Leroux Ophélie I wish you a merry death Chapitre 6 Partie 3

Chapitre 6 Partie 3

Encore une impasse. Encore un chemin qui s’effondre sous mes pieds et m’entraîne avec lui. Il ne reste plus qu’une chance avant de faire une croix sur cette hypothèse. Non qu’elle soit forcément fausse, parce qu’elle peut avoir été dans un foyer dans une autre ville, voir dans un autre état. Seulement, à ce moment-là, il ne sera pas possible de faire autrement qu’avec une demande officielle. Et si les supérieurs de Willa apprennent qu’on fouille dans le passé d’Allison Walters, les choses risquent de prendre une tournure politique dérangeante.

Jasper se lève, remerciant la directrice de nous avoir reçu. Je l’imite sans un mot avant de le suivre en dehors du bureau.

— Vous êtes qui ?


En haut de l’escalier, un jeune adolescent, qui doit avoir environ onze – douze ans, nous fixe derrière ses lunettes rondes, l’air intrigué. Ses cheveux noirs en désordre, loin d’être aussi long que les miens et ses vêtements mal ajustés, comme s’il avait grandi trop vite, lui donne un faux air du fameux sorcier. Il ne manque plus qu’une cicatrice en forme d’éclair sur le front.


— Alors ? insiste-t-il sous notre silence avant qu’une violente quinte de toux l’oblige à se plier en deux.

— Samuel ! Retourne te coucher et laisse ces détectives tranquilles, s’il te plaît, intervient la fameuse surveillante en chef, d’un ton sans appel.

— Il ne nous dérange pas, la contredit Jasper avec un sourire pour Samuel, récoltant au passage un regard amer de Donna.


Le gamin lâche un soupir et remonte l’escalier à contrecœur en traînant des pieds.


— Je vais vous reconduire à la grille, indique-t-elle avec un claquement de langue.

Ce n’est pas une invitation à la suivre, cette fois-ci, mais un ordre déguisé.

— Avec plaisir, très chère, réplique Jasper, amusé, tout en inclinant la tête, tel un gentleman sorti tout droit d’un film en noir et blanc.

L’ironie dans sa voix est loin de passer inaperçue, et si Donna l’a entendu, elle n’en laisse pourtant rien paraître.


Elle nous devance tel un adjudant-chef jusqu’à refermer la grille dans notre dos avant de faire demi-tour sans même un « au revoir ».


— Quelle amabilité ! Elle devrait retirer le balai qu’elle a dans le cul.

— Certaines personnes aiment avoir quelque chose dans le cul. Tu devrais le savoir, pourtant, réplique Jasper en riant, tout en s’éloignant suffisamment pour ne pas se prendre une claque derrière la tête.

Malgré moi, je ne peux m’empêcher de sourire. Je lui ai tendu la perche, il faut dire.

Jasper ouvre la bouche, prêt à dire quelque chose au moment où son téléphone sonne.

— Paola, lance-t-il avant de répondre.


L’amusement quitte aussitôt les traits de son visage, ce qui implique une mauvaise nouvelle.

— On fait au plus vite.

Jasper raccroche et enfonce l’appareil dans sa poche.


— On doit retourner chez toi, elle va nous y attendre, m’explique-t-il avec empressement tout en commençant à marcher vers la voiture. Tu as reçu un nouveau cadeau.


*****


En arrivant, aucun signe de Paola. Sa voiture n’est pas sur le chemin qui mène à la maison et elle ne peut pas être dans l’allée. Elle n’aurait pas pu ouvrir le portail sans le badge. C’est le premier truc à avoir été installé avant même mon emménagement définitif. La plupart des propriétaires du coin n’ont pas pris la peine de faire la même chose, rendant leur maison trop accessible aux yeux d’un ancien flic.


Jasper roule au pas avant d’arrêter le moteur non loin de la porte d’entrée. Et c’est à cet instant que choisi Paola pour s’engouffrer dans l’ouverture avant que le portail se referme.


— Timing parfait ! s’exclame Jasper avant de descendre de la jeep et de rejoindre sa coéquipière qui laisse sa voiture en plan, sans prendre la peine de réellement se garer correctement.

— Tu as intérêt à ramener tes fesses dans le bureau de Willa, demain, prévient-elle, amusée, en tapant le torse de Jasper avec son poing. Elle veut un rapport complet de vos investigations, continue-t-elle, en nous regardant tous les deux, cette fois-ci.


Elle fait mine de réfléchir, le doigt tapotant ses lèvres.


— Qu’est-ce qu’elle a dit exactement ? Hum, oui, ça y est ! C’était quelque chose comme « Tu diras à Jasper d’arrêter de me prendre pour une idiote et à Keegan qu’il est censé être un fantôme. Un putain de fantôme ! »

Le sourire de Jasper se transforme en une grimace. Willa n’est pas du genre à jurer. Pour que ce soit le cas, il faut qu’elle soit énervée, sacrément énervée.


— Vous êtes dans la merde les mecs, lance-t-elle, en riant. Je n’aimerais pas être à votre place.

— Jasper est dans la merde, je ne suis plus flic, tu te souviens, lui rappelé-je, en haussant les épaules.

— C’est vrai que tu te comportes comme un citoyen lambda, ces derniers jours, réplique-t-elle. Comment avance la rénovation de ton château ?

Je n’ai pas le temps de trouver une réponse appropriée, qu’elle récupère un sac de preuve dans la voiture et enchaîne :

— En attendant, tu lui obéis, ne serait-ce qu’un peu ? Tu ne fais pas trop de vagues alors que tu aurais pu tout balancer au premier journaliste venu, souligne-t-elle avec un clin d’œil avant de filer vers la maison.

— Elle t’a eu sur ce point-là, mon pote, se marre Jasper à mes côtés.

— Tu devrais commencer à réfléchir à ton discours d’excuse, au lieu de te foutre de ma gueule, lui fais-je remarquer.

— Oh ! Ne t’en fais pas pour ça. Ce n’est pas ma première fois, rétorque-t-il avec un petit rire avant de suivre Paola.


Je n’ai aucun mal à le croire. Je secoue la tête, plaignant mentalement Willa. Je devrais lui offrir une poupée vaudou à l’effigie de Jasper pour passer ses nerfs. D’un pas rapide, je les rejoins au niveau de la porte d’entrée et la déverrouille pour les suivre à l’intérieur.

Sans m’attendre, ils se dirigent directement vers la salle à manger transformée en QG. Paola dépose le sac sur la table, me laissant voir ce qu’il contient.


— Une boule à neige, constate Jasper alors que mes doigts se referment dessus. Il y avait un message ?

— Non…enfin si…


Elle me prend la boule à neige des mains et la secoue légèrement. Il n’en faut pas plus. Les faux flocons de neige qui auraient dû être blanc ne le sont pas.

Ils sont rouge sang.


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1 commentaire

Natia Kowalski

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Il y a 5 jours

Oh oh... je me demande si le foyer était réellement une fausse piste...
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