Robcar Funeste engrenage La dernière chance

La dernière chance

Dans les bureaux de la Brigade criminelle.


Lorsque Maloire entre dans le bureau du commissaire, ce dernier lui tourne le dos. Il est debout, derrière son fauteuil, face à la fenêtre, qui du cinquième étage permet une vue dominante. Son regard vague, aux sourcils légèrement froncés, passe au-dessus du toit des maisons pour se perdre dans l’horizon lointain de la ville. Il semble soucieux.

– Vous m’avez demandé, monsieur le Commissaire ?

Ce dernier, pris dans ses pensées, laisse écouler quelques secondes avant de faire volte-face et lui répondre :

– C’est exact, Maloire, asseyez-vous.

Maloire, dégrafe le bouton de sa veste croisée à fines rayures, pince les plis de son pantalon, les tire légèrement vers le haut, et s’assoit délicatement sur le siège, en vérifiant que les revers de sa veste ne sont pas compressés entre son dos et le dossier. Le commissaire l’observe sans sourciller, mais avec un léger amusement qui ne lui a jamais fait défaut. Car il le connaît Maloire, depuis quinze ans qu’ils travaillent ensemble. Il sait qu’il est aussi méticuleux avec ses enquêtes, qu’avec ses tenues vestimentaires. Face à certains autres inspecteurs, aux allures et méthodes de cowboys, Maloire op-pose le calme, la précision et la rigueur. Ce qui lui a toujours, et jusqu’à peu, apporté la réussite. Mais aujourd’hui, la mécanique semble déréglée. Maloire n’est plus au mieux de sa forme, à la hauteur de sa réputation.

– Que se passe-t-il Maloire ? Cela fait trois mois que vous enquêtez sur l’affaire Savin et vous n’avez toujours pas avancé d’un iota. Vous m’aviez habitué à beaucoup mieux par le passé. Auparavant, vous régliez les affaires en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire. Et maintenant, vous vous enlisez dans une enquête où on a déjà trois cadavres sur les bras. Mais enfin, quel est le problème ? Avec trois victimes de la même famille, ça paraît clair, c’est un règlement de compte, non ?

– Oui, monsieur le Commissaire, c’est bien un règlement de compte, mais dont je ne connais pas le mobile. À l’origine, je pensais qu’il s’agissait d’une vengeance relative à la mort de Paul Valmer et j’ai enquêté dans ce sens. J’ai rapidement soupçonné les enfants Valmer qui correspondaient aux descriptions recueillies par des témoins oculaires, mais il est vite apparu qu’ils étaient tous les deux hors de soupçon, car ils avaient des alibis en béton. De plus, la fille Marion est devenue par la suite une victime indirecte du drame qui a frappé son père, de la même façon que sa mère le fut en son temps.

– D’accord, mais il y a bien une raison et il vous faut la trouver rapidement si vous voulez éviter une nouvelle victime. Alex Savin est actuellement en danger de mort et s’il devient la quatrième victime, ce sera un sans-faute pour l’assassin et un fiasco mémorable pour vous et notre unité tout entière. Il vous faut absolument arrêter le coupable, sinon nous allons être la risée des médias. Sur quelle piste avancez-vous actuellement ?

– On recherche une jeune femme d’une trentaine d’années, blonde et qui se déplacerait en Coccinelle de teinte vert pâle. C’est elle qui a assassiné Rémi Savin dans le parking en sous-sol et probablement son père Marcel, sur le parking de la station-service.

– Avec un signalement pareil, vous n’êtes pas au bout de vos peines. Il y a des milliers de jeunes femmes blondes et rien ne dit que la Coccinelle qu’elle conduisait lui appartenait. À part le fait qu’elle a l’air d’être une habituée des parkings en tous genres, rien ne la distingue des autres. Vous n’avez rien d’autre de plus consistant ?


Maloire cisaille sa cravate entre l’index et le majeur et, dans un mouvement vertical de haut en bas, la lisse et la plaque sur sa chemise. Ce geste machinal trahit l’embarras engendré par cette question à laquelle il a peu de réponses pour l’instant.

– Oui, j’ai l’ordinateur portable et le téléphone mobile de Rémi Savin, dont le disque dur et la puce sont actuellement en train d’être examinés. Je pense que nous en tirerons quelque chose de concret qui nous orientera dans la bonne direction. Mais ce n’est pas simple, car a priori, nous sommes confrontés à un couple qui sévit indépendamment et de façon méthodique. Ils ont l’air très intelligents et au courant de tout. Le problème est de savoir comment les maîtriser tous les deux en même temps, afin que ni l’un, ni l’autre, ne puisse à nouveau passer à l’acte.

– Oui, comme vous le dites si bien, c’est « votre » problème Maloire. À vous d’y remédier rapidement. Le temps joue contre vous et vous ne pouvez pas vous éterniser sur cette affaire. Si vous n’avez pas de nouveaux éléments d’ici un mois, ou si les événements s’avéraient mal tourner encore, je me verrais contraint de vous retirer l’enquête pour la confier à quelqu’un d’autre. Vous m’avez bien compris ?

– Oui, très bien, monsieur le Commissaire.

– Ce sera tout pour l’instant, vous pouvez disposer.


Maloire quitte le bureau du commissaire d’où il vient de se faire remonter les bretelles et, d’un pas rapide, se dirige vers le sien. Il sait pertinemment qu’il ne lui retirera pas l’enquête, mais cette affaire a des retombées jusque dans les hautes sphères de la police et touche, ou éclabousse, beau-coup de responsables, dont le commissaire en personne. Il a dû subir des pressions de ses autorités et les reporte sur son subalterne. Mais l’entretien vaut, d’être considéré à sa juste valeur. Il décroche le combiné téléphonique et en tapotant nerveusement sur les touches, compose un numéro.

– Allô, ici Maloire. Où en êtes-vous avec l’ordinateur que je vous ai confié ?

– J’ai presque terminé Inspecteur, répond l’interlocuteur.

– Vous êtes en mesure de me donner des informations intéressantes ?

– Oui, monsieur l’Inspecteur, sans problème.

– OK, je descends immédiatement vous voir.

Il invite son adjoint Edgar à le suivre et ensemble, ils s’engouffrent dans l’ascenseur qui les amène au rez-de-chaussée. Ils avalent à vive allure le long couloir qui les conduit au Laboratoire Informatique. C’est une grande pièce, remplie comme un œuf d’écrans, d’unités centrales, de modems, de magnétophones et autres appareils électroniques éparpillés sur de grandes tables occupées par une demi-douzaine de techniciens. À peine sont-ils apparus dans l’encadrement de la porte, qu’une main se lève et une voix les interpelle.

– Par ici, Inspecteur Maloire.

Il s’en approche et, encastré entre les piles d’instruments, découvre un jeune individu exotique à la chevelure longue tirée en arrière et rassemblée en un petit catogan dans le cou. Il a plus l’allure d’un Hacker que celle d’un Geek , mais dans les deux cas, qu’il soit d’un bord ou de l’autre, l’efficacité et la compétence sont identiques.

– Bonjour, jeune homme, voici mon adjoint, l’inspecteur stagiaire Caublet.

– Bonjour, messieurs, répond le technicien, moi, c’est Jordy Mateur, mais ici on m’appelle « l’Ordinateur ».

– Bien, maintenant que les présentations sont faites, qu’avez-vous découvert, Jordy ?

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