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Le foyer et le pique-nique 4
– Il est donc célibataire ?
– Non, justement, il est marié depuis peu, un an à peine, sa femme est caissière dans le même magasin qui l’emploie, c’est là qu’il a fait sa connaissance.
– Et il continue à draguer, sur Internet ?
– Je ne sais pas, peut-être qu’il s’est assagi depuis son mariage.
– Pas d’autres informations ?
– Non, mais je continue mes recherches.
– Je suppose que tu as leurs adresses, donne-les-moi, j’irai leur rendre une visite, mais avant, je dois aller à Saint Victor pour m’informer sur les détails et les conclusions de l’enquête concernant l’accident mortel causé par leur père.
S’adressant à son adjoint qui a suivi avec attention la conversation il ajoute :
– Edgar, tiens-toi près pour huit heures tapantes demain matin, nous partons pour une virée de trois cents kilomètres. Réfléchis un peu aux questions que nous pourrions poser sur place, on n’aura certainement pas toutes les réponses dans le dossier. D’autant que la situation a bien évolué depuis, et que les questions peuvent être complètement différentes à présent.
– D’accord, Inspecteur, je vais y réfléchir !
– Tu as avancé dans tes recherches concernant les enfants Valmer ?
– Oui, mais je n’ai pas terminé, je pense y parvenir d’ici ce soir.
– Bien, continue et emmène ton dossier avec toi demain, nous en parlerons dans la voiture. Nous nous occuperons du cas des Valmer, quand nous en saurons plus sur ce qui s’est passé il y a dix-sept ans maintenant. Je pense que les faits présents sont intimement liés aux faits passés.
– Vous pensez à une vengeance des Valmer sur les Savin ?
– C’est possible, il ne faut pas l’exclure ! Pour l’instant, nous n’avons pas d’autre piste et celle-là me paraît suffisamment plausible pour être suivie.
Le lendemain matin, Edgar est ponctuel au rendez-vous que lui a donné Maloire la veille, et en-semble, ils s’engouffrent dans leur véhicule pour prendre la direction de Saint Victor. Chemin faisant, étant donné que la route sera longue, Maloire le questionne sur ses recherches concernant les Valmer.
– Alors Edgar, qu’est-ce que tu peux me raconter au sujet des Valmer ?
– Après le triste accident qui a coûté la vie à Paul Valmer, sa femme, Mireille, est décédée six mois plus tard à l’hôpital, des suites d’une dégradation liée à la perte de son mari.
– Une dégradation ?
– Oui, elle était déjà très affaiblie physiquement par divers problèmes de santé et elle se serait, en quelque sorte, laissée mourir, d’après les dires de son médecin traitant de l’époque.
– Ah bon ! Et les enfants que sont-ils devenus ?
– Ils ont été placés dans un foyer pour l’enfance jusqu’à leur majorité.
– Ensuite, quand ils en sont sortis, que sont-ils devenus ?
– Le garçon, Stéphane a poursuivi ses études en faculté et a obtenu un DEUG en informatique. Il est aujourd’hui employé dans une société d’installation de réseaux et de maintenance à Beaulieu, une ville proche de Saint Victor.
– Est-il marié ?
– Non, célibataire.
– A-t-il une passion ?
– Oui, la natation et le jogging qu’il pratique en club, c’est un sportif.
– Et l’autre enfant ?
– C’est une fille, Marion, la cadette des deux. À sa sortie du foyer, elle n’a pas poursuivi ses études et a travaillé dans un centre de toilettage pour chiens. Aujourd’hui, elle a monté sa propre affaire et exerce le même métier, mais pour son compte personnel.
– A-t-elle un hobby ?
– Oui, à ses moments perdus elle est artiste peintre et expose ses œuvres dans une petite galerie à Beaulieu, où elle habite aussi, pas très loin de son frère.
– Elle est mariée ?
– Non, mais elle est en ménage depuis cinq ans, avec un certain Gabriel Picard issu, lui aussi, du même foyer pour l’enfance. Il travaille comme vendeur dans un magasin de sport, car c’est aussi un sportif aguerri, c’est un marathonien.
– Bien, bien, bien, répète Maloire, il y a peut-être là, matière à réflexion. On en déduira des suppositions quand nous en saurons plus sur les circonstances exactes du drame.
Arrivée à Saint Victor, comme à son habitude, la voiture fait une halte devant la gendarmerie locale. Maloire et son adjoint y pénètrent pour consulter les dossiers relatifs à l’accident mortel de Paul Valmer. Le Brigadier qui les reçoit se souvient encore de cette affaire qui avait fait pas mal de bruit dans cette petite ville, où tout se sait à la vitesse d’un éclair. Il ne s’y passe pas grand-chose et les moindres faits divers prennent alors des ampleurs démesurées.
– Quelles est la cause exacte de ce drame, demande Maloire au Brigadier.
– La dispute portait sur un véhicule de collection appartenant à Marcel Savin, le voisin habitant juste en face, que le fils de Paul Valmer aurait accidentellement détérioré. Savin, voulant que Val-mer le suive chez lui pour constater les dégâts, l’aurait légèrement bousculé sur le palier et ce dernier est tombé du haut de l’escalier menant à son appartement. La suite vous la connaissez, sa chute a été mortelle.
– Et Savin n’a jamais été inquiété juridiquement, pour son geste ?
– Non, malgré les accusations de la femme de Valmer, qui affirmait l’avoir vu, sciemment, le pousser dans l’escalier et donc l’avoir assassiné, pour reprendre ses termes, Savin s’est tiré indemne de l’affaire, car il avait un bon avocat. Pour nous, c’est un accident dramatique et une affaire classée sans suite.
– Y avait-il des témoins oculaires ?
– Non ! Seulement le voisin du dessous qui est venu juste après la chute, mais il n’a pas assisté au déroulement de l’accident dans sa totalité.
– Habite-t-il encore sur place ?
– Oui, il est retraité depuis pas mal de temps et je ne pense pas qu’il ait déménagé depuis. Pour-quoi cette question, vous voulez le questionner ?
– Vous savez que nous enquêtons sur la mort des Savin ?
– Oui, votre assistante, qui nous a avertis de votre visite, nous a mis au courant. Vous pensez qu’il y a un lien direct avec l’accident ?
– Je n’exclus rien, c’est mon métier.
– Effectivement. Vous avez d’autres questions, monsieur l’Inspecteur ?
– Non merci ! monsieur le Brigadier, ça me suffit amplement pour l’instant. Je n’ai pas le temps matériel d’examiner votre dossier. Pouvez-vous nous en faire parvenir une copie ? Nous l’étudierons et le joindrons au nôtre.
– Sans souci, je vous l’envoie dès qu’il est prêt. Au revoir, monsieur l’Inspecteur !
La voiture démarre et roule à destination de la rue de la Farigoule, lieu de l’accident mortel de Paul Valmer.
Arrivé devant l’ancien domicile de ce dernier, Maloire gare son véhicule. Il en sort en pestant contre l’inconfort de cette voiture de fonction. Une Renault Mégane, pas du dernier cri, qui l’oblige à plier exagérément ses longues jambes, occasionnant de nombreux plis disgracieux sur son pantalon à revers. Ah ! S’il avait pris sa Jaguar S-Type, cela ne se serait pas produit. Mais il est hors de question pour lui d’utiliser son véhicule personnel pour son activité professionnelle. Il ne veut en aucun cas prendre le risque de l’abîmer, alors il se résout à en subir les mauvaises conséquences.
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