Fyctia
La récidive implacable 3
Enfin, les voilà qui réapparaissent et s’attablent pour boire leur consommation.
– Vous avez été bien longs, leur fait remarquer Alex, sur un ton suspicieux.
– On ne retrouvait plus la voiture dans la pénombre, et le parking est littéralement bondé, répond Laure d’un ton naturel.
– De plus, la serrure m’a résisté quelques instants, ajoute Rémi, par moments je n’arrive plus à la déverrouiller. Il va falloir que je la fasse remplacer.
La soirée se termine. Ils retournent sur le parking où Rémi, tout en bougonnant, feint d’avoir des difficultés pour ouvrir la voiture, afin d’étayer son mensonge. Laure piétine en maintenant à deux mains son gilet croisé sur sa poitrine pour prouver qu’elle a réellement froid. Alex et Maguy, eux observent, sans savoir qu’ils ont été trompés dans tous les sens du terme.
Trois mois après le double assassinat.
Quelque part en France.
La brosse s’enfonce et descend lentement dans la chevelure blonde et abondante. Le mouvement se répète plusieurs fois, d’une main à l’autre, de gauche à droite. La jeune femme, assise de dos, cache le reflet de son visage dans le miroir qui lui fait face. Elle vient de terminer son maquillage et est en train de se coiffer. Elle se prépare, elle se fait belle.
Quelqu’un frappe à la porte. Sans arrêter ses mouvements lents et gracieux, d’un « Oui », elle in-vite son visiteur à entrer.
– Excuse-moi si je te dérange, Julie, mais Thibaut te demande, lui dit la personne qui vient d’entrebâiller la porte.
– Merci, dis-lui que j’arrive tout de suite.
Elle pose sa brosse sur la table, vaporise ses cheveux d’un léger nuage de laque, se lève et sort de la pièce en repoussant derrière elle la porte. On peut maintenant apprécier l’étendue de la panoplie qu’elle utilise. Au pied du grand miroir, ceinturé de petites lampes, sont alignés une multitude de flacons et tubes cosmétiques de toutes sortes. Du rouge à lèvres, au vernis à ongles, en passant par le fond de teint et le fard à paupières, sans oublier le rimmel et le mascara. Tout y est. De toute évidence, elle prend grand soin de son visage. Elle doit être très belle.
Dans un léger grincement, à peine perceptible, la porte s’ouvre à nouveau. Quelqu’un entre sur la pointe des pieds, saisit la brosse posée sur la table, arrache une touffe de cheveux emmêlés et restés prisonniers de ses poils, l’introduit dans un sachet plastique et quitte la pièce sans faire de bruit.
Au domicile de Rémi Savin.
On pouvait s’en douter, l’assassinat de leurs parents a été très mal accepté par les frères jumeaux Alex et Rémi. Ils les ont enterrés ensemble et le même jour au cimetière de Grandbourg, devant une foule de personnes à laquelle s’étaient joints, outre les amis, voisins et collaborateurs de la famille, des journalistes et des curieux malsains venus de toutes parts. L’affaire avait fait la une des journaux locaux et tournait en boucle sur les chaînes de télévision régionales. Ils avaient dû supporter la présence envahissante et quasi quotidienne de ces policiers qui les avaient questionnés à maintes reprises. Un véritable feuilleton devenu insupportable.
L’affaire piétinait, voire s’enlisait, malgré tous les efforts consentis par Maloire et son adjoint. Après l’enterrement de Marion, ces derniers avaient mené une enquête auprès des personnes, qui de près ou de loin, avaient un lien avec les enfants Valmer, définitivement écartés comme suspects, par leurs alibis irréfutables. C’est ainsi qu’ils avaient interrogé et vérifié, mais sans grande conviction, les enfants de la tante Jeanne et leur emploi du temps. Ces derniers cadraient avec le profil des agresseurs et avaient une raison, minime, mais possible, d’agir en lieu et place de leurs cousins. Mais cela n’avait rien donné, pas plus que l’enquête menée auprès de la bande à Kâma, dans laquelle Maloire avait demandé à son adjoint Edgar de s’infiltrer dans leur milieu, en s’inscrivant à l’école des Beaux-Arts. Il avait parfaitement joué son rôle, qu’il avait pris à cœur, au point de se travestir comme eux et de participer à leurs séances de sniffage. Mais rien n’y a fait, d’un côté comme de l’autre, le bilan était négatif, la boucle était bouclée et l’enquête retournait à son point de départ.
Devant cet échec et cet aveu d’impuissance, les frères jumeaux qui s’impatientaient avaient juré de se faire justice eux-mêmes. Dans un premier temps, ils avaient pris pour cible évidente à leurs yeux les enfants Valmer, mais très vite, sous la pression et les arguments convaincants de Maloire, ils avaient abandonné cette idée. Maloire, inquiet pour eux, pour leur existence et leurs possibles réactions insensées, les avait fait surveiller par des inspecteurs en civil. Bref, la police pataugeait et les jumeaux étaient en plein marasme dans cette affaire qui les rongeait.
Aujourd’hui, trois mois se sont écoulés et l’érosion du temps a fait une partie de son travail. Plus d’information écrite ou télévisée, plus de visite inattendue, plus de surveillance attitrée, Alex et Ré-mi ont repris le cours de leur vie, non sans oublier, mais en vivant avec, comme l’ont fait auparavant les enfants Valmer.
Alex a repris son activité dans les services techniques de sa société et pour s’évader de ses pensées morbides et de son espace vital devenu étouffant, a aussi repris ses sorties à moto. De son côté, Rémi est retourné travailler dans son magasin de bricolage et, après une longue interruption, a replongé dans ses relations extraconjugales.
Ce soir Rémi est chez lui, isolé devant son ordinateur portable, à pianoter sur le clavier pour se connecter à sa messagerie instantanée, pendant que sa femme Maguy regarde la télévision dans le salon. À l’invite, dans le rectangle intitulé « Identifiant », il inscrit sa pseudo-adresse email, harry-love@hotmail.fr, eu égard à son idole et à son image. Auparavant, il utilisait des pseudos, du genre Dorémi ou Rémifa, mais depuis qu’il avait pris l’apparence du Prince, il avait fait table rase de ces noms ridicules. Dans la case en dessous, il tape son mot de passe et appuie sur la touche entrée. Il parcourt la liste de ses contacts, en choisit un actuellement en ligne, clique dessus, et le voilà connecté à lui.
Cela fait maintenant plus d’une heure qu’il tchatche sur la toile avec une dénommée « Nymphomia ». C’est elle qui l’a incité à prendre contact et maintenant, elle ne le lâche plus. Ils se sont connus quelques jours plus tôt, par l’intermédiaire du réseau Facebook , où elle lui a demandé de devenir son ami, ce qu’il a accepté sans plus attendre. Mais ils ne se connaissent pas vraiment, tout au plus, ils se sont entrevus en photo sur leur compte respectif. Ils avaient donc prévu de discuter sur le Web où ils sont en train d’échanger leurs idées, leurs goûts, leurs passions, et ils semblent s’accorder à merveille. La jeune femme, une belle blonde, aime les sorties nocturnes et les ébats à la sauvette dans des lieux insolites.
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