Fyctia
Chapitre 7
Trop obnubilée par le fait que Méduse pouvait être le monstre à l’origine de l’incident, j’en avais complètement oublié de me changer. Mais après vingt minutes de route, la victime vivait à Bloomsburg, un autre trou perdu de Pennsylvanie, j’eus terriblement chaud. Je commençai à enlever ma veste, qui n’était pas de saison, et me rendis vite compte de ma bourde.
Oh my God ! Je composai rapidement le numéro de Kev et lui hurlai :
— Comment as-tu osé me laisser sortir ainsi ?
Il rigola.
— Chérie, je ne t’ai jamais vue aussi bien vêtue. Je n’ai pas encore pu te faire jeter ces vieux machins que tu oses appeler vêtements. Crois-moi, là, tu es juste parfaite.
— Mais Kev, on dirait que je sors d’une convention pour geeks !
— Eh bien, voilà, tu as trouvé une excuse si jamais quelqu’un te fait une remarque. Mais sérieusement, j’en doute. Tu es sensationnelle !
— Kev, tu es gay ? Parce qu’un mec qui se préoccupe autant de mode et qui peut parler vêtements en disant « sensationnel » ne peut décemment pas être hétéro.
— N’importe quoi, tu es juste jalouse de mon style.
Il n’avait pas tort, il y avait un peu de ça. Pourtant, je me posais vraiment la question. Je ne l’avais jamais vu flirter avec une fille. Bon, je n’avais pas beaucoup de temps à lui consacrer non plus, j’aurais pu passer à côté. Mais quand même.
Une heure plus tard, nous arrivions enfin sur les lieux du crime. J’avais abandonné mon manteau et me sentais complètement nue. J’eus droit à quelques regards appréciateurs de nos collègues, mais sinon, tout le monde sembla trouver normal de voir une femme en costume et en cape. Soit, ils avaient tous trop peur de moi pour avouer ce qu’ils pensaient vraiment, soit nous vivions dans un monde tellement pourri avec cette ruée de monstres en tout genre qu’à côté, ma tenue vestimentaire était du pipi de chat.
La victime, Christopher Dauz, était un ancien chasseur retraité depuis quelques mois à peine. Durant toutes ses années de service, il avait vécu à Centralia et s’était acheté ce petit pavillon pour y finir ses vieux jours. Dauz n’était pas agé, soixante ans à peine, mais pour un chasseur, c’était déjà bien trop. Il n’avait pas de femme ni d’enfant. Il avait donné sa vie à la MIN et était seul au monde, à présent. On ne savait pas depuis quand il était dans cet état. Personne n’avait signalé sa disparition avant que le facteur ne le trouve ainsi.
Une boule se forma dans ma gorge. J’aimais ma solitude, mais est-ce que c’était comme cela que j’allais finir ? Certainement que lui avait eu de la chance. Moi, je finirais sûrement étouffée avec des cacahuètes et on ne me retrouverait que plusieurs mois après, quand la décomposition aurait révélé l’odeur. Bon Dieu ! Pour la première fois de ma vie, je me demandais si c’était ainsi que je voulais mourir.
Un rire qui n’avait rien d’humain me tira de mes réflexions. Avant cela, j’avais été à deux doigts de m’endormir.
Rapidement, j’avais sorti mon arme, quand je remarquai que personne n’avait réagi.
Bordel, qu’est-ce que c’était encore que cette histoire ?
— Kev ? Tu n’as rien entendu ?
— Si. J’ai entendu une foldingue sortir son arme. Elle avait des cernes tellement gros sous les yeux qu’on aurait pu jurer avoir vu un zombi. Résultat, tout le monde ici pense que tu es assez timbrée pour tirer, alors ils jouent à 1, 2, 3, soleil : le premier qui bouge prend une balle. Il faudrait que tu dormes un peu. Tu es à cran, ma chérie.
— Non, ce rire sinistre, balbutiai-je.
— Tu trouves que j’ai un rire sinistre ? Bien, je me suis entraîné.
Je devenais folle ou quoi ? Je tenais mon arme contre moi comme pour me rassurer et sortit dépitée. De toute façon, il n’y avait rien à récolter sur cette scène mise à part la fichue statue de Dauz.
— Eh, Tash, m’appela Keyvan.
Je m’étais retournée, toujours aussi perdue.
— Apparemment, tiens, regarde ces fiches. Le gus travaillait sur le dossier Méduse. Ça m’étonnerait que ce soit une coïncidence. Il a dû entendre parler de l’attaque chez toi. Et il semblerait que Dauz n’ait pas encore été décidé à arrêter la chasse. Tu verrais son armurerie ! C’est impressionnant, même pour toi, et ce n’est pas tout.
Impressionnant et armurerie, deux mots qu’il ne fallait pas prononcer en ma présence. J’avais tendance à devenir hystérique dès qu’il s’agissait d’armes. Un peu comme une femme dans un magasin de chaussures en solde. Trois secondes. C’était le temps qu’il m’avait fallu pour traverser le salon de Christopher Dauz et me retrouver à la cave. Un endroit plein de surprises. Bien sûr, il y avait des armes. De très belles pièces, pour tout dire. Mais au centre de la salle, salle qui, soit dit en passant, n’avait pas de plancher, seulement de la terre un peu sèche au sol et par-dessus, un pentagramme y était dessiné à la peinture blanche. L’odeur du soufre et de la poussière me prit à la gorge. Je voyais des dizaines de bougies éparpillées un peu partout. L’encens avait dû brûler très longtemps, car une fragrance désagréable était imprégnée dans tous les meubles du sous-sol.
— Kev, dis-moi que ce n’est pas ce que je crois.
— Ce n’est pas ce que tu crois, dit-il sur un ton hésitant.
— Ce crétin a ouvert un portail vers le royaume.
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