AnnaShaw I’ll be home for christmas 25. Brave PDV

25. Brave PDV

J’ai failli embrasser Willa Lindhberg.


J’ai eu terriblement envie d’embrasser Willa Lindhberg.


Et il s’en est fallu de peu que cela advienne...


Cette pensée tourne dans ma tête depuis la fin de l’après-midi, accompagnée d’images pourtant totalement innocentes mais qui me rendent à moitié fou. Willa penchée sur moi, le poids de son corps sur le mien, ses cheveux blond doré parsemés de neige, cet éclat que je n’avais plus vu depuis longtemps dans son regard, et son rire quand nous nous poursuivions… Et puis ses lèvres, bien sûr, tout près des miennes, rosies par le froid. Sa bouche qui s’entrouvre, si proche que je suis sur le point d’y goûter…


« Qu’est-ce que tu as ce soir ?! Tu as l’air complètement ailleurs ! »


Immédiatement, ma bulle de fantasme explose, et je lève le nez de mon assiette pour affronter le regard scrutateur de ma grand-mère.


À mon retour de Californie, alors que j’avais huit ans, Aveline a instauré le rituel du dîner hebdomadaire dans un effort désespéré pour tenter de tisser un lien entre mon père et moi, mais aussi pour me donner un semblant de vie familiale. Cette idée me faire rire jaune aujourd’hui encore car nous n’avons jamais été « normaux ».


Je suis le fruit d’une relation éphémère entre une hippie à moitié camée, avec laquelle j’ai vécu dans une secte jusqu’à ce que les services sociaux lui retirent ma garde, et d’un champion de ski qui ne s’intéressait à rien d’autre, pas même à son propre fils.


Au fil du temps, le nombre de convives autour de la table à diminué. Mon père s’est tué sur une piste noire quand j’avais onze ans, et mon grand-père a succombé à une crise cardiaque quand j’en avais seize. Depuis, il ne reste qu’Aveline et moi, et c’est pour elle que j’honore encore ce rendez-vous, pour ne pas la laisser seule, mais surtout pour la remercier de m’avoir toujours donné la priorité, et de m’avoir élevé dans l’amour alors qu’aucun de mes deux parents n’en a été capable.


« Pourquoi tu ne m’en as pas parlé ?

-De quoi donc ?!

-De la mise en vente de l’hôtel.

-Je ne savais pas que je devais te rendre des comptes…

-Cet hôtel, c’est mon héritage, mon avenir ! Les décisions que tu prends me concernent aussi ! »


Elle soupire, et soudain, malgré le soin qu’elle met à se pomponner, je remarque que le temps et les chagrins ont laissé des traces sur son visage autrefois magnifique.


« Écoute, mon chéri, tu as peut-être du mal à le comprendre pour l’instant, mais en réalité, cette décision, c’est pour toi que je l’ai prise. »


Je ne comprends pas, en effet. Mais ce n’est pas la première fois que les choix de ma grand-mère me laissent perplexe.


« Et de toutes les personnes que tu pouvais choisir, il a fallu que ce soit Willelminah Lindhberg !!

-J’ai mes raisons ! D’autant que je pensais que tu l’aimais bien ! »


C’est tout le problème, en effet ! Le fait que je l’aime bien, plus que bien même, met à mal mon plan pour faire capoter cette vente et récupérer mon hôtel. En réalité, je l’ai toujours aimée.


Enfant déjà, j’étais à la fois jaloux et fasciné par cette fille que rien ne semblait jamais pouvoir atteindre, entourée par une famille ultra soudée. Plus tard, je suis tombé sous le charme de sa personnalité solaire, de son esprit d’aventure et de son corps sublime. Mais elle semblait intouchable, totalement hors de portée, la reine des abeilles, la championne intrépide de l’équipe de slalom, alors que je n’étais qu’un jeune homme chétif mal dans sa peau.


Et puis, bien sûr, il y a eu Lukas. Tout le monde savait que, tôt ou tard, ils passeraient tout naturellement de l’amitié à l’amour. Ils étaient faits l’un pour l’autre : beaux, doués, aimés de tous. Jusqu’à l’accident. Jusqu’à ce qu’elle parte.


Et la voilà de retour, différente et en même temps semblable à la jeune fille que j’ai connue, et pour laquelle j’ai toujours eu un faible. Mais elle demeure intouchable, inatteignable.


Elle est enfermée en elle-même, au chaud derrière sa culpabilité, les fantômes du passé dansant dans ses yeux quand personne ne la regarde. Je ne peux pas lutter, je n’ai jamais pu. J’aurais pu tenter ma chance contre les vivants, mais on ne gagne pas face à un souvenir.


Une fois encore, ma grand-mère me tire de mes pensées en déposant sa main sur la mienne.


« Ecoute le conseil d’une personne qui a beaucoup vécu, mon chéri. N’attends pas, et ne laisse rien ni personne t’empêcher d’atteindre tes objectifs. Le temps passe à toute vitesse, et on se trouve toujours des excuses pour ne pas affronter ses peurs. Puis un jour, on se réveille, et il est trop tard.

-Je ne...

-Si, tu sais de quoi je parle. Je vous ai vus tous les deux. Vous étiez déjà comme ça enfants, toujours à vous chamailler mais vous réclamant sans cesse. Je ne te dis pas que ce sera facile, Brave. Bien au contraire ! Ce par quoi elle est passée, ce chagrin atroce qui lui dévore les entrailles, je l’ai moi-même côtoyé de près. Mais si elle te plait vraiment, si tu penses qu’elle en vaut la peine, alors tu dois te battre, comme souvent lorsqu’on vise le meilleur. »


Je ne veux pas entendre ces paroles, je ne veux pas qu’elle insuffle de l’espoir en moi. Parce qu’admettre que je commence, ou plutôt recommence, à ressentir des sentiments pour Willa, c’est prendre le risque de tout perdre. Si j’avoue qu’elle me plait, qu’elle m’attire autant qu’elle m’agace, et que je ne pense plus qu’à poser mes lèvres sur les siennes, je pourrais bien me retrouver sans rien. Mais si je la maintiens à distance, alors je peux continuer à me battre pour ne pas perdre mon hôtel sans ressentir cette pointe acide de culpabilité qui me serre l’estomac. Si je ne baisse pas ma garde, que je ne m’attache pas à elle et à son adorable petite fille, je n’aurai pas le cœur brisé si elle repart ou si mes sentiments ne sont pas réciproques. Ma raison me hurle que je joue le pire coup de poker du monde.


« Je pourrais tout perdre !

-Oui !

-Tu es nulle pour me rassurer, tu sais ça ?!

-Je ne suis pas là pour te rassurer, mais pour te botter le derrière lorsque c’est nécessaire. Si tu cherches une grand-mère qui dise amen à tous tes faits et gestes, tu peux toujours t’en sculpter une dans une congère ! Plus sérieusement, tu pourrais tout perdre, mais tu pourrais aussi tout gagner. C’est ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue. »


Je regarde Aveline Coulson, la femme qui m’a élevé, et derrière ses rides, je vois la jeune fille qu’elle était, fraîchement débarquée d’Angleterre pour l’été et finalement jamais repartie après être tombée amoureuse de mon grand-père. Cette femme qui a traversé les épreuves, et n’a jamais craint de prendre des risques et de retrousser ses manches pour obtenir ce qu’elle voulait. Alors, je fais le choix de lui ressembler davantage, de me montrer plus courageux.


Et du courage, il va m’en falloir pour affronter le caractère de Willa, aussi changeant qu’une météo de montagne.

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8

8 commentaires

Lexa Reverse

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Il y a 2 ans

Je suis à jour ou presque, à bientôt

clecle

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Il y a 2 ans

Brave a beaucoup d'admiration à l'egard de sa grand-mère et c'est bien l'impression qu'elle donne , celle d'être une femme forte. Ce que j'ai apprécié ici, c'est la découverte de Willa à travers les yeux de Brave. On se rend encore plus compte de son parcours, une belle ascension, une vie qui lui réussit et puis le drame qui vient tout briser. Brave montre un part plus humaine de lui, éloignée de l'image bourrue qu'il donnait au début.

cedemro

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Il y a 2 ans

Coup d'index ! 😁

Carazachiel

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Il y a 2 ans

Tu vas y arriver Brave ! Be brave, Brave !

AnnaShaw

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Il y a 2 ans

😂😂😂

John Doe

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Il y a 2 ans

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