Fyctia
Prologue suite
En silence, nous grimpons les quelques marches qui mènent au porche, en faisait attention à ne pas passer à travers les planches pourries, avant d’entrer dans la maison. Aussitôt, un mélange d’odeur assaille mes narines, me faisant plisser le nez de dégoût, et me laisse comme un goût de pourriture dans la bouche qui me déclenche un haut de cœur.
Odeur d’urine, de vomissure, de moisissure.
Odeur du sang.
Odeur de mort.
Un coup d’œil à Jasper m’indique qu’il est dans le même état. Son écharpe lui sert de cache-nez pour atténuer la puanteur. Finalement, ce n’est peut-être pas une mauvaise idée d’en porter une. Je fouille dans mes poches et en sort un mouchoir en tissu. Je le plaque sur mon visage avant de continuer d’avancer.
Les murs sont recouverts d’inscriptions, de dessins plus ou moins réussis, d’insultes, de graffitis en tout genre. Un énorme cœur peint en rouge avec des initiales teintées de blanc attire mon regard. Comment des personnes peuvent danser, s’amuser et exprimer leur amour sur la tombe des autres, en toute connaissance de cause ? C’est malsain, morbide. C'est quelque chose que j'ai du mal à comprendre.
Un agent me frôle en sortant de la pièce principale, le visage blanc comme un linge. La mort fait partie de notre métier. On la côtoie de près. Les circonstances, en revanche, peuvent nous donner des cauchemars pendant des mois et nous atteindre plus qu’on ne le voudrait.
Jasper me devance et lâche un « Sainte mère de Dieu » en découvrant le spectacle qui se joue sous ses yeux. Ce qui signifie qu’une chose. C’est pire encore que la description qui nous a été faite.
Et, effectivement, on en est loin, pensé-je en détaillant à mon tour la scène qui se révèle à mon regard.
Une jeune femme aux longs cheveux noirs est allongée sur le sol, les bras en croix, dans une toge blanche qui ressemble à celle des déesses de l’Antiquité. Enfin, dans une toge qui devait être blanche à l’origine, car maintenant, presque chaque centimètre de tissus est coloré d’un rouge sale qui ne peut avoir qu’une seule origine.
— Qu’est-ce que tu peux nous dire, Marie ? s’enquiert Jasper, tout en s'approchant du cadavre.
Marie Baxter est la meilleure légiste de Saint Louis, et même des Etats-Unis, si on en croit ses dires. Je dois reconnaître que même si elle exagère un peu, sa réputation n’est pas usurpée. Les étudiants sont nombreux chaque année à présenter des dossiers pour obtenir une chance d’effectuer un stage à ses côtés.
— La cause de la mort est, probablement, dû aux nombreux coups de couteaux et de coupures qui recouvrent son corps, relate-t-elle en relevant la toge pour nous montrer l’ampleur des blessures.
Elle n’en a pas réellement besoin. Rien qu’à la vue des bras découverts de la victime et à la quantité de sang perdu, on devine que le meurtrier s’est acharné.
— Il faudra attendre le rapport complet pour en être sûre et en connaître le nombre exact, mais je peux déjà vous dire qu’elle a dû souffrir. Et pas qu’un peu, murmure-t-elle en déplaçant une mèche de cheveux de la victime avec un élan de tendresse.
Je fronce les sourcils à la vue de cet acte de gentillesse. Cette sortie de route m’étonne d’elle. Marie est connue pour être exigeante, tenace et surtout, froide dans son travail. Elle ne laisse rien l’atteindre, ne formule jamais de certitude avant d’avoir fini d’examiner un corps, et ne se laisse pas marcher sur les pieds. Ses vingt-trois ans d’ancienneté lui confèrent certains droits, mais surtout, personne n’ose se frotter à elle de peur de subir ses foudres et surtout une vengeance salée. Cette victime doit l’avoir touchée en plein cœur.
Elle continue de discuter avec Jasper alors que mes yeux se perdent sur le reste du vieux salon. Un sapin de noël a été grossièrement esquissé avec un marqueur noir sur le mur derrière Marie, donnant l’impression que la victime a été posée à son pied, comme un cadeau de noël. Je sors mon téléphone portable de ma poche et prends une photo, même si l’équipe de la scientifique doit en avoir une dizaine d’exemplaires. Je ne peux m’en empêcher, une manière de retrouver exactement l’image et les sensations qui s’y accompagnent plus tard. L’enquête ne se termine pas avec la mort de la jeune femme, même si j’aurais préféré la sauver.
Quelques centimètres plus loin, un papillon en train de voler, dessiné avec la même couleur de feutre, semble s’éloigner de la victime. Les détails ne sont pas tracés avec finesse et précision, mais plutôt maladroitement. L’artiste est assez doué pour qu’on reconnaisse la signification de l’ébauche, sans pour autant l’être suffisamment pour pouvoir en faire son métier.
Il ne fait aucun doute que c’est l’œuvre du meurtrier. Et au cas où on pourrait croire le contraire, les phrases écrites à côté forment un indice très clair.
Le jeu est terminé.
Petit papillon s’est envolé.
Joyeux noël, détective Willmore.
J’ai hâte qu’on s’amuse encore.
32 commentaires
Justine_De_Beaussier
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Il y a 4 jours
Farahon
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Il y a 5 jours
Natia Kowalski
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Il y a 6 jours
Leroux Ophélie
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Il y a 5 jours
Nora Rosen
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Il y a 11 jours
Leroux Ophélie
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Nora Rosen
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Il y a 11 jours
Leroux Ophélie
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Guyanelle
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Il y a 12 jours
Leroux Ophélie
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Il y a 12 jours