AnnaShaw I’ll be home for christmas 8.

8.


J’ai froid, terriblement froid, tellement froid. Tout mon corps me fait mal, et tout ce que je voudrais, c’est m’étendre là et dormir, dormir pour toujours. Je ne peux pas. Je dois continuer. Mais il n’y a rien, rien que du blanc, du blanc et encore du blanc à perte de vue. Tout est sens dessus dessous, rien n’a plus de sens.

Soudain, le blanc se teinte de rouge, le rouge d’une parka que je connais si bien. Le rouge d’un liquide chaud et poisseux que je n’identifie pas tout de suite. Le rouge et le blanc s’accordent bien habituellement, me souffle mon cerveau engourdi par le froid. Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui, le rouge n’a rien à faire sous le blanc.

Puis, vient le bleu. Un bonnet, que j’ai moi-même emballé dans un paquet de Noël quelques jours plus tôt, des yeux que je connais par cœur, aussi bleus qu’un lac d’hiver, des yeux qui m’ont regardée tant de fois avec bienveillance, humour, amour. Et qui à présent ne semblent plus me voir. Le bleu de lèvres que j’ai embrassées tant de fois, et que j’embrasse à nouveau pour tenter de les réchauffer.

Et puis, le silence, presque irréel. Pas un bruit, pas un souffle de vent dans les arbres. D’ailleurs, où sont les arbres ?

Il n’y a q’un seul son en réalité, celui de mon cœur qui bat à tout rompre dans ma poitrine, celui de mon souffle qui dessine des nuages de fumée dans l’air. Un seul souffle, un seul nuage. Pourquoi n’y a-t-il qu’un seul nuage ? Un poids me comprime la poitrine comme si j’étais moi-même ensevelit, à l’air libre mais écrasée sous des tonnes et des tonnes de blanc. J’étouffe, je ne peux plus respirer, je ne peux même pas crier. J’étouffe, je vais mourir ici. Alors je m’allonge et je fixe le ciel bleu, si bleu… Comment peut-il faire si beau ? Et j’attends. J’attends que la mort vienne me prendre à mon tour.


Je me réveille brusquement, le souffle court, signe d’une crise d’angoisse nocturne. Les premières fois, j’ai vraiment cru que j’allais mourir. Si vous n’avez jamais expérimenté le fait de vous réveiller avec l’impression de ne plus savoir comment respirer, sachez que c’est une sensation terrifiante.


Au début, incapable de comprendre ce qui m’arrivait, encore en pleine confusion entre rêve et réalité, je paniquais, engendrant encore plus de difficulté à respirer. Lorsque la gynécologue m’a expliqué les effets néfastes de cette hyperventilation sur le bébé que je portais, je me suis décidée à entreprendre une thérapie. La psy a très rapidement mis des mots sur le mal dont je souffrais : syndrome de stress post-traumatique, très fréquent chez les survivants d’accidents, comme moi. La plupart du temps, la thérapie aidant, j’arrive faire face, mais il semble que mon retour à Riverlake ait réveillé mes pires souvenirs.


Malgré l’épais édredon et la couverture, je suis glacée jusqu’aux os, comme ce jour-là. Une fine pellicule de sueur recouvre tout mon corps, et ma respiration est encore erratique. Je m’allonge sur le dos, les yeux fixés au plafond, et je passe en revue tous les lieux que j’ai visités ces dernières années. Petit à petit, les battements de mon cœur ralentissent, et ma respiration se calme. Lorsque je me sens à nouveau parfaitement maîtresse de moi-même, j’attrape ma fille encore endormie, et la colle tout contre mon flanc. Inspirant la douce odeur de ses boucles blondes qui m’appaise toujours, je replonge dans le sommeil, sans cauchemar cette fois.

Quand je rouvre les yeux, le soleil entre à flot et fait scintiller la couche de neige qui s’est déposée sur le rebord de la fenêtre. Je suis seule dans la chambre. Mon portable m’indique qu’il est presque neuf heures, et que ma meilleure amie et patronne a déjà tenté de me joindre plusieurs fois, et a laissé de nombreux messages. Un rapide calcul m’apprend que l’après-midi débute à peine à Londres où sont basés les bureaux de la chaîne d’hôtels dont héritera Ophélie un jour. Elle décroche dès la première sonnerie.


« Mon Dieu, Willa ! J’étais morte d’inquiétude ! Où étais-tu passée, bon sang ?!

-Désolée ! Le retour au bercail a été plus mouvementé que prévu, je n’ai pas eu une seconde à moi.

-Je suis soulagée de savoir que vous allez bien, Freja et toi. Maintenant, raconte-moi tout. »


Je lui résume la journée de la veille. Ses commentaires humoristiques me réchauffent le cœur, et me rappellent à quel point elle me manque. Mais Ophélie est également ma patronne, et nous enchaînons rapidement sur le boulot.


« Je compte faire de Riverlake le Aspen de la Côte Est ! » a-t-elle répété tout au long des interminables réunions et pourparlers que nous avons eus avec les différents actionnaires de l’entreprise. Il faut dire qu’il s’agit de son tout premier projet solo, et qu’elle est de ce fait très impliquée.


« Je dois rencontrer les propriétaires aujourd’hui. Je te rappelle une fois la prise de contact établie, d’accord ?

-Parfait, ma biche ! Tu as ma pleine et entière confiance, ne l’oublie pas ! Personne ne résiste à ma meilleure développeuse !

-Tu ne me mets pas du tout la pression, merci Élie !

-Bye, ma biche ! »


Et cette garce raccroche en riant. Décidant qu’il est grand temps de m’activer, je me glisse dans la salle de bain, dont je ressors quinze minutes plus tard prête à me mettre au travail.


Dans la cuisine, je trouve Freja installée devant un bol de chocolat, d’énormes moustaches entourant sa bouche minuscule.


« Bonjour, mon amour ! Bonjour papa ! »


Je dépose un baiser sur le crâne de ma fille, et un sur la joue de mon père, assit face à Freja.


« Bonjour, ma fille ! Bien dormi ?

-Comme un bébé ! » je mens. « Maman est partie ?

-Elle est allée ouvrir la pâtisserie. Quels sont tes projets pour la journée, ma Willa ? Tove est passé demander si tu comptais skier aujourd’hui pour qu’il puisse sortir ton matériel de la remise. »


A cette simple évocation, mon estomac se noue, et la brioche dans laquelle je viens de mordre se transforma en cendre dans ma bouche. Je parviens malgré tout à avaler et à répondre à mon père.


« Pas aujourd’hui, non. Je dois rencontrer le propriétaire de l’hôtel que nous comptons franchiser.

-Et Freja ?

-Je pensais l’emmener avec moi. Elle a l’habitude.

-Que dirais-tu de me la laisser pendant que tu travailles. Nous pourrions aller construire quelques bonshommes de neige, et peut-être rendre une petite visite à mormor à la boutique. Qu’en dis-tu, mon petit biscuit ? »


Ma fille tourne vers moi son meilleur regard de chaton suppliant. Comme si j’allais dire non.


« Très bien ! Dans ce cas, je vous retrouverai pour déjeuner ? Freja, regarde-moi bébé: pas de bêtise avec morfar, d’accord ? Tu fais tout ce qu’il te dit, et tu mets bien tes gants et ton bonnet, promis ? »


Ma fille acquiesce solennellement. J’avale donc à toute vitesse mon thé, me brûlant la langue dans la précipitation. Après un baiser sur le bout du nez de Freja, et un sur la tempe de mon père, je quitte la douce chaleur de ma maison d’enfance pour affronter le froid polaire du dehors.


Il est grand temps de me mettre au travail !

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12 commentaires

John Doe

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Il y a 2 ans

Voilà donc le fameux cauchemar… et les angoisses nocturnes. Revivre encore et encore la même scène, on ne souhaite ça à personne. Le syndrome de stress post-traumatique et ses effets sont très bien décrits, j’imagine que tu connais un peu le sujet. Heureusement que le médicament Freja est là !!! Sinon, un petit mot qui manque : « J’arrivais faire face » => « j’arrivais à faire face » … et quelques petites fautes 😊 « ensevelit » => « ensevelie » « assit » => « assis » « bonshommes » => « bonhommes »

Vinie Aberas

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Il y a 2 ans

Un tel drame laisse des traces qu’il est difficile d’estomper 😞 j’ai hâte qu’elle se voit offrir un peu de douceur en dehors de sa fille.

clecle

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Il y a 2 ans

Alors j'avoue attendre avec impatience sa rencontre avec Brave et je sens qu'elle est imminente. Sinon dans ce chapitre Willa est touchante parce qu'on comprend un peu mieux son désarroi même s'il reste encore beaucoup de mystère sur le drame qui l'a touchée.

June_Deis

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Il y a 3 ans

Petit coup de pouce! Si tu as le temps et l'envie n'hésite pas à passer voir mon histoire et à la liker <3

Lily Riding

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Il y a 3 ans

son SSPT l'handicape encore pas mal :(

AnnaShaw

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Il y a 3 ans

Oui, et ça va durer encore un peu 😫

DmlLea

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Il y a 3 ans

Coup de pouce ;)

AnnaShaw

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Il y a 3 ans

Merci beaucoup !!!

Justine Hurido

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Il y a 3 ans

Petit coup de pouce, bon chapitre ;)

AnnaShaw

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Il y a 3 ans

Merci !!!
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