Fyctia
17. Brave PDV
Maman ?! Avant que j’ai pu questionner Willa davantage, une toute petite fille se jette sur elle.
« Doucement Freja ! Ta maman a besoin de repos. » retentit une grosse voix dans le couloir. Je reconnais dans la personne qui s’avance Tove Lindbergh, l’impressionnant grand-père de Willa, ami de longue date de mes grands-parents.
Mais rien ne semble pouvoir détourner la petite fille de sa mère.
« Maman ! Tu t’es fait un bobo ? Tu es malade ? Tu vas pas mourir, hein ?! »
Il m’est difficile de faire le lien entre la jeune femme insouciante que j’ai connue adolescente et celle qui se tient soudain face à moi, tenant dans ses bras cette enfant qu’elle berce doucement.
« Ce n’est rien, mon amour ! J’ai glissé, et je me suis fait mal, mais rien de grave. Bien sûr que non, je ne vais pas mourir ! Qu’est-ce que c’est que cette question ?!
-C’est parce que mon papa, il est mort ici, et je veux pas que toi aussi tu meures, parce que je suis encore petite, moi, et j’ai besoin d’une maman. »
Willa est totalement bouleversée par les mots de sa fille. Elle la serre de toutes ses forces contre elle, et enfouit le nez dans ses cheveux blonds pour lui murmurer des mots doux. Je les observe la gorge serrée par l’envie, sans trop savoir si je voudrais être à la place de Willa ou de sa fille. Le souvenir fugace de ma mère me serrant contre elle et de son odeur de patchouli me traverse.
Puis je prends soudain conscience des mots que l’enfant a prononcés : son père est mort, et il est mort ici.
Moi qui pensais que Willa avait conçu cette enfant après son départ, j’observe alors le petit corps blotti dans les bras de mon ancienne camarade de classe. Se pourrait-il qu’elle soit la fille de... Je suis tiré de mes pensées par deux yeux d’un vert intense qui me fixent avec curiosité.
« C’est toi qui a sauvé ma maman ?
-Et bien… je ne crois pas qu’on puisse dire que je l’ai sauvée, mais c’est moi qui l’ai aidée, oui. »
Avant que j’ai pu esquisser le moindre geste, la petite a sauté des genoux de sa mère pour se précipiter vers moi, et enlacer mes jambes de ses petits bras.
« Merci ! T’es un super héros ! T’es un vrai Christophe. »
Je n’ai pas la moindre idée de ce que cela peut bien signifier, mais il semblerait que ce soit positif, et je lui adresse un sourire gêné. Tove et Aveline discutent un peu plus loin, avant de s’approcher de nous.
« Bonjour, demoiselle, qui es-tu ? » interroge ma grand-mère, penchée sur cette petite créature accrochée à mon pantalon.
« Je suis Freja Juliana Lindberg, et j’ai trois ans ! » répond-elle fièrement.
Trois ans ! Un rapide calcul confirme mes soupçons, et je ne peux m’empêcher de chercher des traces de chagrin sur le visage de Willa. Mais elle ne semble avoir d’yeux que pour sa fille.
« Eh bien, Freja, je suis ravie de te rencontrer ! Je m’appelle Aveline, et je suis une amie de Tove et Agda.
-Tu dis bonjour, Freja ?
-Bonjour Aveline ! » s’exécute-t-elle de sa petite voix.
« Willa, min älsking, tu te sens prête à rentrer à la maison ? » demande soudain Tove de sa grosse voix.
Elle acquiesce, et se remet debout lentement. Aussitôt, Freja se colle à elle comme un chaton. Bien qu’elle semble encore un peu fragile sur ses jambes, Willa se penche pour la prendre aux bras. La petite blottit sa tête contre l’épaule de sa mère. Pendant que Willa s’avance vers Aveline pour la remercier de son hospitalité, Tove s’approche de moi.
« Merci beaucoup, Brave, d’avoir pris soin de ma petite fille.
-Ce n’est rien, vraiment. J’étais seulement au bon endroit au bon moment. Je suis heureux d’avoir pu l’aider. »
Je suis le premier surpris de la sincérité de ma voix. Après tout, je déteste l’idée de vendre l’hôtel, mais pas Willa. Pas réellement, du moins. Ce qui ne m’empêchera pas de tout faire pour la pousser à abandonner son projet. Tove me serre chaleureusement la main, puis passe un bras autour des épaules de sa petite-fille pour l’entraîner vers la sortie. A la dernière minute, Willa se retourne pour m’adresser un petit signe de la main. Elle passe les portes tambour, et disparaît.
« Tu le savais ? » Je questionne Aveline qui rôde autour de moi, prétextant de ranger la couverture et la tasse utilisée par Willa.
« Quoi donc, mon chéri ?!
-Qu’elle avait une fille !
-Filipa l’a mentionnée plusieurs fois en venant livrer les gâteaux.
-Est-ce qu’elle a dit qui était le père ?
-Ce n’est pas à moi de te raconter cette histoire, Brave. »
Elle a raison, évidemment, mais je me vois mal poser abruptement la question à Willa. Je ne sais même pas pourquoi je m’en préoccupe autant. Je me saisis donc du plateau contenant les restes de la collation, et m’apprête à prendre le chemin des cuisines quand la voix de ma grand-mère me rappelle.
« Brave ! Encore une chose !
-Oui ?
-Parfois, quand on souffre, on oublie parfois que les autres ont pu, eux aussi, traverser des épreuves. »
Et sans développer davantage cette phrase digne d’un biscuit chinois ou d’un livre de développement personnel, elle tourne les talons, et entre dans l’ascenseur. De nombreuses questions et hypothèses tournent dans ma tête pendant que je range la vaisselle dans la machine, et les biscuits que Willa n’a pas touchés dans les boites à gâteaux. Je mastique une petite brioche à la cannelle piquée au passage, quand mon téléphone sonne, affichant un numéro inconnu.
« Allô ?
-Monsieur Sanderson, Edgar Bhaavik à l’appareil. Vous m’avez contacté concernant un potentiel rachat de votre hôtel. »
Un instant, je suis saisi par une pointe de culpabilité inattendue à l’égard de Willa. Ce sentiment fugace disparaît aussi vite qu’il est venu.
J’ai un hôtel à sauver, et je le ferai quoi qu’il en coute.
12 commentaires
clecle
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Il y a 2 ans
AnnaShaw
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Il y a 2 ans
John Doe
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Il y a 3 ans
Lexa Reverse
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Il y a 3 ans
Witney N.
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Il y a 3 ans
AnnaShaw
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Il y a 3 ans