Alixia Egnam Heaven Chapitre 2 - Partie 2

Chapitre 2 - Partie 2

Même moi, je lève les yeux au ciel devant le ridicule de sa ligne de défense. J’imagine que les litres d’alcool ingurgités un peu plus tôt n’aident pas. Il cherche ses mots, se tortille sous la poigne de fer de l’Italien, puis reprend :


— Heaven a les moyens de se porter garante pour moi et…


Une nouvelle fois, l’homme arque un sourcil en laissant son regard courir sur moi. De mes cheveux roses à mes Doc Martens noires, en passant par ma jupe en jean ou mon t-shirt sombre à la gloire d’un groupe allemand, j’imagine aisément que je ne dois pas inspirer confiance lorsqu’il s’agit d’argent. Diego sort alors un neuf millimètres qu’il pointe sur la tempe d’Archie, enlevant le cran de sécurité. J’ai grandi en voyant des armes dans les quatre coins de la maison, je sais que les règlements de comptes sont monnaie courante dans cette ville, mais c’est la première fois que je suis témoin d’une menace aussi directe. Oh, le plus sage serait certainement de fuir, ou de passer pour la jeune fille en détresse. Mais j’ai bien trop peur que cet abruti d’Archie ne me balance sous le bus. Comme la première idiote venue, j’avance d’un pas pour l’empêcher d’en dévoiler de trop :


— J’ai un commerce. Je suis propriétaire des murs et je suis prête à le mettre sur la table, si c’est nécessaire.


Les hommes se figent, puis reportent leur attention sur moi.


— On parle de combien, au juste ? susurre le chef.


— De quatre cents mètres carrés, répartis sur deux niveaux.


Angoissée, mais pas idiote. Je laisse planer un certain voile de mystère sur la nature de mon travail. Je sais que c’est un coup d’épée dans l’eau : dès demain, Di Meglio ou l’un de ses hommes se pointera à ma porte, histoire d’évaluer leur future acquisition. Mais j’aime à croire que ces quelques heures gagnées s’avéreront salutaires. Qui sait, d’ici là, peut-être que celui qui prétendait m’aimer hier encore va retrouver sa fierté et assumer comme un grand ? Tous mes espoirs s’effondrent lorsqu’il se met à chouiner comme un enfant de cinq ans. Après un échange de regards avec son patron, Diego se penche à l’oreille d’Archie, lui murmure quelques mots avant de le lâcher. Bras croisés, menton relevé, je me racle la gorge dans le but de regagner l’attention du principal intéressé de cette affaire :


— Laissez-lui un nouveau délai. S’il ne le respecte pas… Vous aurez mon bâtiment. Je vous donne ma parole.


Di Meglio se met à rire, agitant son ventre proéminent de soubresauts.


— Ta parole ?


— Je peux vous assurer que c’est largement suffisant. Ça l’est pour Logan Ferguson.

Une lueur d’intérêt traverse les prunelles de Di Meglio. Son sourcil s’arque légèrement et ses doigts se mettent à danser sur le plateau en bois, avant que sa main ne s’abatte bruyamment sur le sous-main.


— Tss… Tu es bien présomptueuse, gamine. Mais tu sais quoi ? Tu m’amuses. Alors disons que nous avons un deal. J’aime ton cran. Mais veille à ce que ton ami, là, respecte sa part du marché. Je veux mes soixante-quinze mille livres. Dans un mois. Pas un jour de plus.


Malgré moi, je sens les traits de mon visage s’affaisser. Soixante-quinze mille ?! Mince, mais mon garage en vaut deux fois plus, au bas mot ! Il faut croire que la reine du poker s’est fait démasquer, si j’en juge au sourire en coin de mon interlocuteur. D’un geste de la main, il nous donne congé, sans autre forme de procès.


En colère, je dévale l’escalier, traverse la salle toujours bondée et bruyante, pour quitter au plus vite ce satané club. Ce n’est qu’une fois sur le trottoir, à l’air libre et dans le froid de la nuit, que je retrouve mon souffle. Merde ! Moi qui ai passé ma vie à apprendre comment ne pas tomber dans les écueils de l’argent facile et les griffes de gangs rivaux, voilà que je viens de me jeter toute crue dans la gueule du loup ! Tout ça pour quoi ?! Pour sauver les fesses d’un homme ! Mais quelle idiote ! À peine ai-je esquissé un pas qu’une main attrape ma manche pour me retenir :


— Heav, attends.


Je me fige, avant de me retourner pour lui hurler dessus. Peu importe les gens sur le trottoir, peu importe les caméras qui doivent être braquées sur nous, permettant sans doute à Di Meglio d’assister en live à notre scène de ménage.


— T’es con, Archie. Vraiment.


Histoire de me calmer, je me remets en branle. M’éloigner de ce club à la noix, de mon copain et de toute cette soirée, voilà ce que je veux. Cependant, il ne l’entend pas de la même façon, puisqu’il court pour venir se planter devant moi et me stopper net une dizaine de mètres plus loin.


— T’en fais pas, Heaven. On va trouver une solution.


— « On » ? On ?! J’espère que tu rigoles, Archibald Johnston.


J’enfonce un index rageur dans sa poitrine, martelant chacun de mes mots pour être certaine qu’il comprenne bien la situation.


— Il n’y a pas de « on », Archibald. C’est à toi de rassembler cet argent. À toi de tout faire pour que je ne perde pas mon seul et unique bien.


Affichant un air triomphant, il carre ses épaules, les poings sur les hanches.


— T’en fais pas, je vais me refaire. Et puis… Tu n’as rien signé, que je sache. Donc…


J’ai envie de me mettre à hurler de nouveau. Est-ce qu’il réalise seulement ce qu’il dit ? À la réflexion, sans doute pas. Il a grandi dans une jolie maison à la périphérie d’Inverness, dans une rue tranquille avec un chien et une balançoire dans le jardin. Les règles, les lois et les coutumes de ce monde lui sont inconnues. Dans un coin de mon esprit, une petite voix ressemblant fortement à celle de Colin me houspille, arguant qu’il n’avait pas à mettre le doigt dans un engrenage trop complexe pour lui.


— Tu ne comprends pas, Archie. Dans ce monde, une parole donnée vaut plus que toutes les signatures de la Terre.


— Ce monde ? Qu’est-ce que tu en sais, jolie Heaven ? T’es la gentille princesse à son papa, protégée et chérie. Qu’est-ce que t’as à craindre, toi, hein ?


C’est donc cela ? Lui aussi me voit comme une enfant capricieuse, une héritière choyée jouant à l’adulte ? Je voudrais hurler, me rebeller, voire même lui en coller une pour l’aider à retrouver un semblant de courage ! Pourtant, je reste là, les bras ballants, muette. Est-ce qu’un jour, on cessera de me voir comme une petite chose fragile ?

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16 commentaires

Sandra PERRIERE

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Il y a 5 mois

Hop une petite mise à jour 😘

Alixia Egnam

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Il y a 5 mois

Merciii

francoise drely

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Il y a 5 mois

Mais quel c....d cet Archie !! 🤨

Alixia Egnam

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Il y a 5 mois

Ah, c'est... Oui, le mot est quand même bien choisi !

Samantha Beltrami

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Il y a 5 mois

je suis passée me mettre à jour ☺️

Alixia Egnam

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Il y a 5 mois

Merciii ❤️

Alixia Egnam

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Il y a 5 mois

Désolée, vous aurez sans doute remarqué que je me suis plantée dans l'intitulé du chapitre 🫣

JULIA S. GRANT

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Il y a 5 mois

Oui, c'est la partie 2, mais ce n'est pas grave. T'inquiètes pas. Bisous Alixia.
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