Alixia Egnam Heaven Chapitre 3 - Partie 2

Chapitre 3 - Partie 2

Je verse des torrents de larmes, comme jamais. J’ai toujours été forte ; suivant les pas de mon père, je m’efforce d’être un roc, inébranlable. À croire que je suis complètement à côté de la plaque. Sans y réfléchir, je me débarrasse de ma cotte de travail que j’envoie dans le panier à linge sale, attrape mes clés et m’engouffre dans ma voiture pour aller passer mes nerfs sur la route. Les yeux embués, les dents plantées dans ma lèvre inférieure pour me retenir d’insulter chaque automobiliste ou feu de signalisation qui ralentit mon périple nocturne, je parcours la moitié de la ville, avant de m’engager sur les petites routes de campagne. Un coup d’œil à la jauge d’essence, histoire de m’assurer d’avoir un peu de marge devant moi, et me voilà embarquée dans la lande écossaise, sans but précis.


*****


J’ai faim. Un gargouillis ignoble vient d’ailleurs confirmer cette donnée. Dans le silence de la nuit, le borborygme pourrait très bien faire fuir n’importe qui. Mais non, messieurs dames, bien que le fameux Lac soit à proximité, ce n’est pas le célèbre Nessie que vous entendez. Non, ce n’est que le son inquiétant de ma vie qui part en vrille. J’ai faim, j’ai froid, et pour couronner le tout, voilà que mon portable dernier cri me porte l’estocade finale. Avec cynisme, il m’indique l’absence de réseau... Puis se coupe définitivement.


— Bravo, Heaven ! Parfait !


Je lève les bras au ciel tout en me maudissant. Mais quelle idiote ! Rageusement, je donne un grand coup de pied dans le pneu de ma Mini.


— Même toi, tu me lâches ! Saleté de bagnole à la noix !


Je finis par me laisser tomber au sol, dos contre la carrosserie. La voix de Colin résonne dans ma tête : « T’abuses ! Tu vas ruiner tes fringues et salir toute la maison ! »


Je me mets alors à rire. Mon gentil grand frère qui s’est fait un devoir de me remettre à flot. Grand gaillard d’un mètre quatre-vingts, beau comme un Dieu, au sourire ravageur... Colin est surtout maniaque comme pas deux. Je n’ose pas imaginer la crise qu’il taperait en me voyant assise dans la boue. Pour couronner le tout, il deviendrait hystérique à l’idée de me savoir seule, au milieu de nulle part, sans téléphone ni moyen de défense. Le pauvre… Ce serait trop pour son petit cœur. J’ai réussi à donner le change durant toute la semaine, en restant évasive à chacune de ses questions à propos d’Archie ou de toute cette histoire. Or, cette fois, il faut se rendre à l’évidence. Je suis dans une merde noire. Je vais devoir rentrer à la maison, avouer à mon père que, non seulement j’ai tout perdu, que je me suis laissé embobiner par un joli cœur, mais qu’en plus c’est un de ses ennemis qui a récupéré mon garage. De quoi le rendre fou et lui donner des arguments pour me traiter à nouveau comme une gamine. Afin d’allonger encore un peu plus la liste de mes erreurs, j’ai pris ma voiture sur un coup de tête, pour avaler les kilomètres, telle une écervelée, avec ma playlist préférée. Rien de mieux pour se vider l’esprit que de conduire avec les plus grandes divas hurlant leur peine dans l’habitacle.


Et tout à coup, sans prévenir, une épaisse fumée blanche a commencé à s’échapper de mon moteur. Mauvais signe, très mauvais signe. J’ai prié silencieusement tous les Dieux de la mécanique, mais le constat est sans appel. C’est certainement le joint de culasse. Moteur inutilisable. Me voilà donc coincée au milieu de nulle part et incapable de faire quoi que ce soit. Je ne peux que croiser les doigts en espérant que Colin ait bien eu mon SMS et qu’il va me trouver rapidement. Mince, si j’avais suivi les leçons de Trip et remplacé mon message de boîte vocale, juste avant que la batterie ne me lâche… Il était pourtant super judicieux son conseil !


— Si un jour t’es coincée au milieu de nulle part, indique dans ton message de répondeur ta position exacte et quelques éléments pour te retrouver. Ça peut te sauver la vie, petite.


Mais vu mon karma pourri, c’est une fois que l’écran s’est éteint que cette idée m’est revenue en mémoire. Super. Et bien sûr, impossible de mettre la main sur mon câble USB.


Le froid commence à s’insinuer en moi, paralysant mes muscles. Si je reste assise là, mon frère va me retrouver congelée. Avec quelques grimaces et très peu de grâce, je me relève, essayant tant bien que mal d’ôter la boue de mon vieux jean délavé. Au moins, j’ai eu la présence d’esprit de ne pas porter de fringues neuves aujourd’hui ! Pour échapper à la pluie qui continue de tomber, je m’installe à nouveau derrière mon volant. J’ai envie de pleurer. Moi qui voulais conduire pour oublier cet abruti d’Archie ! J’ai tout gagné, tiens. Et lui aussi. Même à des centaines de kilomètres de moi, il arrive encore à me pourrir la vie, cet idiot !


Au comble du désespoir, je joue ma dernière carte et allume l’autoradio. Oui, je sais, c’est complètement stupide d’user la batterie. Mais lorsque la voix rassurante de Céline Dion entonne ma chanson préférée, je me sens presque mieux. Alors, la voix chevrotante, je ferme les yeux et accompagne la diva du mieux que je peux. Rien ne vaut une bonne chanson d’amour déprimante lorsqu’on est déjà au bord de la crise de nerfs, je vous le garantis ! Je dois avoir l’air d’un panda sous acide après un bain, mais je m’en fous. Ça me fait tellement de bien !

Tu as aimé ce chapitre ?

7

7 commentaires

francoise drely

-

Il y a 4 mois

Elle me fait de la peine 😥

Alixia Egnam

-

Il y a 4 mois

Oui, la pauvre... Elle tombe de haut.

Samantha Beltrami

-

Il y a 4 mois

je suis passée me mettre à jour je repasserais 😋

Alixia Egnam

-

Il y a 4 mois

Merci ♥️
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.