Fyctia
11.
L’avantage avec Ophélie, c’est que je ne suis jamais déçue par ses réactions.
Comme je m’y attendais, elle a été ravie d’apprendre qu’Aveline était prête à accepter notre offre, et terriblement furieuse du comportement de Brave.
Étonnamment, sa colère désamorce la mienne, à moins que ce ne soit ma petite session dans la neige ! Souriant à l’évocation des insultes très fleuries proférées par ma meilleure amie, je prends le chemin de la pâtisserie maternelle.
Baverk Lindbergh se trouve au milieu de la rue principale de Riverlake, et n’a aucunement besoin de décorations de Noël pour se singulariser des autres devantures.
La façade constitue une fidèle réplique des Prinsesstarta, pâtisseries suédoises traditionnelles couvertes de pâte d’amande vert pistache ou rose pâle. Pour couronner le tout, les encadrements des portes et des fenêtres sont rehaussés de doré et de blanc. De nombreux souvenirs remontent alors que je pousse la porte, faisant tinter la petite clochette qui y est accrochée.
Ma mère se tient derrière le comptoir sur lequel les pâtisseries sont présentées comme des joyaux comestibles. Mon père et Freja, eux, sont installés comme les autres clients dans la partie salon de thé, et ma fille semble occupée à dévorer un kanelbullar, délicieuse petite brioche à la cannelle et à là cardamome dont je raffolais enfant. Mais ma bonne humeur est gâtée lorsque je m’aperçois que Nicholas est également présent.
Je me suis déjà frottée à un type odieux ce matin, et je n’ai vraiment pas envie de recommencer avec mon frère.
« Bonjour, ma chérie ! » s’exclame ma mère en m’apercevant.
Son cri attire l’attention sur nous, et j’ai à peine le temps de déposer une bise sur sa joue que deux petites bras enlacent mes jambes.
« Maman !
-Hé ! Salut mon bébé !
-Maman, la boutique de Mormor, elle est trop belle ! Et puis, on a fait des gâteaux, et on les a décorés avec des paillettes qui se mangent ! Et Mormor a dit que c’était trop joli pour qu’on les vende, et qu’on pouvait les garder pour les ramener à la maison. Et puis, on a mangé des hamburgers du magasin à côté, et j’ai eu le droit de choisir tout ce que je voulais mettre dans le mien, alors j’ai testé plein de trucs, parce que je suis une aventurière du goût ! Et Oncle Nic a dit que j’étais une petite ogresse, juste comme toi quand tu étais petite. Et après j’ai eu le droit de choisir tous les gâteaux que je voulais dans la vitrine, et j’en ai goûté autant que je voulais, et oncle Nic, il a encore dit que j’étais comme toi, parce que j’arrivais pas à choisir, et parce que j’ai décidé que le kanelbullar, c’est mon gâteau préféré. Oncle Nic a dit que c’était ton gâteau préféré aussi quand tu avais mon âge.
-Et même après ! »
Accaparée par ma fille et son débit de parole en mitraillette, je ne me suis pas rendu compte que mon frère s’était approché, et me voilà nez à nez avec lui. Ou, plus exactement, nez à torse. Je ne suis pas petite, mais Nicholas et Baltar sont malgré tout bien plus grands que moi. Je dois donc me dévisser le cou pour le regarder dans les yeux. Dans ses prunelles, identiques aux miennes, il n’y a plus trace de colère, seulement du chagrin. Un chagrin dont je ne sais pas quoi faire. Alors, comme à mon habitude, je reporte mon attention sur ma fille.
« Et bien, mademoiselle Lindbergh, on dirait que tu n’as pas eu le temps de t’ennuyer aujourd’hui ! Mais je crois que tes grands-parents et ton oncle doivent retourner travailler cet après-midi. Alors, que dirais tu de rentrer à la maison pour lire un livre, puis faire une petite sieste pour être en forme pour goûter les beaux gâteaux que tu as préparés. Qu’est-ce que tu en penses ? »
Je vois que Freja hésite. Elle n’aime pas particulièrement la sieste, et ne semble pas pressée de quitter mon frère, contrairement à moi. Elle finit, malgré tout, par céder. Pendant que ma mère disparaît dans l’arrière-boutique pour récupérer le sachet de biscuits, Freja se colle affectueusement aux jambes de Nicholas. Mon père s’approche, et passe tendrement un bras autour de mes épaules.
« Alors, ma puce, comment s’est passé ton rendez-vous ce matin ? »
Le sous-entendu est limpide. Mes parents savent pertinemment que mon choix de rester ou pas dépendra avant tout du boulot que je pourrais décrocher.
« Bien, dans l’ensemble ! Il y a encore beaucoup de travail, mais j’ai bon espoir que tout se passe bien.
-C’est génial, ma chérie, vraiment génial ! »
Je n’avoue évidemment pas à mon père qu’avec ou sans travail, je ne suis toujours pas sûre de vouloir rester. Je le salue, ainsi que ma mère et mon frère, et prends le chemin de la maison, Freja calée sur ma hanche. Elle babille tout le long du chemin, se repassant le film des deux jours écoulés, mais cela ne m’aide pas à échapper aux pensées qui tournent dans ma tête : Riverlake et les souvenirs qui me hantent, mes frères, et Brave.
« Maman !? Ma-man ?! »
Je reviens au présent lorsque ma fille m’appelle avec insistance.
« Qu’est-ce qui se passe, mon bébé ?
-J’ai pas sommeil. On est obligé d’aller faire la sieste tout de suite en arrivant ? »
Évidemment, l’espoir que Freja se rendrait sans se battre contre son ennemie numéro un, le sommeil, était mince. Si c’était physiquement possible, cette enfant ne dormirait jamais. Pourtant, elle a fait ses nuits pratiquement tout de suite. Mais depuis, comme si elle avait toujours peur de rater quelque chose d’important, elle se rattrape en essayant de céder le moins possible à l’appel de Morphée.
Heureusement, j’ai trouvé une parade pour l’épuiser sans qu’elle ne s’en rende compte.
« Ok, mon amour. Que dirais-tu d’une petite danse de la joie, alors ?! »
Freja ne se le fait pas dire deux fois, et aussitôt rentrée, elle cherche le téléphone dans mon sac. Période de Noël oblige, je sélectionne le tube incontournable de Mariah Carey, et pousse le volume à fond.
Quelques secondes plus tard, nous sautons dans tous les sens en agitant nos cheveux pendant que Mariah s’époumone, tonitruant à qui veut l’entendre « qu’elle ne veut rien d’autre que toi pour Noël ». Freja rit aux éclats, effaçant les mauvais moments de cette journée. Plus rien n’existe alors que le rire de ma fille et nos pas de danse aussi improvisés que désordonnés.
Au détour d’une pirouette, j’entrevois une ombre près de la porte qui me fait sursauter. Nicholas se tient à l’entrée du salon, et se mord la joue pour se retenir de rire.
« Salut les filles ! Elle a l’air chouette, cette petite fête ! Je peux me joindre à vous ? »
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