Fyctia
13.
Quand j’ouvre les yeux, mon téléphone m’indique que la minute s’est transformée en deux heures. Nulle trace de Freja ou de Nicholas, mais un mot m’attend sur la table de la cuisine : Partis faire de la luge. De retour pour le goûter !
En les attendant, je sors le nécessaire pour faire du thé et du chocolat chaud, ainsi que les biscuits fabriqués par ma fille, qui contiennent plus de paillettes que de gâteau ! Profitant ensuite du calme passager, je commence à rédiger la proposition de vente pour le Riverlake Hôtel.
« Maman ! »
Cette enfant fera certainement carrière dans le chant lyrique avec un coffre pareil !
« Dans la cuisine, bébé !
-Maman ! Oncle Nic et moi, on a fait de la luge, et même qu’on a pris des bosses et qu’on a foncé dans des murs de neige, et c’était trop rigolo, et un peu dangereux aussi. Mais Nic a dit que je ne risquais rien si je restais roulée en boule comme un hérisson et que je portais un casque.
-Hé ! C’était supposé rester notre secret, petit monstre ! » s’exclame mon frère en entrant à son tour.
« Tu as emmené ma fille foncer en luge dans des murs de neiges ?!
-Arrête, Willa ! Tu le faisais aussi quand tu étais petite ! »
Je tente de faire refluer l’angoisse qui me submerge à l’idée d’être ensevelie d’une quelconque manière sous la neige. La partie rationnelle de mon cerveau sait que Nicholas ne ferait jamais rien qui mette en danger ma fille. Mais la partie irrationnelle, elle, a tous les voyants au rouge. A toute vitesse, je fais défiler dans ma tête les noms des endroits que nous avons visités, et l’angoisse s’estompe. Quand je suis sûre de pouvoir maîtriser mes nerfs, je me tourne vers mon frère qui fait fondre le chocolat dans une casserole, et lui colle une tape sur le bras.
« Je te signale qu’il m’a fallu dix-sept heures pour la mettre au monde, alors si tu l’abimes, je te tue ! C’est clair ?! »
En réponse, je me suis gratifiée d’un baiser sur le front, puis Nicholas ouvre le frigo pour y prendre le lait qu’il verse sur le chocolat. Avant que j’ai pu me mettre à râler, la porte d’entrée s’ouvre, et Alma apparait dans la cuisine.
« Tu vois, Freja, Alma a le don d’apparaitre dès que quelqu’un fait du chocolat chaud ! » taquine Nicholas, sans réaliser que ma fille de trois ans croit tout ce qu’on lui dit, et ne maitrise pas encore le second degré.
« Ton oncle est un vrai comique, pas vraie ma puce ? Attendez voir, vous deux dans la cuisine et personne ne crie ? Oh mon Dieu, Nic ! Ne me dis pas que tu as réussi à cesser de te comporter comme un crétin plus de deux secondes d’affilée pour écouter les arguments de ta sœur ?!
-Et après, c’est moi le comique ! Mange donc un biscuit, Alma chérie. Et étouffe-toi avec !
-Que de violence ! Et devant une enfant, en plus ! Willa, je pense que ton frère a une très mauvaise influence sur cette petite. D’autant qu’il l’a emmenée faire du mur en luge, je dis ça, je ne dis rien…
-Voilà ce qu’il ne faut jamais faire, Freja ! ça s’appelle cafarder, et c’est très moche ! D’ailleurs, en règle générale, il vaut mieux éviter de faire comme Alma. »
La tête de Freja passe de ma cousine à mon frère, façon match de tennis et j’intervenir pour lui éviter un torticolis.
« Laissez ma fille en dehors de vos querelles de gamins, merci bien ! » je fais semblant de râler.
En réalité, j’adore retrouver cette ambiance à la fois moqueuse et aimante. Être ici entourée de tous ces gens qui m’aiment et me connaissent par cœur me fait prendre conscience de l’isolement qui a été le mien ces dernières années. Et de combien c’est bon de rentrer à la maison.
******
Avec Nicholas, les choses se sont arrangées, mais c’est loin d’être le cas avec Baltar. En témoigne la tête de six pieds de long qu’il tire, assis en face de moi à table. Ce soir, nous dînons en famille à la maison. Alma s’est invitée, et je ne la remercierai jamais assez de cette initiative, puisqu’elle seule parvient à détourner les regards noirs que Baltar me lance. C’est à elle qu’il les adresse, à chacune des petites piques qu’elle lui envoie. Heureusement, Freja est là pour égayer le repas de sa présence et de ses remarques enfantines. Elle s’est lancée dans un grand récit de ses aventures en luge.
« Il me semblait t’avoir interdit de foncer dans les murs de neige avec ta petite sœur il y a de cela au moins quinze ans, ce n’est pas pour que tu recommences avec ma petite fille aujourd’hui ! » râle ma mère.
« Mais maman, c’est drôle !
-Oui, mormor, c’est très drôle ! » répète Freja, en admiration béate devant son oncle.
« Seigneur ! Tu commences déjà à exercer une mauvaise influence sur ma fille ! »
Nicholas me jette une boulette de mie de pain en représaille , et notre mère hurle que « on ne joue pas avec la nourriture », « vous n’avez plus l’âge de ces bêtises » et « voilà l’exemple vous donnez à Freja ». Baltar non plus ne trouve pas ça amusant du tout. Il parait avoir oublié qu’il a été l’instigateur de bon nombre de nos batailles de nourriture quand nous étions enfants. Il semblerait qu’il ne voie pas d’un très bon œil ma réconciliation avec Nicholas. Chacun de ses regards m’incite à me faire le plus petite possible, jusqu’à disparaître… Chaque fois que nos yeux se croisent, je tente un petit sourire désolé, mais je n’ai droit en retour qu’à une moue de plus en plus renfrognée. Ce manège dure jusqu’à la fin du repas.
« Willa, chérie, peux-tu rapporter ce plat à ta grand-mère. Tu sais comment elle est, si je ne le lui rends pas immédiatement, je vais en entendre parler jusqu’à Noël !
-Il faudrait que je couche Freja, maman.
-Je m’en occupe si tu veux ! » propose Nicholas.
« Ok. Mais il faut qu’elle ait les dents lavées et la vessie vide quand je reviens. C’est compris vous deux ? »
Mon frère m’adresse un petit salut militaire et, évidemment, Freja l’imite tant bien que mal. A moitié rassurée à l’idée de les laisser seuls, j’enfile un manteau et une paire d’après-ski, puis attrape une lampe torche pour parcourir les quelques mètres qui me séparent de la maison de mes grands-parents. J’en profite pour respirer l’air frais et écouter les bruits de la montage la nuit.
« Willa ? Qu’est-ce que tu fais dehors à cette heure ? » s’étonne ma grand-mère quand je toque à la porte.
« Je viens te rapporter ton plat.
-C’est adorable ! Mais ça aurait pu attendre demain, voyons ! Je reconnais bien là les idées de ta mère ! Tu veux entrer un instant pour boire une infusion ?
-J’aurais bien aimé, mais Freja m’attend pour se coucher.
-Bien sûr, bien sûr ! Rentre vite dans ce cas. Bonne nuit, ma Willa !
-Bonne nuit, mormor ! Souhaite une bonne nuit à morfar pour moi. »
Elle acquiesce, et je repars en sens inverse. Mais soudain, des voix me parviennent depuis le porche d’Anita et Stellan. Des voix que je reconnais comme étant celles de Baltar et Alma. Eux, en revanche, ne semblent pas m’avoir vue ou entendue.
Avant de réfléchir à ce que je fais, j’éteins la torche et tends l’oreille.
22 commentaires
Vinie Aberas
-
Il y a 2 ans
clecle
-
Il y a 2 ans
AnnaShaw
-
Il y a 2 ans
Witney N.
-
Il y a 3 ans
Anna.
-
Il y a 3 ans
JennyLY
-
Il y a 3 ans
Mollusk20
-
Il y a 3 ans
AnnaShaw
-
Il y a 3 ans
Caro Handon
-
Il y a 3 ans
AnnaShaw
-
Il y a 3 ans