Fyctia

J'ai faim. Les grognements sinistres de mon estomac m’ont réveillée. J'ai froid aussi,

Quand j'émerge enfin, mon esprit ne tarde pas à réagir. Je me souviens que je suis allongée sur le dos. Sans pouvoir bouger. J'ai l'impression que mon sommeil a duré des jours entiers. Je bouge discrètement mes bras et mes jambes. Les liens ne me cisaillent plus autant, et mes blessures sont moins à vif.

Je suis seule.

Des sons étouffés me parviennent de la pièce d'à côté. Il est là.

J'ai reconnu mon bourreau. Celui qui me garde prisonnière, Chaque fois que ses yeux verts se posent sur moi, mon corps frissonne. Au premier regard, c'est ce que j'ai vu. Cette couleur émeraude, si profonde. Inconsciente, j'ai succombé à ses compliments. Et une phrase me reste en tête : le bien et le mal. Il a tout compris. C'est ce qui m'a fait flancher.

Mais tout le reste est flou dans mon esprit. Encore embrumé, mon cerveau a du mal à remettre en ordre les morceaux décousus de ma soirée. Le néant. Le trou noir. Même si j'y suis habituée, cette abyme me paraît plus dangereuse.

Et pour une fois, je ne compte pas m'y laisser glisser. Je suis au fond du gouffre depuis des années, et la chute ne fait plus mal. Je dois me sortir d'ici. Ou du moins essayer. Malheureusement, le courage me manque.

Tout ce que j'éprouve, maintenant, c'est de la peur.

Je la sens m'emplir les veines et se loger dans ma poitrine. A cette pensée, une puissante montée d'adrénaline secoue mon corps. Des tremblements agitent mes jambes prisonnières. Mon cœur accélère ses battements. Toujours plus vite, toujours plus fort.

Puis, soudain, comme par enchantement, la fine cordelette glisse sur ma main retenue prisonnière.

Je réagis.

Il a desserré mes liens pour me faire boire. Ses mains puissantes ont retenu mon corps, tandis que l'eau coulait dans mon cou. Les yeux fiévreux, le cœur en sang, je me suis laissée faire, sans broncher. Et il m'a rattachée.

Mal rattachée.

Je profite de ma lucidité complète, et tire de toutes mes forces sur mes poignets pour faire céder définitivement les liens qui me retiennent et qui m'empêchent de bouger. Je sens mon cœur qui palpite. Ma tête cogne contre le sol et je pousse vers l'avant avec mes pieds. Mon corps endormi se réveille. Une force invisible s'empare de moi. Des grognements sourds remontent dans ma gorge. Le scotch qui me tiraille le visage m'empêche de crier et d'hurler.

Je sens l'allégresse m'envahir quand ma main droite est enfin libérée. Ma victoire est pathétique, mais je la vois comme un signe du destin. Avec précipitation, je continue mon acharnement, et de ma main libre, j'essaie tant bien que mal de me détacher du reste.

La voix se rapproche et mon bourreau n'est qu'à quelques pas. Ma respiration est saccadée. Mon souffle se fait court. La peur que j'éprouve accompagne mon maigre courage. Ma volonté se fait plus forte.

Il marche. Je peux sentir les faibles tremblements du sol. La résonance de ses pas me parvient parfaitement. Mes oreilles bourdonnent et la sueur coule le long de ma colonne vertébrale.

Je dois y arriver.

Mes doigts sont en feu à force de tirer sur la corde qui me blesse. Je libère ma seconde main.

Je m'attaque à mes chevilles et mes doigts s'agitent inlassablement. Mes cheveux collent à mon visage trempé. Mes bras sont lourds et fatigués, mais je persévère. Je continue de m'acharner.

Il n'y a plus un bruit. Le silence est pesant. J’ai de nouveau peur. Je m'agite dans tous les sens pour me libérer et pour briser ces dernières chaînes qui entravent ma liberté.

Quand j'arrive enfin à me mettre debout, ma tête tourne et mes jambes tremblent. Ma vision devient floue et mes tempes me font souffrir le martyr. J'ai l'impression que je perds pieds tant je n'arrive pas à avancer. Mes jambes ne me portent plus. J'ai peur d'échouer.

Si près du but.

Difficilement, et presque à l'agonie, j'arrive à rejoindre un coin sombre derrière la porte. Je me laisse glisser contre le mur. Une onde de fraîcheur envahit mon corps. Je m'assois et replie mes genoux contre ma poitrine. La détente soudaine de mes muscles me fait tressaillir. Je ferme les yeux quelques secondes et arrache d'un geste sec le bâillon collant qui m'agresse la peau.

C'est un jet de lumière blanche qui me sort de ma torpeur.

Sa silhouette entre dans la pièce et de derrière je vois sa main se poser sur son revolver. Je ne dis rien, et je tente de garder ma respiration silencieuse. Je sens deux grosses larmes brûlantes rouler le long de mes joues.

Ça ne dure que quelques secondes.

Je me jette sur lui. De toutes mes forces. Surpris, il tombe sur le sol et ses pieds viennent me faucher au passage. Ma tête cogne contre le sol mais je garde mes mains autour de son cou.

Et je serre. Je veux l'empêcher de respirer.

Il suffoque et tousse. Dans ma précipitation je ne sens pas sa main chaude qui me retourne violemment sur le dos. Je lâche prise.

Il se retrouve au-dessus de moi. Nous sommes maintenant face à face. Je tente de me débattre, mais le combat est perdu d’avance. Je crie. Ma voix éraillée enflamme ma gorge. Je continue. Mon cœur tape encore et toujours dans ma poitrine. Je ne pense plus à rien.

Je me stoppe d'un coup quand je sens la pointe métallique de son revolver caresser doucement mon visage. Il en trace les moindres contours. Quand j'ouvre les yeux, ses deux billes émeraudes me fixent et plongent en moi.

Il sourit. Son souffle chaud balaye mon visage. Mon corps entier ne m'obéit plus tant la peur m'assaille. Des spasmes douloureux torturent chacun de mes membres. L'arrière de mon crâne qui a cogné sur le sol, me lancine.

C'est sa voix grave et sinistre qui finit de me faire sombrer. Je suis terrifiée.

- Tu comptes aller où comme ça ma jolie ?

Toujours aussi délicatement, il presse la pointe de son arme sur ma tempe. Le métal froid contraste avec ma peau bouillante.

Je me pétrifie. Ma frayeur est à son comble.

- La prochaine fois...

Il enfonce encore un peu plus son flingue sur ma peau meurtrie. Mon cœur s'arrête de battre et mes dents s'écrasent sur ma lèvre inférieure pour ne pas crier.

- BOUM !