Julie Alyès Ho Ho High: Le Père-Noël plane un peu trop cette année ! Chapitre 3 - Raphaël (1/2)

Chapitre 3 - Raphaël (1/2)

À chaque fois que j’entre dans la confiserie, l’odeur du sucre me ramène en enfance et englobe mon cœur d’une écharpe de barbe à papa. J’ai toujours adoré cette odeur. C’est doux, réconfortant et je pourrais rester là pendant des heures. De toutes les saveurs du mois de décembre, c’est bien ma préférée. Et j’ai eu beau chercher tout le reste de l’année, je ne retrouve cette sensation nulle part ailleurs. À l’extérieur, tout est bruyant, l’air est pollué, les habitants sont mal élevés et la pluie est là pour contrecarrer nos plans. Ici, c’est une bulle de tendresse qui nous donne envie de nous enfoncer dans un canapé chamallow.


Être le fils héritier de la maison Carpentier, la confiserie la plus célèbre de la région, m’a ouvert les portes d’un avenir tout tracé. J’ai grandi dans cet endroit. Enfant, je me cachais sous le comptoir pour piquer les dernières créations de mon père. Ado, je me brûlais les doigts en travaillant le sucre. Adulte, ce sont mes bonbons que les clients réclament. Mon père est fier, et le doux parfum de ces arômes sucrés est devenu une drogue pour moi. Alors, je ne me vois pas faire ma vie ailleurs qu’ici.


Évidemment, il a fallu que je fasse mes preuves. Avoir mon nom de famille sur la devanture ne me garantissait pas un avenir tout tracé. Jamais mon père n’aurait pris sa retraite si je m’étais contenté d’attendre les bras croisés qu’il se décide enfin à partir. J’ai vadrouillé aux quatre coins du pays. J’ai suivi des formations pour gérer une entreprise, j’ai développé de nouvelles idées et gagner en expériences.


Cette année, je ne suis plus un baroudeur qui ne rentre au bercail qu’à de rares occasions. Je me réinstalle en ville. Plus question de vivre au jour le jour, d’accumuler les petits contrats, de n’être que de passage dans la vie des autres. À partir de maintenant, je suis à la tête de la confiserie. Mon père n’est plus là pour m’épauler, pour rattraper mes erreurs, ni même pour me dire quoi faire. À trente ans, il est peut-être temps de voler de mes propres ailes, et pourtant, le rêveur que j’ai été ne peut s’empêcher d’avoir peur.


Pour mon père, personne d’autre n’aurait pu le remplacer.


« Seul un Carpentier peut travailler dans la confiserie Carpentier »


C’est sa devise, qu’il nous a rabâchée nuit et jour à mon frère et moi. Celle qui nous a hantés, parce que nous ne voulions pas décevoir notre père.


Je laisse mon manteau dans l’entrée. Noé, mon frère, est censé être parti pour les livraisons de la matinée. Pourtant, du grabuge retentit dans la cuisine. Les casseroles s’entrechoquent et une personne, dont je reconnaîtrais la voix entre mille, peste contre la nouvelle organisation de l’espace. Mon père a travaillé pendant quarante ans dans cet endroit. Alors évidemment, il le connaissait mieux que personne. Il n’avait pas besoin de réfléchir. Tout était là, à portée de main. Pour me réapproprier les lieux, j’ai fait quelques réajustements et modifié certaines choses. Je ne pensais pas devoir lui fournir un nouveau plan de la cuisine, mais j’avais oublié à quel point il était borné.


Je m’arrête à l’entrée de la cuisine, et le découvre à genoux, la moitié du corps dans une armoire basse.


— Qu’est-ce que tu fais là ?


Sa tête cogne contre le haut du placard lorsqu’il sursaute. Il râle encore une fois et se redresse difficilement. Il appuie tellement fort sur son dos que je m’attends à le voir tomber à la renverse.


— Je me suis dit que j’allais t’aider un peu, explique-t-il en grimaçant.

— Tu as pris ta retraite il y a deux jours.

— J’arrive pas à tenir en place !


Mon père a toujours été un râleur de première. Je contemple sa démarche bancale lorsqu’il traverse la pièce. Ma mère a attendu toute sa vie qu’il daigne sortir de sa confiserie. Je comprends que la rupture puisse être compliquée, mais sa place n’est pas ici.


— Maman a prévu de faire des tas de choses… avec toi.

— Justement, marmonne-t-il. Elle veut qu’on fasse de l’aquarelle. J’ai une tête à faire de l’aquarelle ?


Il me fixe, convaincu que je lui dirai de rester. Mais ses traits creusés parlent pour lui, tout comme ses cernes et ses paupières à moitié fermées.


— Tu as surtout la tête d’un homme qui doit se reposer.


Il grogne et tente de balayer mes paroles d’un geste de la main. Il m’ignore complètement et récupère la cuve qui sert à faire fondre le sucre. Cuve que j’attrape avant qu’il ne puisse la poser sur le feu.


— Je peux savoir ce que tu fais ? me reproche-t-il.

— Mon travail. Je gère, assuré-je. Tu pourras revenir plus tard, quand tu iras mieux et que maman t’autorisera un après-midi de libre.


Mon père maintient la pression et le regard. À croire que j’ai encore quinze ans et qu’il veut m’empêcher de sortir. À croire qu’il a oublié combien ma mère a souffert à cause de sa passion et sa dévotion pour cet établissement.


À l’autre bout de la boutique, la cloche retentit et ce nouveau client a le mérite de faire lâcher mon père. Il soupire et quitte la cuisine pour passer côté magasin.


— Bonjour Hector ! s’exclame une fois enfantine.


Il ne répond pas et lorsque je sors de la pièce, j’ai juste le temps de le voir claquer la porte. Peu perturbée, la gamine me rejoint au comptoir tandis que son père suit du regard le mien.


— Qu’est-ce qu’il a ? me demande-t-il en rejoignant sa fille.

— Du mal à lâcher l’affaire.

— Bonjour Raphaël !


Je baisse les yeux vers Zoé qui dépose devant moi un paquet de bonbons industriels. Lorsque je reconnais la marque, je ne peux m’empêcher de fusiller celui que je considérais, jusque-là, comme mon meilleur ami.


— T’as décidé de me déclarer la guerre, Hugo ?


Il esquisse un sourire gêné en se grattant l’arrière de la nuque.


— Disons que Zoé est plus coriace que toi, avoue-t-il.

— Tu ne fais pas le poids face à une enfant de cinq ans ?

— J’aimerais bien t’y voir !


Un bonbon Pikachu s’immisce entre nous et Zoé ose me demander :


— Tu en veux un ?


Tu as aimé ce chapitre ?

17

17 commentaires

Sarael

-

Il y a 11 jours

J'adore Raphaël 🥰

Scriptosunny

-

Il y a un mois

J'ai hâte d'avoir son avis sur Elsie 🤗

Mononst

-

Il y a un mois

Coucou Raphounet🩷

Emmy Jolly

-

Il y a un mois

Raphaël est un mec qui aime ce qu'il fait et qui tient à la tradition de sa boutique

Aline Puricelli

-

Il y a un mois

j'adore avoir la vision de Raphaël, j'ai hâte de voir ce que ça va donner :)

Lunedelivre

-

Il y a un mois

Ok j’aime trop les pov de Raphaël aussi ! Ça promet entre lui et Elsie !
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.