Fyctia
3 (1/2)- Caelin.
Toujours persévérer.
Mes pas claquent sur le parquet de ma maison et je retrouve Vincent assis devant le plan de travail de la cuisine, les yeux perdus sur son téléphone.
« Ah, pas trop tôt. Tu peux aller faire mon lit s’te plaît ?» Jette-t-il sans même un regard.
— Avant… Tu pourrais me dire pourquoi t’as pas voulu du bisou de Nael ?
Je triture les manches de mon blazer bleu marine, attendant sa raison qui n’excuse en rien son comportement avec mon enfant.
— Je voulais pas, c’est tout, lâche-t-il sèchement, posant ses pupilles sombres sur moi.
— Mais pourquoi ? Il ne t’a rien fait non ? C'est qu'un bisou.
— Le consentement tu connais ? J’en avais pas envie, point.
Le consentement… Toutes les fois où il n’a pas entendu mon refus. Toutes les fois où je n’avais pas le choix. C’est l’hôpital qui se fout de la charité.
— Breeef, passe-moi les kinders dans le meuble, reprend-t-il avec une voix plus apaisée.
— Non pas bref. Tu fais du mal à moi et à Nael. Tu ne te rends même pas compte de comment tu es froid. C’est ton fils tu le sais ça ?
J’ai débité ses paroles d’un coup, pris par le courage du bisou de mon petit amour. Mais quand il contracte sa mâchoire, quand il ferme ses poings, quand il pose son téléphone et me fixe sans un mot, je commence à regretter.
Il faut que ça change. Ça va le faire. Fais-lui entendre raison.
— Je te demande pardon ?
— Tu ne fais aucun effort. Tu ne le regardes même pas, tu ne joues pas avec, et tu prononces à peine son prénom. Tu t’es entendu ? Tu as dit “dégage gamin” à un enfant de 5 ans ! Bordel Vincent, je t’aurais pas pensé comme ça ! Tu étais tout pour moi avant Nael, mais maintenant il n’y a que lui qui compte. Je ne sais pas qui tu es, mais pas le Vincent dont j’étais tombée amoureuse.
À bout de souffle, je crains sa réponse, mais demeure figé. Car il le faut. Je dois rester forte et gagner cette bataille.
« Tu t’entends parler ? Tu n’es rien sans moi. » Il se lève et me fait face de son imposante carrure. Plus que quelques mètres et je perdrais tous mes moyens.
— J’apporte l’argent, et lorsque je rentre épuisé du travail, je dois me coltiner un gosse qui ne fait que chouiner. J’essaie de te donner du temps, alors ne te plains pas lorsqu’on couche ensemble.
— Je n’ai jamais demandé qu’on baise.
Et c’est vrai. Depuis que je lui ai annoncé ma grossesse, je n’ai plus jamais voulu, ni demandé qu’on le fasse. Depuis ce jour-là, j’ai compris petit à petit que je n’étais devenue qu’un simple pantin où il pouvait se vider les couilles. Rien de plus. Bonne femme à tout faire est ce que je suis devenue. Avec l’espoir qu’il redevienne l’homme que j’aime. Que j’ai aimé.
Vincent s’approche de plus en plus, bien trop même, mais je reste de marbre. Mes pieds sont ancrés dans le sol et ils y resteront.
— Ne fais pas genre que tu n’aimes pas ça. Tu es énervé, mais ne me mens pas.
— Je te dis la vérité.
Un silence pesant s’installe.
Nous nous regardons dans le blanc des yeux. Lui, arbore une expression lasse. Mais je sais comme il aimerait lever la main sur moi. Peut-être voit-il mes yeux emplis de défis, de crainte, mais surtout de courage.
— Tu aimes ça quand je te touche. Je le sais à ton regard, à tes gémissements.
Je simule, Vincent. Tout ça pour ne pas froisser ton égo masculin et me prendre tes coups.
Mais ça, je ne le lui dis pas. Si j’avouais cet aveu, la seule chose qui le maintient ici ne sera que poussière. Ou bien on en aura pour toute la journée à baiser. Juste pour me prouver que j’aime me faire rabaisser, que j’aime perdre mes valeurs, que j’aime laisser un homme que je ne reconnais plus entrer en moi, que j’aime assouvir ses envies en échange des miennes.
Face à mon mutisme, il joint la parole au geste et approche sa main de moi. Doucement, comme pour donner une pointe de romantisme envolé depuis bien trop longtemps. Celle-ci se posa sur mon bras, qui, sous les tissus, commence à avoir la chair de poule.
« Considère Nael comme ton fils à part entière », chuchoté-je, à bout de force de toujours devoir me battre. Comme si on ne méritait pas un peu de tendresse, mon trésor et moi…
— C’est déjà le cas.
— Si ton père t’avait traité de la même façon, tu ne le considérerais plus co-
Je n’avais pas vu venir sa gifle, me faisant remonter de la bile dans la bouche. Celle-ci me coupa le souffle, et ma phrase avec.
Déboussolé, je reste malgré tout ancré dans le plancher, comme je me l’étais dit. Le regard perdu sur le sol en bois où quelques jeux reposent dessus.
Ça va aller.
Je ne cesse de me répéter ses mots.
Les larmes, elles, ne veulent rester immobiles, coincées dans le creux de mes yeux.
Plus libres que moi, elles dévalent mes joues et finissent sur ma veste.
Même si j’essaie de rester courageuse, de tout faire pour que ça aille mieux, mon cœur ne cesse de battre toujours plus fort par le danger qui persiste. J’ai beau persévérer, rien ne s’améliore.
— Je t’avais dit que je ne voulais pas de lui. Tu l’as gardé, c’est à toi d’assumer, s’écrit-il amèrement.
Désespéré, mes larmes continuent leur chemin sans jamais s’arrêter, et avec, des hoquetements. De douleur, de chagrin, de furiosité. De toutes les émotions négatives restées cachées dans mon cœur. J’aimerais le pousser, le chasser, le blesser autant qu’il me blesse. Lui faire entendre raison et qu’enfin, nous vivons un avenir heureux. Mais je n’y arrive pas. Rien de ce que je fais ne pourrait faire revenir le doux Vincent qui m’avait tant aidé, tant aimé alors que j’étais au plus bas. Peut-être que, finalement, il m’avait aimé car je n’allais pas bien. Qu’il aimait voir la peine dans mon regard. Sentir mon cœur anéanti ne battre désormais que pour lui.
Ne pense pas ça...
Pourtant, c’est la seule raison qui me vient.
Et pour fuir la seule vérité expliquant tout ce qui m’arrive, je m’enfuis à travers le long couloir, je prends à droite et atterris dans la petite bibliothèque. J’attrape mon tote bag où mes livres de cours et de lecture logent déjà, et entreprends de partir de la maison.
Lorsque je passe près de Vincent, il est retourné à son visionnage de TikTok. Mais ses sourcils froncés prouvent bien la haine qu’il ressent toujours malgré la claque qui soulagerait n’importe qui de sa colère.
16 commentaires
Aline Puricelli
-
Il y a 2 mois
Yléam
-
Il y a 2 mois
Alpha815
-
Il y a 2 mois
Yléam
-
Il y a 2 mois
Ava D.SKY
-
Il y a 2 mois
Yléam
-
Il y a 2 mois
BettySophie
-
Il y a 2 mois
Yléam
-
Il y a 2 mois
AetherOnIce
-
Il y a 2 mois
Yléam
-
Il y a 2 mois