Robcar Funeste engrenage La tentative échouée 3

La tentative échouée 3

Sur cette route, la circulation y est beaucoup plus dense et le flot continuel de véhicules ralentit considérablement sa vitesse. Ce n’est pas plus mal, pense Edgar, en remontant la file des voitures, il va pouvoir ainsi se rapprocher de la moto verte. C’est ce qui se produit, juste au dernier rond-point, avant d’entrer dans la ville. Devant lui, à quelques encablures, il peut distinguer le haut de la combinaison et le casque noir et vert du pilote. Il se tient à distance respectable pour ne pas se faire repérer et le suit attentivement. Les voilà maintenant, tous deux, dans les rues embouteillées de la ville. Edgar n’a aucune peine à le filer et à se faufiler entre les véhicules, car là aussi, son guidon cintré l’avantage par rapport au guidon bracelet des motos sportives. Il voudrait bien s’en approcher un peu plus pour déchiffrer sa minuscule plaque minéralogique, mais c’est trop risqué, il préfère conserver sa position et attendre la suite des événements.

Le motard vert, qui vient de s’arrêter dans la file stoppée par un feu rouge, regarde machinale-ment dans son rétroviseur. Il esquisse alors un retournement de tête quasi impossible avec un casque intégral. Il doit avoir un doute ou une inquiétude, pense Edgar qui baisse la tête, faisant mine de regarder sa botte. Le feu vert s’allume et la file démarre pour continuer son cheminement sur cette grande avenue de la République.

Au bout, la moto verte tourne à droite, puis encore à droite pour emprunter une voie parallèle. Edgar la suit toujours à distance. Deux cents mètres plus loin, elle tourne encore à droite, comme pour revenir sur son chemin. Son pilote est en train de faire une boucle pour vérifier s’il est suivi ou pas. Il a dû me repérer, pense Edgar qui lui a lâché un peu de terrain. Tant pis, maintenant il faut aller jusqu’au bout, même à découvert. Les deux motos se retrouvent une fois de plus sur cette avenue de la République, où la moto verte est à nouveau stoppée par le feu de signalisation, mais cette fois en tête de file. Le feu passe au vert, la moto accélère brusquement, clignotant gauche activé et tourne rapidement dans la longue et rectiligne rue de la Paix.


À l’arrière, Edgar est resté prisonnier des automobilistes peu réactifs, ceux qui mettent un temps fou à débloquer leur frein à main, enclencher la première et accélérer. Il peste intérieurement contre cette mollesse caractéristique de certains. Ça y est ! Il s’est désenglué et tourne maintenant dans la rue à gauche. Un petit coup d’accélérateur pour récupérer le temps perdu et le voilà bientôt au bout de la rue, mais sans avoir revu la moto verte. Il termine les quelques mètres qui le séparent de sa fin et qui débouchent sur un boulevard transversal. Là, il stoppe sa moto et regarde de chaque côté, pour se rendre compte que la moto verte n’y est pas non plus. Il n’a pas pu faire autant de chemin en si peu de temps. Il s’est obligatoirement arrêté dans cette rue de la Paix, raison pour laquelle, il a tenté de me semer en l’évitant une première fois et en prenant du champ sur moi, pense Edgar.


Il gare sa moto et, casque sous le bras, arpente les trottoirs, descendant d’un côté et remontant de l’autre, en quête d’une trace de cette moto aussi grosse que voyante. Opération vaine. Pas de moto ni de motard. Il a dû s’engouffrer dans une de ces nombreuses impasses, qui jalonnent cette avenue de part et d’autre. Il est maintenant trop tard, le soleil va se coucher pour laisser place à la faible clarté des réverbères. Il nous faudra revenir et poursuivre nos recherches dans les plus brefs délais, pense Edgar qui reprend sa machine et le chemin du retour.


Que penser de cette journée ? D’un côté, le résultat est positif en ce sens où, pour la première fois, Edgar a presque été en contact avec l’agresseur. Mais s’il a pu l’approcher de près, il ne l’a pas vraiment identifié et encore moins localisé. D’un autre côté, le résultat est négatif, car Alex en a été la victime. Même s’il n’y a pas laissé sa vie, les séquelles de son accident risquent d’être graves. Que va penser Maloire de tout cela et comment va-t-il réagir face aux responsabilités prises par Edgar ? Et puis, comment vont-ils s’y prendre à l’avenir pour débusquer ce motard vert et le mettre hors d’état de nuire ? Les questions défilent dans la tête d’Edgar, au même rythme que les poteaux d’éclairage sur le bord de la route. Pour une première enquête à laquelle il participe, il peut s’estimer gâté. Il n’est pas tombé dans ces routines administratives et soporifiques qui sont le lot courant, mais dans des situations quelquefois cauchemardesques, qui ne sont pas pour lui déplaire.


Le lendemain matin, Edgar fait son rapport verbal à Maloire qui l’écoute avec attention. À aucun moment, il ne le coupe, pour ne pas lui faire perdre le fil de ses pensées. Son récit est à la fois détail-lé et passionné, comme s’il racontait un film qu’il avait vu la veille au soir. Une fois terminé, Maloire le félicite pour son comportement prometteur.

– C’est très bien Edgar, je n’en attendais pas moins de toi. Continue dans ce sens, tu es sur la bonne voie. La réussite est un savant cocktail d’opiniâtreté et de chance. Tu as eu la première, tu as un peu manqué de la seconde, mais persévère, ça ira mieux la prochaine fois.

– Merci, Inspecteur, puisque vous parlez de chance, Alex ne semble pas en avoir eu lui non plus. Il me paraissait mal en point dans le fossé. Que s’est-il passé après mon départ ?

– Il a été héliporté vers l’hôpital de Grandbourg où il a rapidement été pris en charge par le service des urgences. Sa blessure au dos étant considérée comme grave, il a dû subir une intervention chirurgicale pendant la nuit. J’en ai personnellement été informé.

– Ah bon ! Il était gravement blessé ? Alors je n’aurai pas dû l’abandonner ?

– Ne t’inquiète pas pour ça, ton attitude n’est pas reprochable, tu as fait ce qu’il fallait faire. Maintenant que j’ai entendu l’intégralité de ton récit, nous allons rendre visite à Alex pour écouter le sien. Cela peut nous apporter quelques précisions supplémentaires.


Maloire et Edgar garent leur véhicule sur le parking de l’hôpital et se dirigent à grands pas vers l’accueil. Après s’être présentés, ils sont invités à rejoindre, dans son bureau, le chirurgien qui a opéré Alex.

– Entrez, messieurs, et prenez place s’il vous plaît. Je vais être bref, car j’ai une intervention qui m’attend.

– Je vous en prie, faites, Docteur, répond Maloire.

– Eh bien, les nouvelles ne sont pas très bonnes en ce qui concerne la gravité de sa blessure et ses conséquences. Le choc lui a écrasé la septième vertèbre dorsale, comprimant ainsi la moelle épinière. Il n’y a pas rupture à proprement parler, mais les lésions causées sont suffisantes pour engendrer une perte ou altération de la fonction motrice. Autrement dit, une paraplégie.

– Il ne va plus pouvoir marcher ? demande Maloire.

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