Dacia Gargouilles. La porte des ténèbres. Chap:2 (Partie une). Jessica

Chap:2 (Partie une). Jessica

Fermant les yeux, je revivais mes trois dernières visites à la maison hantée au rythme lent de ma mémoire. Je faisais des « arrêts sur image » chaque fois qu’un détail, même insignifiant ressurgissait des méandres de mon esprit: Un bruit, une odeur, une sensation. Je passais en revu la palette de mes sens.

—Inutile, soupirais-je, frustrée, en sentant que la clef du mystère se tenait-là, quelque part au seuil de mon esprit. A peine perceptible, comme le nom d’une personne que l’on s’efforcerait de retrouver et qui se tiendrait au bout de notre langue sans jamais ressurgir complètement.


Au rez-de-chaussée Antoine s’emportait régulièrement. Je devinais aisément qu’il se plaignait d’une décision de l’arbitre, ou qu’il commentait une action, alors qu’à d’autres moments il s’adressait directement aux joueurs, leurs donnants des consignes comme s’il était assis sur le banc de l’entraineur. Je regrettais un instant de ne pas assister au match avec lui, lorsqu’un grincement familier provenant de la gauche du lit attira mon attention. Mes yeux se portèrent machinalement sur la fenêtre laissée légèrement entrouverte. Une faible brise fit frissonner le rideau en balayant le petit meuble sur lequel trônait une photo prise le jour du mariage de mes parents.

Tous deux se tenaient devant le grand bâtiment de la mairie de mon Montélimar natal, et posaient une main délicate sur les épaules de la jeune fille de onze ans que je fus alors. Chaque soir avant de m’endormir, j’adressais un regard mélancolique en direction du petit meuble. Cela faisait deux mois et demi que nous avions emménagé, et mon Montélimar me manquait toujours. Je pensais qu’avec le temps ça finirait par passer, mais cette photographie était plus qu’un souvenir de ma ville natale, elle était un rappel d’une époque aujourd’hui révolue durant laquelle mes parents et moi formions une famille joyeuse et soudée, avec de l’amour à revendre. Cette image de famille parfaite s’estompait peu à peu depuis notre déménagement. Comme noyée dans la frénésie de la vie Parisienne.

Le rideau porté par le vent caressait le cadre à la manière d’une main, et souleva de minuscules grains de poussière qui semblaient briller comme autant de paillettes sous la faible lumière de la lampe de chevet. Un frisson parcouru ma nuque et tous les poils de mes avant-bras se redressèrent. Je fus obligée sortir de mon lit à contre-cœur —j’étais bien au chaud sous ma couette—, mais je ne pouvais pas risquer qu’un courant d’air plus fort qu’une brise ne vienne renverser mon précieux cadre. La fenêtre fermée, je rejoignais mon lit. Et, alors qu’il ne me resta plus qu’un pas pour retrouver le confort de la couette, j’opérai un demi-tour pour m’emparer de la photo que je blottie contre ma poitrine avant de m’endormir.

Cette nuit-là, je dormis très mal, et très peu. Il ne restait plus qu’une journée pour conclure une nouvelle semaine de cours, et elle allait être longue. Très longue…


—Alors, dis-moi. Tu as pu rattraper tes cours hier soir ? me demanda Marie dès le saut du lit.

Six heures du matin, et elle s’affairait dans la cuisine. Terminant la maigre vaisselle de la veille juste après avoir lancé la première machine de lessive de la journée, elle passait d’un meuble à l’autre, rangeant une boite de conserve ici, jetait un emballage là. Elle entreprenait une myriade de tâche qu’elle ne terminait jamais complétement avant de passer à une autre. J’avais les yeux rivés sur l’écran de la télé désormais éteinte tout en essayant d’éviter les déambulations et les gestes approximatifs de Marie. Redoutant plus particulièrement le moment où Marie tenterait de ranger les fourchettes et les couteaux. Notre seul point commun n’était pas physique comme avec Antoine, mais notre incapacité la plus totale à se concentrer sur une seule tâche. Longtemps j’avais cru que c’était de ma mère que je tenais ma manie d’être tête en l’air, mais à y regarder de plus près, Marie était simplement gauche. Je songeai, avec ironie, que les moments les plus dangereux de mes journées n’étaient pas de traverser « la rue des bars », ni même mes excursions solitaires à la maison hantée, mais bel et bien les petits déjeuners pris dans la cuisine pendant que ma mère manipulait des couteaux.

—Attends, je vais t’aider. Déclarais-je après avoir évité une énième maladresse de Marie. Je saisissais délicatement la main de ma mère, en extirpa un petit — mais autrement plus dangereux couteaux à beurre que cette dernière tenait, et le déposa dans l’évier aux côtés des autres objets pouvant devenir de terribles armes entre ses mains.

—Ça avance. Poursuivis-je, répondant enfin à sa question en essayant de mentir le moins possible.

—Eh bien tu m’en vois ravie, affirma Marie. J’imagine que ce ne doit pas être évident pour toi de te retrouver dans un lycée et une ville où tu ne connais personne.

—C’est bon. J’ai mes livres, et j’ai Jess aussi. Ce n’est pas vraiment comme si je n’avais personne, tentais-je de la rassurer. Mais le seul prénom de Jess suffit à faire frémir Marie.

—Je n’aime pas beaucoup cette fille, déclara-t-elle. Elle est trop lisse et bien trop polie pour que ce soit normal.

J’eus un sourire que je masquai immédiatement de mon poing. « Jess trop lisse et trop polie pour que ce soit normal », Marie avait vu juste au sujet de Jessica, mais heureusement, elle ne se doutait pas à quel point elle avait raison :

—Jess est une fille comme les autres, ni mieux, ni pire, affirmais-je sans plus de conviction. En attendant, elle est ma meilleure amie ici et on a beaucoup de points en communs tu sais ?

—Si tu le dis, marmonna Marie en essuyant une assiette. Au fait, tu n’as pas touché au plat que je t’ai laissé hier soir. Tu veux que je le fasse réchauffer au micro-onde pour que tu l’emporte avec toi ?

—Non merci, Jess et moi allons déjeuner au kioske à côté du lycée. Ils font d’excellent burger.

—Et… je peux savoir depuis quand tu apprécies les burgers ?

« Depuis que tu t’es mise à faire des pâtes tous les jours », voulais-je lui répondre, mais je gardai le silence pour ne pas créer de tensions inutiles. La situation ne devait pas être évidente non plus pour Marie. Avec ce déménagement, elle avait dû quitter un bon poste à la mairie de Montélimar et, il lui était difficile de trouver un emploi équivalent à Paris. C’est une des raisons pour lesquelles elle avait entreprit (tant bien que mal) d’assurer le rôle de mère au foyer. Poste dans lequel elle n’était pas des plus à l’aise.

—Je vais finir par être en retard.


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3 commentaires

Yaya O.

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Il y a 2 ans

Jess a donc quelque chose à cacher ? Intéressant. Juste un petit conseil : tu devrais séparer les paragraphes, ça faciliterait mieux la lecture.

Lullolaby

-

Il y a 2 ans

Un petit peu de tension entre sa mère et elle :/
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