Robcar Funeste engrenage La tentative échouée 2

La tentative échouée 2

Devant, Alex qui a eu sa dose d’adrénaline ralentit à l’approche d’un rond-point. Il va maintenant emprunter une petite route bucolique et ombragée qui traverse des terrains en jachères. Elle est très agréable, peu fréquentée et raccourcit sensiblement la distance. La moto verte en profite pour se rapprocher de lui, jusqu’à venir se positionner dans son sillage. Elle y reste quelques secondes et déboîte pour opérer un dépassement sur la gauche. Une fois à la hauteur d’Alex, elle ralentit subitement.

La chose est coutumière dans le milieu et intervient lorsqu’un motard veut prendre le temps de contempler la moto de son voisin et lui faire connaître son avis. C’est actuellement le cas, le pilote, tout de vert et noir vêtu, en connaisseur qu’il est, dirige son index vers l’engin d’Alex, puis referme son poing et pouce en l’air lui fait un signe d’approbation. Alex, flatté lâche son guidon de la main gauche et le salue amicalement.


C’est la réaction qu’espérait le motard vert qui profite de ce moment de relâchement pour frapper fortement le bout de la poignée gauche laissée libre par Alex. La conséquence est immédiate et sans appel. La roue avant de la moto se met en travers et envoie, pilote et machine, faire un vol plané dans les airs. Le duo effectue un looping dans lequel la moto, plus lourde, prend l’avantage et va rebondir un peu plus loin sur la route, avant de finir sa course en glissade contre un petit parapet de pierres. Alex, lui, a terminé son soleil dans le fossé peu profond qui longe la route.

Pendant ce laps de temps, la moto verte a fait un demi-tour et est venue se garer à proximité. Le motard s’est accroupi auprès d’Alex, qui, recroquevillé dans la position du fœtus, gît et gémit dans le fossé. Après avoir soulevé la visière de son casque et celle de celui d’Alex, il lui demande :

– Alors Alex, comment ça va ?

– Mal, répond Alex, je ne sens plus mes jambes.

Le motard vert se penche légèrement, pour constater que la combinaison d’Alex est déchirée au milieu du dos, juste en dessous des omoplates. En relevant la tête, il constate qu’Alex est retombé lourdement sur une buse d’écoulement d’eau pluviale, comme il en existe sous les passages qui enjambent les fossés.

Il a dû se fracturer ou s’écraser une vertèbre. Voilà ce qui arrive quand on ne porte pas de protection dorsale, pense-t-il. Pas de chance pour lui, mais qu’importe.

– Ce n’est pas grave Alex, car dans deux minutes tu n’auras plus besoin de tes jambes, lui répond le motard vert.

À l’écoute de cette réflexion et surpris que cet étranger puisse l’appeler par son prénom, Alex écarquille ses yeux d’effroi. Au même instant, un bruit se fait entendre au loin, c’est celui de la moto d’Edgar qui se rapproche. Le motard vert tourne la tête et le voyant, se relève rapidement, abaisse la visière de son casque, enfourche sa moto et démarre en trombe.


Edgar qui a vu la scène ralentit, et découvrant la moto d’Alex couchée un peu plus loin sur le sol, scrute les abords de la route. Du haut de sa machine, il aperçoit l’épaule d’Alex qui émerge du fossé. Il se gare et s’en rapproche aussitôt, pour entendre Alex lui demander du secours.

– Aidez-moi, je vous en supplie, il a essayé de me tuer.

– Ne crains rien Alex, je suis de la police, tu es en sécurité maintenant, ne bouge plus j’appelle des secours.

Edgar retire son gant et plonge la main dans la poche zippée de sa combinaison pour en extraire son téléphone portable. Il compose rapidement un numéro mémorisé, donne sa position et quelques explications, quand un véhicule se présente au loin sur la route. Il range aussitôt son téléphone, remet son gant et agite ses bras au milieu de la voie pour stopper la voiture.

– Police ! Garez-vous et veillez sur le blessé qui est dans le fossé. Les secours sont avertis et ne vont pas tarder à arriver. Moi je repars à la poursuite du responsable de l’accident qui s’est enfui. Et surtout, pas de blague, ça pourrait vous coûter cher, car j’ai relevé le numéro de votre plaque.

Les occupants de la voiture acquiescent d’un hochement de tête et se garent, pendant qu’Edgar reprend la route. Il ne sait pas exactement ce qu’il va faire et, encore moins, à qui il a à faire. Il agit comme par réflexe, sans trop se poser de questions, juste par instinct. La situation est suffisamment grave et le coupable n’a jamais été aussi près, presque à portée de main. Dans ces conditions, il n’a pas le temps de demander l’avis de son supérieur et prend ses responsabilités. L’avenir dira si son initiative était bonne ou pas.

Pour ce qui concerne Alex, il n’a pas trop d’inquiétude, on ne lui en voudra pas de l’avoir abandonné, car il est sous surveillance et les secours ne tarderont pas à venir. Il sera bientôt pris en charge et dirigé vers l’hôpital le plus proche. Par contre, ce qui l’inquiète, c’est la possibilité de perdre la piste du motard responsable de l’accident. Par son attitude bizarre, en fuyant, il a clairement affiché son intention d’avoir fauté délibérément.

Edgar est certain qu’il s’agit de la personne qu’ils recherchent depuis plusieurs mois. Maloire avait raison en pensant qu’il agirait par l’intermédiaire de la moto et en aucun cas il ne veut le décevoir, il doit poursuivre et improviser.


L’homme à la moto verte va bientôt quitter cette petite route pour emprunter la nationale qui mène à Grandbourg. Il roule à présent à allure modérée, sur un parcours qui ne convient pas à son bolide fait pour tirer de grands bouts droits, comme on dit dans le jargon motocycliste. Et puis, pourquoi aller plus vite ? Il ne se doute pas que le motard, qui l’a succédé auprès d’Alex, n’y est pas resté pour lui porter secours. Pourquoi aurait-il eu la même attitude que lui ? Pourquoi aurait-il, comme lui, failli à la règle fondamentale des motards ? De plus, il va maintenant s’engager sur une route très fréquentée et très surveillée à ces heures de rentrée. Il ne veut en aucun cas prendre le risque de se faire flasher ou interpeller par les gendarmes, très vigilants dans ce coin. Il a besoin de rester calme et laisser retomber sa tension artérielle, qui s’est, légèrement, emballée tout à l’heure.

Derrière, c’est la situation inverse qui se passe. Sur une route maintenant devenue tortueuse, la moto d’Edgar, moins puissante que celle de son prédécesseur, mais bien plus maniable, s’exprime à merveille. À la vitesse pure, elle oppose sa vivacité et avale les virages avec une gourmandise sans limites. Contrairement au motard vert, Edgar accélère constamment et tire le plus grand profit des atouts de sa machine, pour réduire son retard sur lui. Il ne ralentira pas tant qu’il ne l’aura pas en point de mire, même s’il doit braver les forces de la gendarmerie routière. Il s’engage à présent sur la route nationale et voit se profiler à l’horizon les premières maisons de Grandbourg.

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