Fyctia
3 (2/2)- Caelin.
Toujours persévérer.
L’ambiance de la bibliothèque me détend et j’essaie de ne pas penser à ce qu’il s’est passé. Mais il n’y a que ça qui occupe ma tête. Je n’arrive pas à enlever tous les problèmes qui me collent à la peau et les souvenirs de nos premiers instants ensemble s’y mêlent. Comme pour me rappeler le bonheur qui m’habitait en étant avec lui, et que je devrais garder un peu d’espoir : car nous pourrions vivre de nouveaux moments que je chérirai.
J’essaie tant bien que mal de me concentrer à lire les normes sur la sécurité incendie quand Nathan vient s’assoir en face de moi. On s’échange un regard, un léger sourire, et enfin je ne pense plus à la même chose. Mon cœur devient léger par notre échange silencieux et j’en viens à culpabiliser. Même si Vincent me traite mal, je me dois de lui être fidèle et je n’ai pas à m’intéresser à quelqu’un d’autre que lui.
S’il m’avait vu sourire à son meilleur ami, je serais sérieusement dans la merde. Ne le regarde plus maintenant.
Pourtant, j’en viens à admirer timidement ses cheveux bruns qui lui tombent presque sur les yeux, dépassant maintenant ses oreilles, celles-ci accessoirisées d’anneaux. J’admire ses iris me rappelant la couleur du café qui se promènent sur les pages d’un recueil de poésie. Malgré mon blazer et mon pull noir en dessous, j’ai du mal à me réchauffer, alors qu’il porte des vêtements amples et légers. Si Nael me faisait un calin, j’aurais tout de suite chaud. Quand il me prend dans ses bras, plus aucun vent ne peut m’atteindre. Mais là, je voudrais qu’il m’étreigne comme il l’a déjà fait. Comme je rêverais que Vincent le fasse.
À quoi tu penses, Caelin ? Ce doit être l’émotion de ce qui s’est passé.
Ne penses plus à lui et lis.
Et durant plusieurs heures, j’ai réussi à me construire un mur et à y rester sans me déconcentrer avec des sentiments cachés, des regrets, et la peur.
Ma matinée se résuma à lire les normes et à les noter sur un petit carnet que j’ai apporté. Après avoir inscrit les dernières phrases que je jugeais utiles de mémoriser et de comprendre, je referme et range le livre.
« Tu l’as déjà fini ? commence-t-il d’une voix qui se veut joviale.
Surpris qu’il me parle, j’hoche seulement la tête, pas certaine de ce que je pourrais dire – ou aurais le droit de dire –.
— C’était rapide. Tu as mis quoi ? 1 heure ou deux grand max.
— Il y avait beaucoup de schémas explicatifs, argumenté-je pour qu’il arrête de vanter un mérite qui n’a pas lieu d’être.
— Ça parlait de quoi ?
Bon sang, il ne va pas me lâcher, je le sens.
— C’était sur la sécurité incendie dans les bâtiments, répondis-je poliment.
Il parait captivé, et même si j’apprécie qu’on s’intéresse à moi, mieux vaut arrêter la discussion.
Vincent pourrait aussi s’en prendre à lui. À moins que ça ne retombe uniquement sur moi… pensé-je tout en reprenant un petit livre au fond de mon sac.
Avant qu’il ne recommence à me parler, je me dépêche d’ouvrir Jamais plus de Colleen Hoover et me mets à continuer ma lecture. Mais rien n’arrête ses bavardages :
— Tu n’avais pas arrêté tes études d’architecture ?
Quel fouineur…
Je plante mes yeux dans les siens et j’ai bien peur de m’y noyer si je le regarde plus longtemps, alors je contemple les nombreuses étagères où mille et un livres reposent. Observant aussi les quelques personnes venues s’abriter dans ce bâtiment rempli de savoir et d’histoires. En même temps que je regarde un vieil homme chercher sa prochaine lecture, je lui réponds à peine audiblement :
— Si. Quand j’ai appris être enceinte de Nael.
Il fredonne un “je vois” et se remet dans son roman des plus mondiaux : Harry Potter à l'école des sorciers.
Deux trois minutes s’écoulèrent durant lesquelles je sentis quelques coups d’œil sur moi, mais je ne lui en rendis aucun.
Et comme il ne sait pas arrêter de discuter, le revoilà parti, lui et ses questions prêtes à sortir de ses lèvres alors qu’il me regarde de nouveau.
— Alors pourquoi tu le lis si tu as arrêté tes études ? À moins que tu travailles ? Tu vas reprendre tes études ?
Qu’est-ce que je disais ?
— Je ne sais pas pourquoi, dis-je d’une voix hésitante, sans cesser d'observer les mots de mon livre.
Et c’est vrai. J’ai arrêté mes études à la demande de Vincent. Depuis, je suis devenue mère au foyer. Et même si j’aime m’occuper de Nael le mercredi, le week-end et les vacances, je ne peux me dire que je serais toujours dans cette bibliothèque où je passe mes journées, car je n’ai aucun travail. Et puis, mon petit amour va bien finir par grandir et partir de la maison, me laissant seule avec Vincent…
Secrètement, et involontairement, je continue d’étudier différents sujets qui touchent à l’architecture. Avec l’espoir qu’un jour, je puisse en faire mon métier. Avec mon bac professionnel, je peux déjà entrer dans le monde du travail, mais il est trop tôt encore pour que Vincent me laisse exercer. Alors me voilà à mettre toutes les chances de mon côté, attendant le jour propice pour lui faire ma demande d’être libre, – ou presque–.
Voilà pourquoi je lis toutes sortes de livres avec comme thème la construction de bâtiments. Mais inutile de lui en parler.
Inutile d’en parler à qui que ce soit…
Pour reprendre un peu de contenance et stopper cette attention à laquelle je ne suis pas habitué et le rythme de mon cœur toujours plus rapide lorsqu’il me parle –malgré que je tente de ne pas y faire attention–, je décide de m’en aller.
— Désolé, je te laisse, bafouillis-je difficilement entre toutes les contradictions qui dansent dans ma tête : partir ou rester.
Je range à la va-vite ma trousse utilisée pour mes notes, et le roman, puis détale de la grande bibliothèque avant même qu’il me salue.
C’est bien trop dur de rester en présence de quelqu’un qui pourrait, d’un simple contact, foutre mes sentiments et ma vie en l’air. Même si ça pourrait s’avérer un avenir joyeux.
11 commentaires
Salma Rose
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Il y a 2 mois