Fyctia
Chapitre 9 - Partie 2
Ce simple message, laissé par un type que je ne connais pas et que je ne reverrai plus jamais me redonne le sourire. C’est idiot, hein. Mais j’ai eu mille fois envie de l’appeler, rien que pour lui demander conseil ou avoir droit à une de ses blagues nulles. J’aurais aimé l’entendre rire et me dire que tout va bien, que tout passe avec le temps. Chaque fois, je me suis ravisée.
Qu’est-ce qu’il en a à faire, Ian, de ma vie ? Il a été sympa. C’est tout. Et puis, il est peut-être encore plus con qu’Archie. Fini, les hommes ! Je ne veux plus me laisser avoir par les premiers jolis yeux que je croise !
Rien qu’en les mentionnant, je me remémore les deux billes vertes qui m’ont retourné le cerveau en une poignée de secondes. Cette lueur d’amusement devant mon air borné, cette pointe de tristesse quand je me suis mise à pleurer… Et surtout, cette mine renfrognée quand Colin est arrivé. Il est clair qu’Ian a pris sur lui pour ne pas demander des comptes à mon frère. Je ne lui ai raconté qu’un dixième de mes problèmes, mais il a immédiatement tenté de me proposer des plans B. Il s’imagine sans doute que Colin n’est pas assez impliqué ? S’il savait…
Alors que je fixe le numéro de téléphone, prête à le composer, un ronronnement de voiture se fait entendre, dans la rue. Une grosse cylindrée. Un claquement de portière, puis un deuxième et enfin… un rire. Mélodieux, certes, et qui a dû faire chavirer un certain nombre de cœurs, mais qui, pour ma part, me glace le sang et me donne des envies de meurtres.
Diego.
Sans se faire prier, le bel Italien pénètre dans mon atelier, terrain conquis. Comme à son habitude, il est moulé dans un costume sur mesure qui épouse son corps à la perfection. Ses cheveux, légèrement bouclés, ont l’air encore plus indomptables que la dernière fois que nous nous sommes vus, et sa posture encore plus altière. Il enlève ses lunettes de soleil qu’il glisse dans la poche intérieure de sa veste, pour m’adresser un regard plein de concupiscence et de feu.
— Bonjour, ma jolie.
— J’ai un prénom, tu sais, marmonné-je, en croisant les bras.
Diego s’avance vers moi, sans se départir de son sourire.
— Oui, je sais. Plutôt original, d’ailleurs.
Je refuse de lui répondre. S’il s’imagine que je vais parler sémantique et étymologie avec lui, il se met le doigt dans l’œil jusqu’au coude ! Discrètement, je glisse mon portable et la carte dans la poche arrière de mon jean, en même temps que mes mains. « Tout est dans l’attitude, Heav, me répète toujours mon père. Ne laisse pas croire que tu es faible ». J’ai lu quelque part que le fait de croiser les bras pouvait donner l’idée qu’on se protège de celui qui est en face. Je ne vais quand même pas lui faire ce plaisir ! Essayant de jouer avec mes meilleures armes, je le toise avec une moue boudeuse :
— Hum. Si t’es venu pour parler de prénom, le tien est juste méga cliché, quand même. Pis bon, le neveu du boss ? T’as pas dû trop en chier, pour te payer ce costard guindé.
Il se met à rire, à nouveau, puis s’approche un peu plus de moi. Il ne s’arrête que lorsque son torse frôle ma poitrine et que nos souffles se mêlent. Là, il prend une seconde pour fixer mes lèvres et murmure :
— Tu sais, bellissima, si ça te dit, je peux te montrer ce qu’il y a sous le costume. C’est le plus intéressant, il paraît.
J’ai toute la peine du monde à déglutir correctement. Il est canon, y’a pas à dire… Mes doigts jouent avec les boutons de sa chemise et descendent jusqu’à sa ceinture, dont j’attrape l’extrémité, sans que mon regard lâche le sien. Je me hisse sur la pointe des pieds, afin que mes lèvres soient à la hauteur de sa bouche, sans la toucher, et lui chuchote à mon tour, en détachant chaque mot :
— Même. Pas. En. Rêve.
Au moment où je recule et fais demi-tour, il me saisit par le bras pour me ramener vers lui, l’air furieux :
— Ne joue pas avec moi.
— Je n’ai jamais dit que je jouais. Je suis sérieuse.
— Moi aussi. Dîne avec moi.
Pardon ? Les yeux écarquillés et la bouche entrouverte, j’essaie d’analyser sa phrase. Dîner ? Avec lui ? Mais pourquoi ? Mon air ébahi fait remonter les commissures de ses lèvres.
— Je peux t’aider, argue-t-il, sûr de lui.
Les rouages de mon cerveau se mettent en branle, après être restés sur pause pendant une dizaine de secondes. Éternelle question : qu’est-ce qu’il y gagne, dans cette affaire ? Et moi, est-ce que je suis prête à donner de ma personne pour sauver mon rêve et mon indépendance, en même temps que l’estime que mon père a de moi ? Au-dessus de nos têtes, un grand éclat de rire nous fait lever les yeux. Les voix de Colin et Trip nous parviennent à travers le plancher et me font hésiter.
— Si je dis non, il y aura des répercussions ? Sur ma famille ?
— Ne me prends pas pour un de ces enfoirés qui forcent le destin et les filles, Heaven.
Son regard s’assombrit, comme s’il était blessé par mes sous-entendus que j’estime légitimes. Soudain, la porte de l’appartement claque, et les voix se font plus claires, plus proches. L’idée que Trip puisse croiser Diego et tirer des conclusions hâtives me fait paniquer. Aussi, je pousse le bel Italien vers la porte en chuchotant :
— Pars. S’il te plaît. Dis ce que tu veux à ton oncle. Dis-lui surtout que je vais trouver une solution rapide.
J’ai beau y mettre toutes mes forces, il ne bouge pas d’un pouce. Il se contente de me fixer, un sourcil relevé et un rictus sur les lèvres. Son air entendu me donne envie de hurler, mais les pas dans les escaliers et le rire gêné de mon frère me font capituler.
— OK. Un repas. Un seul.
— Ce soir.
— Si tu veux. Mais pars, nom de Dieu !
Enfin, Diego capitule et s’éclipse juste avant que les deux autres n’atteignent le rez-de-chaussée. D’un simple coup d’œil, Colin réalise que je suis mal à l’aise et se plie en quatre pour détourner l’attention de Trip. Qu’est-ce que je deviendrai, sans lui ?
Le reste de la journée défile à une vitesse folle. Trip veut tout voir, tout comprendre. Ce n’est pas sa première visite, mais, comme à chaque passage, il fait durer le plaisir en m’écoutant lui raconter chaque aspect de mon quotidien. Sauf que cette foisci, l’entrain n’est pas le même. Cette fois, je réalise que je me suis mise dans le pétrin et que, d’ici peu, tout ça, ce ne sera plus à moi, mais à un abruti d’Italien arrogant. Le pire ? C’est que je ne peux rien dire à Oncle Trip. Non seulement il monterait sur ses grands chevaux, en menaçant les Dios Mio sur plusieurs générations, mais en plus il préviendrait mon père. Et là…
C’est presque avec soulagement que je vois le quinquagénaire monter dans sa voiture et m’adresser un signe de la main. Colin, un bras passé autour de mes épaules et un sourire commercial plaqué sur le visage, donne le change, lui aussi.
— T’as réussi à gagner du temps avec le Rital ? marmonne-t-il entre ses dents, sans se départir de son sourire.
— Si on veut.
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Vana Aim
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Il y a 3 mois
francoise drely
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Il y a 3 mois
Alixia Egnam
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Il y a 3 mois
JULIA S. GRANT
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Il y a 3 mois
Alixia Egnam
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Il y a 3 mois