Yléam I deserved better 7 - Caelin.

7 - Caelin.

Au bord de la mort.




Après m'être calmé, je traîne mes pieds jusque dans la salle de bain et ouvre le robinet pour y faire couler l’eau. J’ôte mes vêtements un à un, faisant apparaître les formes non désirées sur le long miroir. Je me découvre nu, les seins pendant, les cuisses élargies, et ce foutu gras au ventre. J’aimerais briser cette glace qui ne me montre qu’un monstre impossible à aimer. Prendre les morceaux de verre et découper ces bouts de chair qui n’ont pas lieu  d'être. J’aimerais mettre un terme à cette vie qui ne contient que des batailles, toutes perdues. Ou bien fuir loin. Je mangerais à ma faim, j’emmènerais Nael au Puy-du-fou autant de fois que nous le voudrions, et n’entendrais plus aucune remarque, plus aucune insulte. 

Tu en es incapable, ma pauvre. 


Alors je reste ici, à me laisser être blesser, rabaissé six pieds sous terre, tâché de reproches qui me collent à la peau, brûlé par un amour toxique, agressé par ses mots.

Mettant toute ma bonne volonté au bonheur et à la protection de mon petit garçon. 


La baignoire n’est même pas encore remplie que je m’y glisse, gardant en moi une plainte par l’eau brûlant mes jambes.

Quand je remarque les nombreux poils qui ont élu domicile sur le bas de mon corps, le dégoût me prend. Un dégoût qui n’est pas le mien.

Je sors de l’eau, cherchant dans toute la salle de bain un rasoir ou un pot de cire épilatoire, laissant derrière moi un chemin d’innombrables gouttes.

S’il me voyait comme ça…

J’ai l’impression d’être redevenue l’adolescente qui se préoccupait nuit et jour des avis des autres. Mais plus rien ne compte autre que l’avis de mon partenaire et de mon petit ange.

Je dois trouver quelque chose.

Et coup de chance, en ouvrant le meuble du lavabo, je découvre un sachet ouvert de rasoirs caché derrière le stock de dentifrice, de brosse à dents et de gel douche. Je me réinsère dans le bain, éteins l’eau et triomphe intérieurement de ma trouvaille que je tiens fort dans la main. Puis le dépose sur le bord de la baignoire. Je m’en occuperais après.


Seule dans cette pièce, dans cette maison, je me sentirais presque isolée du monde, avec l’eau qui se referme sur mon corps à mesure que je m’allonge.


Cet être qui était ma lumière m'emprisonne désormais dans la noirceur à mesure que je reste avec lui. Il me noie dans celle-ci, sans jamais me laisser le temps de remonter à la surface. Mais aujourd’hui, c’est moi qui laisse glisser la tête dans l’eau. Je ferme les yeux et attends. J’attends longtemps. Peut-être trop. Je commence à m’étouffer, laissant sortir des bulles d’air de ma bouche. Et même si je souhaite en finir, même si tout arrêter maintenant m’irait, même si je ne me sens plus à ma place, l’image de mon trésor fait son apparition dans mon esprit. Ses rêves d’enfant qui ont besoin de moi pour être réalisés. Notre soutien l’un envers l’autre ; lui qui m’aide à survivre, et moi qui l’aide à grandir.


Pour lui, je remonte à la surface. 

L’eau dégouline sur mon visage et je reprends enfin mon souffle, crachant le liquide qui avait réussi à s’immicer dans ma bouche.

Je reste là à observer les gouttes tombant de mes cheveux  bouclés et atterrissant dans un parfait clapotis, sentant le ralentissement des battements de mon cœur qui s’emballait à l’arrivée de la mort.


« Je dois me lisser les cheveux » chuchoté-je difficilement.  J’en prends une mèche et entreprends le finger coils. Ce simple geste fit apparaître une boucle définie comme si le lissage ne les abîmerait jamais, malgré déjà 4 ans à les bruler à coup de dyson.

Il serait si beau si je les laissais au naturel, comme avant.


Au même moment que cette pensée traverse mon esprit, j’entends plusieurs autos du quartier se garer. Je me relève d’un coup et m’essuie. Je sens que je devrais faire un effort, mais me dire que Vincent n’a peut-être pas récupéré Nael fait jaillir en moi un état de panique. Alors, une fois mon chignon fait, mon pyjama enfilé, je m’accorde une balade dans toute la maison en surveillant l’heure et la porte. Encore une fois, j’attends, mes ongles de plus en plus rongés par le stress.

L’école n’est qu’à quelques minutes de là, je pourrais aller voir si Nael y est encore. Sinon je cours jusqu’à la maison et dirai que je devais déposer un colis Vinted si Vintz m’engueule…


Par chance, je perçois le bruit d’une voiture. Je m’approche du couloir et regarde par la baie vitrée donnant sur la route. Et je la vois. La petite Dacia arrive sur la propriété, mon petit à l’arrière. Je me dépêche de rejoindre l’entrée, de glisser à la va-vite la première paire de chaussures à disposition : une paire de Crocs Shrek, et détale dehors aller chercher mon bébé.

Mon petit amour sort de la voiture le cartable en main et court dans mes bras, un sourire apparaissant sur sa bouille lorsqu’il voit mes chaussures à mes pieds.

Je me baisse et tends les bras pour qu’il vienne. Quand il s’approche enfin, son sourire laisse place à une mine triste comme s'il venait de se rappeler un mauvais souvenir. 


« Maman, pourquoi c’est papa qui m’a pris ? Tu m’as pas dit au revoir ce matin… C’était à toi de venir ! », me dit-il d’un ton accusateur.


Vincent n’a pas l’air de faire attention à nous, mais lorsqu’il passe près de moi, il semble jurer dans sa barbe. Je ne sais pas à qui cette insulte silencieuse était adressée, mais je prie pour qu’il ne reproche rien à mon amour.


Je reporte mon attention sur Nael qui attend sans doute des excuses de ma part, des explications, et des questions sur sa rentrée, alors je l’emporte dans mes bras et l’emmène à l’intérieur – car bon dieu, qu’est-ce que je gèle dehors en short !–.

Sur les quelques mètres à faire pour arriver au chaud, je lui marmonne un pardon avant d’embrasser sa tempe.



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6 commentaires

BettySophie

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Il y a un mois

Encore un chapitre très bien écrit.

Yléam

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Il y a un mois

Merci beaucoup Contente qu'il te plaise :)

Alpha815

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Il y a 2 mois

Un chapitre d’une profonde détresse. C’est très bien écrit

Yléam

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Il y a 2 mois

Merci beaucoup

AetherOnIce

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Il y a 2 mois

On sent bien à quel point elle est embourbée dans tout ce qu'elle subit la pauvre 🥺

Yléam

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Il y a 2 mois

Oui elle subit bien la situation sans savoir comment l'arrêter
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