Fyctia
Chapitre 7 Partie 1
Noah
Samedi 6 décembre
Fatigué, les jambes molles, je fais signe à Joachim que je m’octroie une pause. Mon collègue acquiesce et me laisse filer en direction de la salle de repos sans problème. Il est de taille à gérer le service pendant les quinze minutes qui nous sépare de la sortie des bureaux et de la nouvelle vague de clients qui viendront se perdre au Kaldi’s.
La nuit a été courte malgré ma matinée de repos. Le concert de la veille dans un bar de Jefferson City, à environ deux heures de Saint Louis, s’est éternisé plus que prévu, sans compter les problèmes qui se sont accumulés. Leyla nous a planté au dernier moment, alors qu’elle savait que Robbie ne pourrait pas nous accompagner, nous obligeant à monter et démonter le matériel à trois au lieu de cinq. La batterie de la camionnette a pris froid, nous rendant dépendant d’une âme bienveillante pour la recharger et repartir. La neige s’est invitée sur le chemin du retour, nous contraignant à rouler plus doucement. Je n’ai pu rejoindre mon lit qu’à l’aube et dormir qu’environ quatre heures avant de me lever pour prendre mon service. C’est pour ça qu’on accepte rarement des contrats en dehors du comté de Saint-Louis. Quand on le fait, c’est parce pour rendre un service ou parce qu’il y a pas mal d’argent à la clé.
J’insère une dosette dans la machine à café et regarde les gouttes du liquide chaud s’écouler dans un bruit quasi-hypnotique.
— Tu devrais prendre une chaise avant de finir par terre.
Je sursaute en entendant la voix d’Hannah dans mon dos et mes paupières se soulèvent d’un coup. Je ne m’étais même pas rendu compte que j’avais fermé les yeux.
— Tu es en train de t’endormir debout, ajoute-t-elle, en faisant racler une chaise sur le sol jusqu’à ce que l’un des pieds touche ma jambe.
Je la remercie dans un discret murmure et me laisse tomber sur l’assise alors que l’assistante du manager me tend la tasse légèrement fumante.
— Je crois qu’il va te falloir plus de caféine pour tenir le coup jusqu’à la fermeture, remarque-t-elle en prenant place sur la banquette de l’autre côté de la table.
— Il ne me reste qu’une heure à tenir, ça devrait aller.
Elle me fixe, étonnée.
— Quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit ?
— Il te reste trois heures, Noah, affirme-t-elle, d’un air désolé. Tu as accepté de remplacer Joachim pour la fin de journée, tu as oublié ?
Non !
Je me prends la tête entre les mains, épuisé à l’idée de ne pouvoir rejoindre mon lit aussi tôt que prévu. J’avais complétement zappé ma B.A de la semaine.
— Oui, grogné-je, de mauvaise grâce.
En règle générale, je refuse net de prendre les heures de mes collègues les lendemains de concert, mais j’ai fait une exception cette fois-ci pour que Joachim puisse rendre visite à sa femme hospitalisée avant la fin des heures de visites. Je ne peux pas revenir là-dessus maintenant. Ni même demander à Hannah de m’accorder un départ anticipé et de fermer le café plus tôt. Elle a beau être cool, elle est sous les ordres de Fred, le manager en chef. Et même si celui-ci n’est pas là, il ne manquera pas d’en entendre parler et de lui taper sur les doigts. Elle ne prendra pas le risque de perdre sa place pour me permettre de rentrer dormir. Elle n’est pas responsable de ma nuit agitée.
J’avale une gorgée, me brûlant légèrement au passage, avant de piocher dans le sachet de beignet posé sur la table et de croquer dedans à pleines dents. Le sucre ne sera pas non plus de trop pour me tenir éveillé.
Comme à son habitude, Hannah ouvre le St Louis Post-Dispatch et commence à passer en revue les différents articles. Je ne vois que la une de ma place, et à part la victoire des Blues, notre équipe de hockey, le reste n’a pas l’air réellement passionnant.
— Quoi de neuf dans le monde ? lui demandé-je tout de même, afin de faire la conversation.
— La maison des Macklaff a été vendu, me répond-elle sans même relever la tête. C’est dingue ! Comment des gens peuvent avoir envie de vivre là-bas ?
— Pourquoi ça te choque à ce point ?
Hannah baisse le journal et me fixe, les yeux ronds comme une soucoupe.
— C’est la maison des Macklaff, voyons. Entre le meurtre d’origine et son lien avec The Santa Claus Killer, cet endroit est maudit. Il faut avoir un grain pour ne serait-ce vouloir mettre un pied là-bas. Et puis…
Elle continue de parler, mais mon cerveau n’enregistre plus les mots qui sortent de sa bouche. The house of the Christmas murder. C’est sous ce nom qu’elle a été rebaptisée depuis un an. Je me souviens, maintenant, d’un reportage diffusé il y a quelques mois où le journaliste parlait de cet endroit et de son passé. Avant de devenir un lieu maudit, comme le dit Hannah, cette maison appartenait à Roger Macklaff, directeur commercial d’une grande entreprise et sa fille, Sandy. Après quelques mois à fréquenter une certaine Félicia, ancienne prostituée, il l’a épousée et a recueilli sa fille, Elisabeth. La lune de miel n’a pas duré longtemps, vu que Sandy a tué son père et sa belle-mère sans raison aucune.
C’est en tout cas, ce que j’ai retenu, en plus du lien avec The Santa Claus Killer.
Je n’avais juste pas fait le rapprochement avant, car, contrairement à Hannah, je ne suis pas originaire de Saint Louis. Mes parents ont emménagé ici quelques mois avant leur décès et, après avoir été en foyer d’accueil pendant une période qui m’a paru interminable, j’ai fini par déménager dans ma nouvelle famille. Je ne suis revenu ici qu’après avoir terminé mes études secondaires.
La porte de la salle de repos s’ouvre à la volée sur Joachim, agité. Je jette un coup d’œil à ma montre. Je ne suis pourtant pas en retard pour la reprise, il me reste quelques minutes.
— Hannah, un détective souhaite te voir.
3 commentaires
Natia Kowalski
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Il y a 5 jours
Leroux Ophélie
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Il y a 4 jours