me délivrera.
Mais juste en partie. Juste de lui. Pour le reste, j'ai pris perpétuité.
Quand mes yeux s'habituent à cette lumière quasi tamisée, je vois enfin cet appartement. Les moulures sont semblables à celui de mes parents. Seule l'odeur de renfermé omniprésente et qui me donne la nausée diffère des appartements luxueux de la rue Montespan...
Rien que de penser à ma famille, mon cœur se serre et une douleur lancinante irradie chaque parcelle de mon être.
"Du courage Mila. Juste du courage."
Je pense à l'odeur sucrée de Camille. Son souvenir me monte les larmes aux yeux. Je serre les poings et mes ongles se plantent dans mes paumes. Mon regard se pose sur l'homme qui me fait face.
Mon cœur bat la chamade.
Soudain, il ouvre les yeux.
Sans aucun autre mouvement. Ses deux billes se plantent dans les miennes. Ça ne dure que quelques secondes, mais j'ai la terrible impression que son regard émeraude me pénètre et me sonde. Des frissons me parcourent l'échine et je sens ma lèvre supérieure devenir moite de sueur.
Alors sans hésiter, je me jette sur la porte.
J'y mets tout mon cœur. Je veux sortir d'ici. Et le passage de cette porte est ma délivrance.
Malheureusement, son bras se met en travers, en un réflexe. Son corps ne bouge pas et seul son avant bras me fait barrage.
Dans une lutte perdue d'avance, je me débats. Mes cris sont dérisoires et se transforment en plaintes presque inaudibles. Mes ongles se plantent dans son dos musclé quand il me porte pour me plaquer contre le mur. Sa peau moite glisse sous mes mains mais je continue de m'accrocher. En vain. Je noue mes jambes autour de sa taille et bats des jambes comme une enfant. Mes talons viennent frapper l'arrière de son corps qui se tord sous les coups que je lui assène.
Ses mains me bloquent la gorge.
Je suffoque.
Mais je me bats.
Je bouge mon corps dans tous les sens et je sens sa crispation et sa colère alors que je l'empêche de me maintenir immobile. Je lui rends les choses encore plus difficiles en griffant sa peau et en martelant le bas de son dos de mes jambes.
Mes je sens les dernières forces avoir raison de moi. De mon courage. Une crampe paralyse la plante de mon pied droit.
Je suis terrifiée de ce silence. Seuls nos souffles se confondent.
Mais je continue.
Je ne céderai pas.
Je tousse.
Ses mains serrent un peu plus et ma trachée me fait mal. Me brûle.
Son corps appuie sur le mien pour me maintenir à son bon vouloir, et cette montagne de muscles comprime ma poitrine. J'ai l'impression de sombrer sous une chape de plomb.
Dans la lutte, mon regard accroche le sien. Ses pupilles sont dilatées et la colère est palpable, suintant par tous les pores de son visage.
Puis c'est le trou noir.
Le néant.
Je sens mon corps entier se relâcher. D'un coup. Brutalement.
Je rends les armes.
Et c'est comme un soulagement.
Comme ma drogue quotidienne.
Et une voix. Lointaine :
"Pardon"
21 commentaires
LAETITIA SHAYDEN
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Il y a 8 ans
Myjanyy
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Il y a 8 ans
Myjanyy
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Il y a 8 ans
LAETITIA SHAYDEN
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Il y a 8 ans
Myjanyy
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Il y a 8 ans
marianne07
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Il y a 8 ans
Myjanyy
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Il y a 8 ans
Marjy Noname
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Il y a 8 ans
Myjanyy
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Il y a 8 ans
Audrey Woodhill
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Il y a 8 ans