Fyctia

— Voilà ta bière chéri !

J’offre un sourire forcé à Emma. Quand elle se retourne, mes yeux se perdent sur ses longs cheveux bruns qui cascadent dans son dos. Mes doigts se referment sur l’anse de la chope avant de la porter à mes lèvres. Je me tourne vers le fond du bar où des cris enjoués et des gloussements attirent mon oreille. Ce soir, j'ai du mal à me laisser happer par l'ambiance festive et conviviale de ce bar que j'adore et où j'ai mes habitudes. Ty s’installe sur le tabouret à côté du mien en enfonçant sur mon crâne mon chapeau de cow-boy en feutre noir.

— Tu avais oublié le plus important.

Il jette un coup d'œil à la brune face à moi qui m'offre un clin d'œil appreciateur. C'est ça, la plupart du temps, que j'aime chez Emma. Elle n'attend rien de moi. Elle est surtout sensible à ce que j’affiche pas à ce que je suis. Elle ne pose pas de questions. Elle sait ce qu'il y a savoir, c'est suffisant, nous ne nous devons rien. Mais une fois de plus, j'ai ce malaise grandissant en moi. Je crois que je me pose tout un tas de questions. Peut-être que ça ne me suffit plus. Mon attention est de nouveau attirée vers un groupe de filles qui rassemble autour de la scène.

— Qu’est-ce qu’il leur prend ?

Tyler me dévisage avec de grands yeux, avant de s'esclaffer.

— T'es sérieux ? Tout le monde ne parle que de ça !

Je fronce les sourcils. Entre les journées passés à cheval pour ramener le bétail avant les tempêtes de neiges annoncés, mes entraînements pour les rodéos et ma fille, je dois reconnaître que je n'ai pas suivi grand chose.

— Peut-être parce que, contrairement à toi, je n’ai pas le temps d’écouter les commérages. Alors, accouche !

— Notre chère petite Bailee est de retour en ville.

Mon cœur s'arrête. Mon corps se tend et mes doigts se crispent autour de mon verre. Je ne sais ni comment traiter ni comment digérer cette information.

Pourquoi personne ne m'as rien dit ? Comment ai-je pu passer à côté de ça jusqu’à aujourd’hui ? Bailee rentre à la maison et avec elle, la partie de mon cœur que j’ai déposé sur ses lèvres.