AnnaShaw I’ll be home for christmas 1.

1.

Il existe un état au USA que certains considèrent comme un paradis sur terre.

Le Vermont, avec ses lacs où se baigner en été, ses automnes rouge et or, ses hivers blancs féériques et ses printemps où la nature renaît véritablement, est ce coin de paradis. C’est aussi l’endroit où j’ai grandi.

J’ai passé toute mon enfance à jouer dans ses forêts, skier sur ses montagnes, et plonger dans ses lacs.

Jusqu’à ce que, il y a quatre ans, le paradis se transforme en enfer.

« Riverlake, Vermont. Vous êtes arrivée à destination. » annonce la voix métallique du GPS, au moment où apparait devant moi le panneau marquant l’entrée de la ville.


« Bienvenue à Riverlake, Vermont. 5067 âmes. » annonce la pancarte de bois laqué rouge et blanc.


Je me demande un instant si le nombre a diminué lorsque je suis partie, ou si je suis toujours considérée comme une des âmes d’ici.


Une pensée s’impose soudain à moi, celle du jour où j’ai assisté au changement des chiffres sur le panneau, le jour où ils sont...La panique me gagne. Les montagnes environnantes me semblent soudain écrasantes, étouffantes.


Reprends-toi, Willa ! J’inspire un grand coup et me concentre sur la route. Une route que mon corps connaît encore par cœur. Cette même route que j’ai empruntée il y a presque quatre ans, un jour particulièrement neigeux, sans un regard en arrière.


A l’époque, la petite fille qui dort dans le siège auto de ma voiture de location n’était encore qu’un petit pois dans mon ventre, et deux traits roses sur un test de grossesse. Et je pensais que j’allais mourir de chagrin et de douleur.


Les rues et les maisons familières défilent. Et vite, bien trop vite, l’imposante maison de mes grands-parents apparaît au bout du chemin.


Agda et Tove Lindbergh, mes grands-parents maternels, ont quitté la Suède pour les États Unis il y a presque cinquante ans. Combien de fois ai-je entendu le récit de leur histoire d’amour défendu, et de leur fuite vers des contrées où ils pourraient s’aimer librement ?


Après avoir traversé la moitié de la planète, ils ont posé leurs valises un matin d’hiver dans cette petite vallée qui n’était pas sans leur rappeler leur pays d’origine.


Ils s’y sont mariés, ont fait l’acquisition d’un immense terrain, sur lequel mon grand-père a bâti de ses mains la grande maison à deux étages dans laquelle sont nées leurs trois filles.


Ma tante Elisabeth, l’ainée des filles Lindbergh, a été suivie deux ans plus tard par ma mère, Filipa, puis encore deux ans après, par ma tante Anita. Toutes les trois blondes comme les blés, toutes les trois belles comme des cœurs, toutes les trois douces, brillantes et travailleuses. Pendant que ma grand-mère faisait tourner la maison, et cultivait les pommiers de l’immense verger familial, mon grand-père fondait l’entreprise de construction et de menuiserie qui fait vivre sa famille depuis presque cinq décennies.


Après des études de chimie, Elisabeth est rentrée de la fac avec un amour sous le bras, et un diplôme qu’elle mit au service des pommes du jardin pour les transformer en cidre, lequel est aujourd’hui exporté et primé tout autour du monde. Michael et elle se sont mariés dans la foulée, et le temps que Tove leur construise une maison, l’ainé des petits-enfants Lindbergh avait montré le bout de son nez.


Pendant ce temps, ma tante Anita se lassait des hivers glacés du Vermont, et partait étudier la littérature à l’Université de Floride. Elle en revenait quatre ans plus tard, gavée de plage et de soleil pour une vie entière, diplôme et fiancé en poche. Elle a épousé Stellan, écrit un premier best seller, décroché un poste à l’université locale, et donné naissance à un enfant, un fils. Elle aussi a eu sa maison sur la propriété, en cadeau de mariage.


Ma mère a pris davantage de temps que ses sœurs, plus intéressée par ses gâteaux que par les garçons. C’est elle aussi qui est partie le plus loin, en étudiant la pâtisserie en France, pour revenir à Riverlake en possession d’un français impeccable et d’un savoir-faire qui fera la renommée de sa pâtisserie. C’est munie de ces atouts qu’elle a séduit Erik, mon père, lorsqu’il est entré dans sa boutique un beau matin.

De passage dans la région, il n’est finalement jamais reparti.


Pour eux aussi, un mariage, une maison familiale et un bébé, mon frère Nicholas. Entre temps, Elsa et Michael avait eu un second fils tout comme Anita et Michael.

Baltar, mon second frère, et Alma, ma cousine et seule autre fille de la famille, sont arrivés deux ans plus tard. Klaus, le troisième fils d’Elsa, et moi sommes les plus jeunes, deux ans après.


J’ai passé mon enfance à circuler d’une maison à l’autre, élevée à part égale par mes grands-parents, mes oncles et tantes, et mes parents. J’ai grandi entourée de cette immense famille, ou la distinction entre frères, sœurs et cousins était quasi inexistante. Et j’ai aimé ça.


J’ai apprécié chaque repas de famille bordélique et bruyant, chaque soirée dédiée aux jeux de société, cette impression de liberté qui ne m’a pas quittée de toute mon enfance, la chaleur du foyer, l’odeur des pommes du verger. Tout ce qui a rendu mon exil volontaire d’autant plus douloureux.


« Maman ? »


La voix de Freja me ramène brusquement à la réalité. Je suis arrêtée à l’entrée de l’allée qui mène à la maison de mes grands-parents. Depuis combien de temps suis-je plongée dans mes pensées ? Ma fille me fixe dans le rétroviseur, encore toute ensommeillée.


« Salut ma puce ! On est presque arrivé ! »


Elle se redresse dans son siège, et regarde par la fenêtre.


« Wahou ! On est chez la Reine des Neiges ! » s’exclame mon petit bout qui adore plus que tout au monde l’histoire d’Elsa et Anna.


« Oui, sauf que ta maman est loin d’être libérée délivrée ! » marmonnais-je en avançant jusqu’à la porte d’entrée de la maison.


J’immobilise la voiture et, alors que je réfléchis encore à ce que je vais bien pouvoir leur dire après ces quatre années de séparation, la porte s’ouvre.

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30

30 commentaires

SOLANE

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Il y a 2 ans

Bonjour, je suis ton binôme et je commence la lecture détaillée dès ce jour ! LES PLUS de ce premier chapitre : Le suspense est présent dès le début. De surcroît, il y a "un retour au bercail" qui est classique, certes, mais sympathique. 😉 L'écriture est bonne, fluide (et sans faute). LES MOINS : Je trouve que le déroulé de la chronologie familiale casse le suspense du début, est un peu trop descriptif et long... mais je suppose que c'est pour marquer l'importance du "clan familial" et lui donner vie, consistance et enracinement. Donc, cela se justifie ! 😊

John Doe

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Il y a 2 ans

Eh eh, c'est sympa de positionner ton histoire dans le Vermont, c'est un état à la fois beau, sauvage et mal connu en France. Un choix idéal pour une romance de noël en tout cas. Sympa ton premier chapitre, j'ai commencé à dessiner l'arbre généalogique de la grande famille pour m'y retrouver :-) En tout cas, ton écriture est fluide, je n'ai pas vu de fautes d'orthographe (bravo, c'est assez rare pour être souligné), tout s'enchaîne bien et est en place pour la suite. (une simple petite crispation pour ma part à l'évocation de la Reine de neiges, vu que ma fille m'a imposé le visionnage de ce dessin animé environ 50 fois quand elle était jeune !!)

Vinie Aberas

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Il y a 2 ans

Un retour aux sources ,des mystères à éclaircir … ça commence bien ( me suis juste embrouillée avec les prénoms 😜)

Vinie Aberas

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Il y a 2 ans

Bonjour binôme, je ne t’ai pas oubliée mais le week-end a été compliqué 😅 je commence ton histoire dès que possible aujourd’hui.

AnnaShaw

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Il y a 2 ans

Pas de souci ! Le temps file à toute vitesse pour moi aussi donc pas de pression 😘

clecle

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Il y a 2 ans

Ce retour sur les terres familiales est une vraie plongée nostalgique dans la généalogie de ton héroïne. J'ai trouvé la description de cette famille très fluide. Cependant à un moment il est question d'Elsa et non plus d'Elisabeth. Puis Michael apparaissant deux fois je me suis un peu perdue. L'intervention de sa fille la raccroche à son présent en douceur. Je me doute qu'il y a eu un événement dramatique (notamment avec l'indice du panneau et le nb d'habitants) alors j'ai hâte de découvrir ce qui est arrivé pour mieux comprendre cette tristesse qu'on perçoit chez elle.

AnnaShaw

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Il y a 2 ans

Effectivement il y a une petite confusion de prénom concernant Michael qui ne devait pas apparaître deux fois, les aléas des premiers jets ! J’espère que cette histoire continuera à te plaire !

Déborah J. Marrazzu

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Il y a 2 ans

Hello, j'aime bien ce premier chapitre qui nous fait nous poser pleins de questions. C'est hyper intrigant!

Mary Cerize

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Il y a 2 ans

Coucou je découvre ta plume originale et délicate à la fois. Ton début d'histoire est captivant tout en finesse...

Carazachiel

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Il y a 3 ans

Tu as une écriture très agréable et ce premier chapitre donne envie de lire la suite. En revanche, il y a un peu trop de prénoms, j'admets que j'ai un peu survolé la présentation de sa (grande) famille !
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