Fyctia
Enfin en sécurité?
Il ne restait plus qu’une dizaine de mètres entre nous. Je déglutissais, et il continuait.
—Aller ! je sais que tu la sens, affirma-t-il. Je peux ressentir ta peur jusqu’ici. Je ressens l'adrénaline qui coule dans tes veines... Un doux mélange de sueur et d’hormones. Un cocktail enivrant !
Je calculais mes possibilités.
En approchant de la résidence, je guettais la moindre lueur à une fenêtre. La moindre silhouette pouvant indiquer qu’une personne serait en train de sortir un chien. Mais il n’y avait pas âme qui vive. Je poursuivais ma route, toujours à l’affut du plus petit détail, cependant, la chance ne fut pas de mon côté. Derrière-moi, l’homme poursuivait son monologue. Il gagnait du terrain. Je plongeai la main droite dans la poche révolver de mon jean, en extirpais difficilement le téléphone portable et composais le "17". En appelant la police, et si j’arrive à perdre, ne serait-ce qu’un peu mon poursuivant dans le dédale des rues de la résidence, alors les probabilités que je sorte vivante de cette situation avoisinaient les soixante-dix pourcents.
Soixante-dix pourcents... cela faisait trente pourcents de chance pour que mon plan échoua.
J’apposais le téléphone contre mon oreille, et préparais mon discours en attendant la sonnerie. Je n’aurai sans doute pas beaucoup de temps pour donner un maximum d’information.
Je devais être concise.
—Qu’est-ce que tu fais mon cœur ? Tu appelles des amis ? Oh… c’est embêtant. Moi qui croyais qu’on se ferai un petit tête-à-tête !
Mon premier réflexe fut de vouloir me retourner, afin de confirmer la distance qui nous séparait encore. Je marchais déjà le plus rapidement possible, sans courir. Toutefois, il n’eut aucun mal à me rattraper. Une sonnerie se fit enfin entendre : Hors réseau !
Mon deuxième réflexe fut de prendre mes jambes à mon cou.
—Ah, enfin ! s’esclaffa l’inconnu. La chasse est ouverte !
Je couru aussi vite que possible.
Les ruelles obscures formaient un dédale sombre, à la manière du labyrinthe de Thésée. Et tout comme Thésée, mon minotaure, mon démon, fut à ma poursuite. Ses grognements retentissaient dans le calme de la nuit, et le fin duvet de mes avant-bras s’hérissait aussitôt. La maison hantée fut en vue, palpable comme une lueur d’espoir, presque à portée de main. Je gardais mon allure, m’appliquant, tant bien que mal, à surveiller où je déposais les pieds. Très vite, j’atteignis la cour en friche, sombre et triste. Je me précipitais sur la vieille porte en bois et saisissais le bouton.
Il ne broncha pas.
—Aller, ouvres-toi. La suppliais-je en tournant la main dans tous les sens.
Tremblante et le souffle court, je tentais de la tirer, puis de la pousser, espérant, en vain, qu’elle cède sous mes coups d’épaules. L’homme se rapprochait. Sa voix, hilare, résonnait dans la nuit. Plus je m’acharnais sur la porte, et plus sa voix fut audible, plus distincte, plus étrange: Je trésaillais.
—Tu es toute à moi, ricana l’inconnu.
Il apposa une main sur mon épaule gauche et me fit sursauter. Me détournant de la porte, mon regard croisa ses yeux, plus noirs que la nuit. Un sourire lugubre monta jusqu’à ses oreilles, tandis que ses sourcils se plissèrent.
—Le chasseur gagne. Déclara-t-il.
Piégée. Coincée entre la porte récalcitrante et cet homme bien plus grand et plus large que moi, je n’avais aucune issue.
L’espace d’un instant, les pires pensées traversèrent mon esprit. Qu’allais-je devenir ? Mes parents sauraient-ils au moins ce que j’étais devenue ? Je fermais les yeux, impuissante et résolue. Mon seul souhait —si j’aurais pu en faire un—, aurait été que ce soit aussi rapide qu’indolore. L’homme éclata d’un rire narquois, strident et morbide. Un grincement familier se fit entendre dans mon dos. Une seconde plus tard, je me retrouvais allongée sur le sol.
L’homme continuait à rire, alors que je poussais sur mes jambes fatiguées, et tentais de me réfugier le plus profondément possible à l’intérieur de la maison. Il avançait à pas de velours à la manière d’un prédateur. Du bout de mon pied gauche je poussais la porte sur lui, dans l'espoir de le maintenir le plus longtemps possible à l’extérieur. L’inconnu qui avait à présent tout d’un animal sauvage, et plus rien d’humain, opposa son bras droit et la retint sans la moindre difficulté. Il se mit à sourire, libérant deux canines parfaitement blanches et pointues. Affutées telles des lames de rasoirs. Sa voix se changeait en une succession de grognements bestiaux.
—Foutue porte ! Hurla-t-il, alors qu’il parut devoir employer toutes ses forces pour pénétrer dans la maison.
Je martelais la porte à grands coups de pieds, et il reculait un peu plus. L’adrénaline, ainsi qu’une lueur d’espoir bien venue me donnèrent le courage dont je manquais. J’usais de toutes l’énergie qu’il me restait alors, et la concentrée sur mon pied. Je tambourinais. Encore et encore. En prenant appuis sur mes maigres bras. Dans un sursaut, l’homme poussa un effroyable cri. La porte s’écrasa brutalement contre le mur.
—Enfin ! Grommela-t-il.
La bête curieuse s’attarda un instant sur la porte ouverte. J’eu l’impression qu’il l’étudiait, avant de porter à nouveau son attention sur moi.
—C’est quoi cette baraque ? me demanda-t-il, l’air inquiet.
Un crissement retentit derrière-moi. L’instant d’après, je me retrouvais projetée à l’autre bout du couloir. Directement aux pieds de l’escalier.
L’inconnu fut toujours dans l’entrebâillement de la porte, lorsqu'une imposante silhouette lui fit soudainement face. Elle était si massive, que même la lumière de la lune peinait à se frayer un chemin jusqu’à moi. Ce qui n’était alors qu’une silhouette tourna la tête dans ma direction. Je reconnu instantanément ce regard rouge, mêlé d’espoir et de douleur.
—Fuis ! Ordonna-t-il.
Je restais clouée sur place, fascinée par ces yeux.
2 commentaires
Kevin Karbowiak
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Il y a 2 ans
Mira Perry
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Il y a 2 ans