Fyctia
Chapitre 1 La Maison Hantée
Le seul événement marquant de ma vie fut notre déménagement pour Paris. Nous quittâmes Montélimar et son nougat. Son climat tempéré et ses paysages provinciaux pour rejoindre la capitale. Son ciel triste, et son agitation incessante. La pluie ne m’avait jamais dérangée. Pas plus que la foule d’ailleurs. Perdue dans mes romans et mes dessins, les gens auraient pu hurler à la lune que je ne les aurais pas remarquées. La seule chose qui me dérangeât dans ce déménagement, fût que j’allais devoir découvrir un nouveau collège, de nouvelles personnes, de nouveaux professeurs, et me faire de nouveaux amis. Le tout deux mois après la reprise officielle de l’année scolaire, et le rattrapage de devoirs que cela impliquait.
Je ne le savais pas encore mais, mon intégration ne serait pas l’épreuve la plus difficile de cette année-là.
—Nous sommes jeudi quatorze novembres, et il est précisément dix-huit heures, disais-je, tout en m’appliquant à articuler le plus calmement possible.
J’avançai parmi les méandres de ce qui fut jadis une cuisine des plus banales. Mon dictaphone fermement serré dans la main gauche, je caressai de ma main droite le plan de travail en bois déjà fortement endommagé par les mites. Des trous le criblaient le bois comme autant d’impacts d’un fusil d’assaut. Certains étaient presque aussi large que mon poing.
Je déglutissais.
—C’est la troisième fois que je viens ici, mais je n’ai toujours pas vu le moindre fantôme, ni même la pointe de l’oreille d’un chat.
Jess m’avait si souvent vanté les mystères de cette maison que tous disaient hantée, que je fus déçue de n’y trouver que poussière. Finalement, ce n’était qu’une maison laissée à l’abandon. Je délaissai le plan de travail, et mon attention se portait désormais sur une vielle table aux pieds d’acier située au centre de ce qui fut jadis un espace de vie.
—Elle n’a pas changé d’un pouce depuis la dernière fois, constatais-je en faisant glisser un doigt inquisiteur sur la nappe en plastique qui recouvrait la table.
Je l’inspectai minutieusement en quête d’un quelconque résidu de poussière : Rien.
—C’est certainement à cause du courant d’air, murmurai-je.
Une vitre de l’ancienne cuisine était fissurée de tout son long, aussi me dis-je que le vent devait nettoyer régulièrement la table. J’approchai lentement la main vers la fenêtre, et due me rendre à l’évidence : cette dernière ne laissait pas passer le moindre murmure d’air.
Une brise glaciale souleva mes longs cheveux clairs et je me mis à frissonner. Mon cœur s’arrêta de battre, pour ne repartir qu’une fois ma chevelure retombée sur mes épaules. Les yeux rivés sur le carreau fissuré, je cherchai d’où pouvait provenir ce courant d’air lorsque je constatai que le soleil était déjà bas sur l’horizon. Pour retourner chez-moi il me fallait traverser “ la rue des bars “, comme la surnommée Jess et mes parents, et lorsque la nuit tombait, cette rue Parisienne d’ordinaire calme, se transformait en un véritable coupe-gorge.
Du moins, c’est ce que tout le monde m’avait dit. Je n’étais pas froussarde. Pas plus que je ne fus courageuse ; ce qui m’attirais dans cette maison soi-disant hantée depuis trois soirs n’était pas la recherche de l’adrénaline, pas plus que celle de sensations fortes. Je ne tenais pas particulièrement à vérifier la véracité de cette rumeur. Mon besoin était tout autre. Bien plus banal : La nostalgie.
L’inspiration que ce genre de lieux provoquait pour les personnes comme-moi, voilà ce qui me poussai à faire un détour de presque trente-minutes tous les soirs après les cours.
De la nostalgie, cette maison en avait à revendre. Bien plus que de fantôme, en tous cas. Partout où mon regard se posait, je ne voyais que solitude et tristesse. Je m’imaginai un couple et leurs enfants réunis autour de cette table, à une époque certainement lointaine. Riants et discutant à propos d’une journée de travail et d’étude, devant un repas bien chaud. Aujourd’hui vide et délaissée de tous, elle sera bientôt détruite pour construire une grande surface ou un quelconque bâtiment dépourvu d’âme. Je ne pus m’empêcher de penser qu’il était dommage de détruire une telle bâtisse, alors que quelques coups de pinceaux et un bon maçon suffiraient à lui redonner vie. Egoïstement, je regrettai davantage l’éventualité de perdre un endroit qui éveillait tous ces sentiments en moi. Ça ne faisait que quelques semaines que l’on avait emménagé à Paris, et jusqu’à la découvre cette maison tout me semblait froid et impersonnel dans cette grande ville tumultueuse.
A l’intérieur, la luminosité baissait dangereusement au fur et à mesure que le soleil se couchait. Je n’étais encore jamais restée aussi tard, mais aujourd’hui Monsieur Mac Grégorre nous à retenus plus que de raison lors du cours de mathématiques, ce qui ne posa aucun problème à Jess, même si elle faisait toujours mine d’aller à ses cours à reculons. Le gris des murs de pierre s’assombrissait au grès des minutes qui défilaient, donnant l’impression que les ombres prenaient vie en s’étendant sur le sol.
La nostalgie fit place à l’angoisse.
Le plancher de l’étage se mit à craquer à plusieurs endroits, comme si la maison tout entière s’étirait en se réveillant, laissant échapper des grognements. Je n’osai plus bouger d’un millimètre tandis que je scrutai le plafond au-dessus de ma tête. Le grognement disparut aussi vite qu’il était venu, mais à présent c’était la branche d’un vielle arbre qui venait griffer la fenêtre de la cuisine. La maison s’éveillait, à présent j’en étais convaincue.
La porte de sortie n’était qu’à quelques mètres de la cuisine, il me suffirait d’atteindre le couloir et de tendre la main pour quitter les lieux. Cependant, une force invisible me cloua sur place.
—Il se passe quelque chose, murmurai-je à mon fidèle dictaphone toujours pointé vers ma bouche. Je ne sais pas ce que c’est… Peut-être le vent, fis-je comme pour essayer de me rassurer. Comme si je m’adressai à quelqu’un de bien réel en face de moi.
Mes yeux parcoururent la pièce. Passant du sol au plafond, balayant la cuisine, l’arche que formait le mur donnant sur le couloir de l’entrée. Mais rien ne se passa. Ma poitrine se relâcha sous ma chemise blanche qui parue se dégonfler comme un ballon de baudruche. J’attendit plusieurs secondes, continuant à guetter le moindre craquement. Tout était redevenu calme. Comme si la maison s’était de nouveau endormie. Soulagée, bien qu’encore confuse, je me décidai à regagner la sortie. Intérieurement je me répétai que tout était normal. Après tout, il n’y avait rien d’étrange à ce qu’une maison aussi ancienne, désertée depuis des années, eusse quelques soucis de plancher. J’approcha la main du bouton de porte lorsqu’une vibration parcourue ma jambe droite.
Je me figeai sur place.
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Jo Mack
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anna.rd
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