Fyctia

Clayton et Yvanna voulurent protester, mais Jules ouvrit ses puissants bras qu’il utilisa comme deux grandes barrières.

—Je peux savoir ce qu’il se passe ici ?! m'exclamais-je.

Intérieurement, je fulminais. Un étrange sentiment que je n’avais jamais ressenti jusque-là, s’empara de mon être. Pour une obscure raison, Jules ne me portait pas dans son cœur. Bien au contraire, il paraissait me haïr.

—Et toi, pourquoi l’as-tu laissée entrer ?

Jules s’était retourné. Il regardait en direction de la porte de la chambre, du couloir, de la sortie. Il paraissait s’adresser à l’homme invisible.

—Je te rappel qu’Angelina était poursuivie par un Diablotin, reprit Yvanna. La maison n’allait pas la laisser se faire tuer.

—Tu te rends compte de ce que ça veut dire, déclara Clayton. C’est elle. C’est l’ouvreuse de porte !

Le front de Jules se plissait à nouveau. Il pinça ses lèvres, ses poings se serrèrent. En un mouvement, Clayton se retrouva au sol.

Yvanna se précipita sur lui.

—Tu es devenu fous ? s’écria-t-elle, alors que Clayton se tenait la mâchoire.

—Nous avons une mission. Combien de fous devrais-je vous dire d’arrêter de croire à ces histoires pour enfants !

—La mission. Tu n’as que ce mot là à la bouche, le reprit Clayton.

Yvanna l’aida à se relever. Il continua :

—Si Angelina est bien l’ouvreuse de porte, alors, peut-être que nous ne sommes pas obligés d’aller au bout.

Les deux jeunes gens faisaient face à Jules. Leurs voix, leurs attitudes, dégageaient un je-ne-sais-quoi d’extraordinaire, de puissant. Comme de l’espoir.

—C’est précisément avec ce genre de pensés que vous allez faire échouer la mission. Nous devons être prêt à aller jusqu’au bout.

Yvanna et Clayton se tinrent la main. D’ici, j’eu l’impression qu’ils furent encore plus beaux.

Quelque chose d’indéfinissable émanait d’eux. Ils furent plus angéliques que jamais.

—Tu as raison, finit par souffler Yvanna.

Elle joignait son regard à celui de Clayton, malgré la pénombre. Ensuite, leurs voix se mit à réciter en chœur :

— Ensemble pour l’éternité. Dans l’air, dans le feu, dans la terre.

A ce moment, ce fut comme s’ils ne formaient plus qu’un.

La douce lumière du jour envahissait peu à peu la pièce. Les rayons du soleil balayèrent d’abord le plafond, puis descendirent lentement le long du mur. Clayton et Yvanna restèrent blottis près de la porte. Là où le soleil n’illuminerait pas avant plusieurs minutes. Jules, lui, me faisait toujours face. Il ne se tenait qu’à quelques centimètres de moi, lorsqu’un rayon glissa de son front à ses yeux. Il me fixait intensément, lorsque sa mâchoire se mit à frémir. Ses yeux passèrent du noir profond d’une nuit sans lune, à un bleu clair aussi pur que l’océan.

J’aurais pu me noyer dans ce regard, pourtant, j’avais le sentiment que ce fut Jules qui se perdit dans le miens. Il ne fallut qu’un court instant pour que le rayon de lumière se transformât en un faisceau courant sur son visage parfait.

Son regard aussi se transformât.

—Que fais-tu encore là !?

Sa voix, son attitude, me glacèrent le sang. La colère l’envahissait subitement. Ses grands yeux passèrent au rouge vif de la lave incandescente. Son corps tout entier parut muer.

Les puissants muscles de son visage se mirent à vibrer, puis à bouillir. Ses lèvres tressaillirent. Ses arcades sourcilières avaient doublé de volume, et pointaient hors de son crâne. Des embryons de cornes poussaient contre son front, son visage tout entier vira au gris foncé.

—Sors de cette maison ! Ordonna-t-il en décomposant chaque mot.

Une sueur froide traversa mon dos. Un mélange de peur, mêlé à un instinct de survie, me fit prendre mes jambes à mon cou.

D’un mouvement fluide et rapide comme l’éclaire, Jules pivota sur place et me libéra, ou plutôt, il m’indiqua la sortie. Je transperçais le trio sans les toucher, ni même les effleurer. L’instant suivant je me retrouvais au sommet des escaliers, que je dévalais, furibonde et paniquée. La porte d’entrée restée ouverte, ce fut sans difficulté que je la franchissait à la manière d’une tornade. Rapidement, j'atteignais la petite coure, puis le portail en bois. Mes jambes continuèrent de m’entraîner, jusqu’à ce que, épuisée, je fus de retour dans la rue des bars. Le buste penché, les mains en appuis sur mes cuisses, je repris lentement mon souffle alors que mon cœur battait la chamade. Il devait être près de sept heure du matin, la rue tantôt bruyante, dormait à présent. Antoine et Marie n’allaient plus tarder à se lever, aussi, je réuni mes toutes dernières forces pour presser le pas, avant qu’ils ne s’aperçoivent de mon escapade nocturne.

J’arrivais bientôt sur le seuil de la porte, le souffle court, le front trempé de sueur. La rue fut déserte, calme et silencieuse. Rien n’indiqua que Marie ou Antoine fut éveillé. Je m’accordais un instant afin que mon cœur retrouve un rythme plus normal. J’en profitais pour éponger mon front.

Devant cette porte, les mots de Clayton revinrent comme un écho : "L’ouvreuse de porte". Qu’est-ce que cela voulait dire ?