AnnaShaw I’ll be home for christmas 19. Brave PDV

19. Brave PDV

« Willa ! »


La voix de ma grand-mère me fait aussitôt lever les yeux du registre que j’étais en train de contrôler, pour découvrir Willa debout dans l’entrée de l’hôtel. Elle semble en meilleure forme qu’hier, et je me surprends à la trouver adorable avec son nez et ses joues rougies par le froid. Mais qu’est-ce qu’il m’arrive, bon sang ?


D’abord, ce sentiment de culpabilité diffus lorsque l’autre acheteur potentiel a appelé. Ensuite, l’image de la mère et de la fille qui ne m’a pas quittée de toute la journée. J’avais réussi à me convaincre que je ne suis peut-être pas l’odieux connard que je prétends être, et qu’il ne s’agit que d’un peu de compassion et d’altruisme, mais je dois à présent me rendre à l’évidence : la trouver adorable n’a rien à voir avec tout ça.


Le fait est que, même après toutes ces années, et avec la certitude qu’il ne se passerait jamais rien entre nous, elle me fait toujours de l’effet.


Je l’observe qui s’approche tout sourire, puis qui embrasse ma grand-mère sur les deux joues, et je me souviens de sa démarche déterminée dans les couloirs du lycée. Je l’entends rire et discuter avec Aveline, sa voix étonnamment rauque qui me rappelle de nombreux souvenirs. Reprends-toi, bordel ! Oui, elle est ravissante, elle l’a toujours été. Et elle sait aussi charmer son monde, ce qui la rend mortellement dangereuse. Les filles comme elle obtiennent toujours ce qu’elles veulent en quelques battements de cils assortis d’un sourire éblouissant. Et ce qu’elle veut aujourd’hui est ma propriété.


Je ferme les yeux un instant pour me reconcentrer sur mon objectif : l’empêcher de prendre ce qui m’appartient. Lorsqu’elle arrive à l’accueil, je suis à nouveau totalement plongé dans les registres. Ou du moins, je le fais croire.


Qu’on me donne un oscar immédiatement pour cette performance d’acteur remarquable !! La petite sonnette dorée posée sur le comptoir tinte délicatement, et je relève la tête comme si je découvrais sa présence à l’instant.


« Salut ! » souffle-t-elle, un sourire aux lèvres.

« Salut !

-Notre trêve tient toujours, ou on est à nouveau adversaires ?!

-Ça dépend !

-De quoi ?

-C’est une visite de travail ou de courtoisie ? Est-ce que ce sont les merveilleuses brioches de ta mère dans ce sac ?!

-Pour l’instant, c’est une visite de courtoisie. Et oui, ce sont des kanelbullar ! Ma mère les a faites spécialement pour te remercier, je cite, « d’avoir sauvé sa petite fille de l’hypothermie et des engelures, et de t’être comporté comme un véritable héros doublé d’un gentleman », fin de citation ! »


Les brioches sont encore chaudes !! Même si cela ressemble à s’y méprendre à une tentative de corruption par l’estomac, et que je ne comprends pas très bien de quoi on me remercie, je ne peux pas résister à l’envie d’y goûter. Mon grognement de plaisir fait sourire Willa de plus belle. Un sourire qui s’estompe un peu alors qu’elle plonge ses incroyables yeux verts dans les miens.


« Moi aussi, je voulais te remercier. Je ne sais pas si je l’ai fait hier. Et je tenais aussi à m’excuser pour le spectacle navrant que je t’ai offert. »


La Willa que j’ai toujours connue, celle que j’ai admirée autant que je l’ai enviée, semblait traverser la vie comme si rien ne pouvait jamais l’atteindre, joyeuse, insouciante, entourée d’amis et de cousins, planifiant son prochain coup d’éclat. Pour la Willa de dix-sept ans qui partageait mon cours de maths, la vie était une fête permanente pleine de rires, d’amis, d’amour… et de pâtisseries. Mais la jeune femme qui se tient face à moi est plus sombre, plus grave, un voile de tristesse semble ternir en permanence son aura lumineuse.


« Tu n’as pas à t’excuser. On peut tous avoir des jours avec et des jours sans. »


Je ne sais pas pourquoi, j’ai envie de la voir sourire de nouveau, pour retrouver la fille que j’ai connue. Cette fille-là est plus facile à tenir à distance. La douleur que je vois aujourd’hui dans ses yeux trouve un écho un peu trop familier en moi, faisant résonner ma propre douleur. Je m’étouffe avec la seconde brioche que j’ai engloutie pour me donner une contenance. Willa me regarde, amusée, puis sort son portable de sa poche et sourit à l’écran.


« Désolée ! C’est très impoli, mais j’ai laissé Freja avec ses oncles, et ils m’inondent de photos depuis !! »


Le souvenir de la petite fille s’impose à moi. Un instant, j’envisage de passer à un registre plus personnel pour tenter d’en apprendre davantage concernant le père de l’enfant. Mais je me retiens juste à temps. Ça ne me regarde pas ! Ça ne devrait même pas m’intéresser, en réalité.


« Tu as dit « pour l’instant » pour la visite de courtoisie, ce qui veut dire que tu es venue également pour le travail ?

-Tu ne veux pas reprendre une brioche avant que je réponde à cette question ? !

-J’en déduis que c’est oui. Qu’est-ce qu’on peut faire pour vous aujourd’hui, Madame Lindbergh ? »


Immédiatement, elle passe en mode travail. Elle se redresse, lève le menton et sort de son sac une tablette dernier cri, sur laquelle elle tapote quelques secondes avant de m’accorder à nouveau son attention.


« Ma patronne voudrait que je fasse le tour des infrastructures pour prendre des notes, et voir ce que nous allons conserver et ce que nous modifierons éventuellement si la vente est signée. Il faudrait que je rencontre tous les membres du personnel, afin de les recenser et de m’entretenir avec eux. Je dois également faire le tour du domaine pour vérifier que nos prévisions de construction correspondent aux réalités du terrain, et pour repérer d’éventuelles spécificités à prendre en compte. Puis, je devrais...

-Tu penses avoir le temps de tout boucler aujourd’hui ? » Je n’attends pas réellement de réponse, j’essaie de savoir si elle s’adresse à moi ou à elle-même.


Elle me regarde comme si elle avait totalement oublié ma présence, et je pourrais presque me sentir vexé si je n’étais pas autant amusé par son expression. Un sourire fleurit sur son visage, un sourire qui fait courir un frisson le long de ma colonne vertébrale, et me laisse penser que je ne vais pas aimer ce qu’elle va dire. Mon pressentiment se confirme alors que, de sa plus belle voix de peste, elle susurre.


« Oh ! Bien sûr que non, monsieur Sanderson ! J’ai bien peur que vous ne soyez coincé avec moi pour les semaines à venir... »

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6 commentaires

clecle

-

Il y a 2 ans

Brave oscille entre la colère et l'attirance, ce qui apparait clairement dans ce chapitre.

AnnaShaw

-

Il y a 2 ans

Il sait pas trop où il en est je crois 😉

John Doe

-

Il y a 2 ans

Coup de pouce

Witney N.

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Il y a 3 ans

Coincé… intéressant…

Lexa Reverse

-

Il y a 3 ans

Passage du lutin des coeurs de Noël de septembre, :)
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