Fyctia
Jour 3 - MilA
Je sursaute brusquement. Des gouttes de sueurs roulent le long de mes tempes et mon corps entier est moite. Mes jambes tremblent dangereusement et ma poitrine m'oppresse.
Mon cauchemar n'en finit pas. Même ici, dans cette pièce sombre, ligotée et maltraitée, j'arrive encore à me perdre dans les méandres de mon passé obscur.
Toujours ces cris. Ces phares. Ce choc. Ma tête qui tourne et mon cœur qui frappe.
Et le néant. Silencieux.
Apeurée et prise d'une soudaine panique, je gémis dans mon bâillon collant. Mais rien. Mon estomac est pris de violentes crampes. La faim me tenaille. Alors je cesse de gesticuler et de me fatiguer. Et je tourne la tête vers le peu de lumière qui passe encore entre les volets.
Je ne sais plus quelle heure il est. Ni quel jour on est. J'ai du mal à distinguer la frontière entre fiction et réalité. Ma vie entière est un mauvais rêve. Aujourd'hui, tout se confond. Je tends l'oreille. Un silence pesant me répond. Mon tortionnaire est sorti. Même si je ne sais pas si mon cerveau a réellement entendu le cliquetis de la porte d'entrée ou si mon imaginaire a pris le relais.
Je hausse les épaules pour moi-même. Je dois être bien pathétique allongée de la sorte, mon corps décharné à même le sol, baignant dans la sueur et l'urine. Même la douche qu'il m'a fait prendre n'a eu aucun effet salvateur. La peur ne me quitte pas. Elle a envahi mon être et coule désormais dans mes veines.
Je ferme les yeux un instant et pense à mes proches.
A mes parents. A Leny.
A Camille... ma si petite sœur. Son image surgit. Un sanglot rauque s'échappe de ma gorge et se perd dans ma bouche sans franchir la barrière qui scelle mes lèvres. Je hoquette et tente de reprendre mon souffle.
Un flot de questions envahit mon cerveau engourdi.
Que me veut-il ?
Que cherche-t-il ?
Pourquoi moi ?
Je n'ai pas la force de combattre cet homme qui me terrifie. Sa main puissante a laissé des traces sur mon bras et je peux encore sentir la froideur de son arme contre mes cheveux humides. Je frissonne.
Soudain un fracas assourdissant retentit. Je me crispe. J'entends des pas lointains. Des marches qui craquent. Le plancher qui tremble.
Où suis-je ?
Pour me calmer, je tente d'imaginer ce qui se passe au dehors. Derrière cette fenêtre qui reste désespérément fermée. La vie doit battre son plein. La réalité de l'existence continue à l’extérieur sans se douter que je suis prisonnière d'un homme inconnu.
Me cherche-t-on ?
Je sais que Leny doit s'inquiéter.
Depuis combien de temps suis-je ici ?
Le plancher tremble à nouveau. Le craquement se fait plus régulier et plus lent. Des sons étouffés me parviennent. Comme des voix lointaines. Très lointaines.
Puis des coups sur les murs.
Mon cœur accélère ses battements.
Mes bourreaux sont-ils plusieurs?
Je serre les paupières aussi fort que possible. Je sais que je n'en ai vu qu'un. Ses yeux me hantent. Sa voix m'électrise. Sa force et son cynisme m'effraient.
Comme souvent, mes souvenirs sont flous. Je vis dans une peur quotidienne depuis trois ans. Trois ans où mon esprit a appris à se déconnecter de la réalité pour ne pas se faire submerger par la souffrance. Aujourd'hui encore, une amnésie partielle m'empêche de remettre en place les morceaux décousus des jours, ou peut être des heures, qui viennent de s'écouler.
J'aimerais abdiquer et me laisser aller. Mais c'est impossible.
Seul un sachet de poudre blanche peut m'aider à aller de l'avant. Seul un joint à la fumée vaporeuse, peut m'aider à planer.
Abandonnée, ici je n'ai rien de tout ça. Je dois m'en sortir. Repousser mes propres limites.
Un cliquetis me sort de ma léthargie pensive. Des pas, des voix.
Je tends l'oreille mais ma posture ne me permet pas d'entendre correctement. Quand la porte s'ouvre et que la lumière jaillit, mes yeux me brûlent. Mais personne n'entre.
J'entends une porte qui claque.
Puis des pas s'approcher. Je ne vois toujours pas.
Quand une silhouette se penche vers moi, je reconnais mon tortionnaire. Mais ce n'est pas son visage froid et anguleux qui me fait dire d'emblée que c'est lui.
Juste le dessin de cette plume finement dessinée qui lui mange la moitié de l'avant-bras.
Alors qu'il entreprend de défaire mes liens, je ferme les yeux et m'imagine ce qu'est la légèreté.
Planer. M'affranchir de tous les poids qui me font souffrir. Voler.
Partir.
Je sens un mince sourire étirer mes lèvres gercées.
Mon échappée prend fin quand sa voix puissante m'ordonne :
- Debout !
Mes mains sont libres. Mes jambes, malgré les tremblements, me portent encore. J'inonde mon cerveau d'images positives. Je tente de trouver un soupçon de force au plus profond de moi.
L'image de la plume me revient.
Je dois tout tenter.
A cette pensée, une poussée d'adrénaline remonte dans ma poitrine.
Sans réfléchir, ni aux conséquences, ni à rien d'autre, je retire brusquement le collant qui m'obstrue la bouche. Puis, je passe mes bras au travers des emmanchures de mon tee-shirt trop grand. Sans m'arrêter, au risque de vomir mes tripes, je descends lentement le short qui glisse sur mes hanches.
Nue devant lui, je vacille presque. Ma vision devient floue. Mais je tente le tout pour le tout. Un torrent de larmes salées inonde mes joues brûlantes. Et d'une voix éraillée, je lui dis :
- Faites ce qu'il y à faire. Mais, après, je vous en supplie... laissez-moi partir.
5 commentaires
A.L.
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Il y a 8 ans
LAETITIA SHAYDEN
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Il y a 8 ans
Myjanyy
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Il y a 8 ans
Myjanyy
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Il y a 8 ans
Audrey Woodhill
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Il y a 8 ans