Fyctia
Échec à l’hôpital 5
De son côté, la jeune femme est consciente que sa seule issue est de sortir du tunnel par le bas, mais elle devra inévitablement entrer en contact avec Edgar. Cette éventuelle confrontation ne la réjouit guère, d’autant qu’Edgar paraît physiquement plus costaud qu’elle. Que faire alors, pense-t-elle ?
Rien, en définitive. Elle comprend vite que toutes les issues ont dû être fermées, que les renforts de police ont dû prendre position à l’intérieur comme à l’extérieur et qu’il serait vain d’espérer pou-voir s’échapper dans de telles conditions. Elle n’a pas tort, car des bruits d’agitation se font entendre dans son dos, au travers de la porte. L’étau se resserre, la fin de sa cavale est imminente.
Son esprit s’apaise, ses muscles se détendent, ses poings se desserrent, son souffle ralentit, son regard s’adoucit et son menton se relève légèrement, comme pour mieux respirer. Elle prend une grande bouffée d’air et dit :
– OK, vous avez gagné, je me rends.
– D’accord, mais ne bougez pas de là où vous êtes, répond Edgar.
– Ne craignez rien, je ne suis pas fou.
Cette réponse résonne comme le son du glas dans la tête d’Edgar. Elle signifie la fin du combat, la défaite de l’adversaire, mais aussi l’ultime interrogation qu’elle pose. Pourquoi a-t-elle employé le terme fou au lieu de folle ?
Maloire, qui était monté au troisième étage avec des renforts armés, avait assisté d’en haut à la descente vertigineuse entreprise par Edgar et la jeune femme. Il était alors descendu à son tour et les avait suivis, sans les apercevoir, se dirigeant au son des pas résonnant dans les couloirs. Il est main-tenant arrivé sur les lieux, accompagné de quelques gendarmes et demande à son adjoint de se ranger à l’abri derrière eux.
– Ce n’est pas la peine, Inspecteur, répond Edgar. Il n’est pas armé, vous pouvez l’approcher.
– Pourquoi dis-tu, il n’est pas armé ? répond Maloire en accentuant le pronom « il ».
– Parce que je crois que c’est un homme et non une femme, allez vérifier.
Maloire s’approche de la jeune femme, accompagné de deux Gendarmes pistolet au poing et lui demande :
– Tendez vos poignets vers l’avant et sans geste brusque.
Elle s’exécute en silence et sans opposer la moindre résistance. Maloire lui passe les menottes et se ravise de la réflexion de son adjoint.
– Vous permettez dit-il, en désignant sa chevelure blonde et sans se départir de la bonne éducation qui le caractérise.
– Faites ! Mais délicatement s’il vous plaît, répond-elle.
Maloire n’a pas trop envie d’être délicat avec un présumé assassin, mais conformément à sa nature, il obtempère en ce sens. Il empoigne une touffe de cheveux qu’il tire vers le haut. La chevelure se détache progressivement de la tête de l’individu et laisse apparaître des cheveux châtain clair, plaqués en arrière sur son crâne. L’infirmière est bien un homme, raison pour laquelle elle a donné tant de fil à retordre à Edgar, en lui tenant tête dans la poursuite.
– Mais qui êtes-vous ? lui demande Maloire, l’air un peu hébété avec la perruque dans la main.
– Vincent Fleury, répond le jeune homme sans autre explication.
De toute façon, ce n’est ni le lieu ni le moment. Des explications, il en fournira quand il sera au poste de Police. En attendant, Maloire et Edgar rejoignent leur véhicule, en compagnie de la cohorte de policiers qui emmène Vincent Fleury.
L’affaire semble bel et bien terminée. Comme le dit l’expression, ils ont fait d’une pierre deux coups. En arrêtant la jeune femme, ils ont aussi arrêté le jeune homme, puisque les deux ne sont qu’une seule et même personne. Maintenant, il sera intéressant de comprendre les motivations qui ont poussé ce Vincent Fleury, alias Brice Vaillant, l’homme à la moto verte et alias Marie Dubreuil, la sulfureuse Nymphomia à la Coccinelle bleue, à commettre tous ces assassinats.
Six mois plus tard.
Vincent Fleury, cousin de Gaby Picard et ami d’enfance de Stéphane et Marion Valmer, a tout avoué aux policiers de la Brigade criminelle. Il a expliqué comment il a facilement retrouvé les Sa-vin, dans les annuaires téléphoniques et comment il a aussi facilement pu suivre le camion de Marcel Savin pour l’assassiner sur l’aire autoroutière de Boisfeuillet. Son déguisement en femme lui a permis de l’approcher et de rapidement le maîtriser avec son Taser, avant de l’étouffer avec un sac plastique. Méthode qu’il a conservée par la suite pour chacun de ses autres assassinats. Le déguisement est sa deuxième nature, puisqu’il est employé dans une troupe de comédiens. Il a réalisé son vœu d’enfance le plus cher. Jouer sur les planches d’un théâtre. Et chaque assassinat était pour lui une mise en scène, dans laquelle il ne ressentait aucun trac. C’était presque une jouissance, car s’il n’avait pas de public direct, il en avait un immense indirect, celui touché par les médias qui se faisaient le porte-parole de ses actes. Chaque assassinat réussi et donnant lieu à un grand tapage journalistique revêtait l’apparence d’un succès pour lui.
Il a raconté comment il s’était introduit dans le domicile de Madeleine Savin, avec pour prétexte, celui l’obtenir des informations sur l’emploi de ménagère à temps partiel, qui avait fait l’objet d’une petite annonce locale de sa part. Il s’est souvenu avoir eu très chaud dans la cuisine, raison pour la-quelle il a laissé tomber, sans le savoir, une goutte de sueur sur les verres de lunette de sa victime. Mais là aussi, tout s’était parfaitement déroulé suivant son plan établi. Il a néanmoins reconnu avoir eu beaucoup de chance dans son timing, de ne pas s’être trouvé, ce jour-là, sur les lieux en même temps que Maloire et son adjoint.
Le plus difficile, fut d’entrer en contact avec Rémi Savin, sans laisser de traces de ses communications. Mais là aussi, grâce à ses connaissances approfondies en informatique, il a pu y parvenir sans encombre. Le reste fut pour lui un véritable jeu d’enfant, en l’occurrence, prendre l’apparence de Nymphomia, personnage qu’il avait spécialement créé pour la circonstance.
Il a ainsi profité de cette occasion pour brouiller les pistes des enquêteurs, en déposant volontairement un cheveu blond volé à l’une de ses partenaires de théâtre. Il savait que cette action était sans conséquence pour cette dernière, inconnue des services de police et disposant d’un alibi implacable le jour de l’assassinat de Rémi. Par contre, il savait aussi que cela aurait pour conséquence inéluctable, dans le cas où un témoin l’aurait aperçu chez Madeleine Savin, d’orienter les recherches sur deux axes, de conforter l’hypothèse d’un agresseur féminin et de ralentir considérablement l’enquête.
Pour Alex Savin, il a reconnu avoir rencontré un gros problème. Celui de l’approcher, en raison de son isolement volontaire et de la garde resserrée mise en place autour de lui. Il lui a fallu patienter et réfléchir sur la méthode à employer. La moto s’est vite imposée comme seule et unique solution.
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