Robcar Funeste engrenage La conséquence induite 3

La conséquence induite 3

– Venez, je vous accompagne au secrétariat pour les démarches administratives. Surtout, n’hésitez pas à me contacter si vous avez besoin de quoi que ce soit. Je reste à votre entière disposition.

Jeanne avait un mauvais pressentiment en venant dans cet hôpital, elle est choquée, mais à moitié surprise, au regard de l’évolution déclinante de sa sœur depuis le drame. Elle repense à leur enfance, quand elles jouaient ensemble, radieuses et insouciantes. Elle revit les premières boums, les premiers flirts de leur adolescence, les fêtes de mariage, les naissances, les communions, tous les souvenirs reviennent et tournoient dans sa tête. Elle vient de perdre sa sœur de trente-neuf ans qui restera toujours pour elle sa petite sœur, sa petite « Mimi ». Mais le plus dur pour elle reste à faire, l’annoncer aux enfants. Elle retourne à sa voiture et quitte ce lieu qu’elle maudit.


Pendant ce temps, chez les Savin, le déménagement se termine, les portes du camion se referment. Célou et Mado jettent un dernier coup d’œil dans toutes les pièces et les placards pour s’assurer qu’ils n’ont rien oublié. Tout est vide, sauf le garage qui contient encore quelques ustensiles et matériels de jardin dont ils n’auront que faire dans leur nouvelle demeure. Ils referment derrière eux la porte de leur maison avec un pincement au cœur. Ils en auront eu de bons souvenirs, avec les enfants, la famille et les amis, pendant toutes ces années, jusqu’à il y a six mois. La vie était vraiment belle ici, que sera-t-elle ailleurs ?

La serrure claque à deux reprises sous l’action de la clé. Ça y est, une autre page se tourne. Ils rejoignent presque à reculons, pour mieux photographier cet instant, leur petite voiture verte, s’y installent, démarrent, et après avoir refermé pour la dernière fois le portail, suivent le camion déménageur qui les précède. Une fois dehors, ils jettent un dernier regard ému sur le côté, et les voilà partis. Ils quittent la rue de la Farigoule et, songeurs, roulent maintenant dans la grande rue principale, tandis qu’arrive dans le sens opposé, la voiture de la tante Jeanne de retour de l’hôpital.


À son volant, songeuse elle aussi, elle pense à tous ces événements qui se sont, si vite, déroulés. Perdre son beau-frère et sa sœur en l’espace de six mois est affreux. Elle réfléchit à la façon dont elle va devoir annoncer la triste nouvelle aux enfants et pense qu’il va falloir inévitablement prendre une décision pour leur avenir. Il n’y a pas trop de solutions, le choix se portera sur la proposition du conseiller social, et à la prochaine rentrée scolaire, ils devront tous les deux intégrer un foyer.

Les deux véhicules sont à la même hauteur, ils se croisent et le destin de ces deux familles aussi. À ce moment-là, Marcel Savin ne sait pas qu’indirectement, il vient de faire une deuxième victime.


Dans les bureaux de la Brigade criminelle.


– Inspecteur, un appel pour vous, un certain Raymond Morin, c’est un conducteur routier.

– Passez-le sur mon poste, je le prends tout de suite.

La sonnerie du téléphone retentit, il décroche le combiné tout en faisant un signe distinctif à son adjoint pour qu’il enregistre la conversation.

– Inspecteur Maloire, je vous écoute.

– Bonjour, Inspecteur, je vous appelle de la part du gérant de la station-service de Boisfeuillet, j’ai peut-être vu quelque chose qui pourrait vous intéresser, car j’étais sur le parking le soir du drame, garé juste en face du camion bleu en question.

– Qu’avez-vous vu ? Parlez ?

– J’étais en train de fumer une cigarette en écoutant de la musique, avant de casser la croûte. Machinalement, je scrutais l’extérieur à travers mon pare-brise, quand j’ai vu une femme s’approcher de la cabine et monter à l’intérieur. J’ai pensé, quel petit veinard !

– Pouvez-vous me la décrire ?

– Je ne l’ai pas très bien vue, en raison de la forte pluie, mais je peux dire sans me tromper qu’elle était plutôt grande, blonde aux cheveux mi-longs, en minijupe claire avec un haut de couleur plus foncée, des chaussures plates, et qu’elle tenait un parapluie rose à la main.

– Pour quelqu’un qui n’a pas très bien vu, ce n’est déjà pas mal comme description.

– Vous savez, nous les hommes, quand on regarde une fille, on la détaille, mais de toute façon, je ne pourrai pas la reconnaître, je n’ai vu que sa silhouette, son aspect général.

– Qu’avez-vous vu ensuite ?

– Plus rien, car la cabine s’est éteinte et je me suis concentré sur mon repas du soir.

– Vous ne l’avez pas vu repartir ?

– Non, désolé, je n’y ai plus prêté attention.

– OK merci, votre témoignage est très instructif. Je vous repasse le standard, vous y laisserez vos coordonnées et vous prendrez un rendez-vous pour venir signer votre déposition.

– Bien, monsieur l’Inspecteur, à votre disposition.

Maloire raccroche le combiné et demande à son adjoint :

– C’est bon ? Tu as tout enregistré, au cas où il aurait une défaillance de mémoire ?

– Oui, pas de souci ! J’ai tout l’entretien, Inspecteur.

– Enfin une piste sérieuse Edgar, il va falloir cogiter pour comprendre. Récapitulons. Notre assassin est vraisemblablement une femme, ce qui confirmerait le fait que la victime l’ait laissé monter dans sa cabine sans s’en méfier. Il devait penser que c’était une prostituée et avait une totale con-fiance. Raison pour laquelle on l’a découvert avec son pantalon partiellement déboutonné. Il s’apprêtait certainement à se dévêtir pour passer à l’acte sexuel. Mais là, tout s’arrête ! Notre homme s’endort, n’opposant aucune résistance à son agresseur qui prend le temps de lui croiser les mains dans le dos pour, je ne sais quelle raison, lui ligote les chevilles avec son propre ceinturon et l’étouffe dans son hypothétique sommeil. Pourquoi cette mise en scène s’il dormait ? Comment a-t-il été en-dormi, alors que le médecin légiste n’a relevé aucune trace de somnifère, ni dans ni sur son corps, pas d’inhalation, ni de piqûre non plus ? Enfin, quel est le mobile ? Sachant qu’on n’a pas à faire à une prostituée, puisqu’elle n’est pas passée à l’acte et qu’elle n’a pas pris l’argent qui se trouvait dans son portefeuille à portée de main sur le tableau de bord. Partant de là, comment s’est-elle trouvée sur le parking en même temps que Marcel Savin ? L’a-t-elle suivi ? Et si c’est le cas, elle devait le faire depuis un bon moment pour trouver les conditions idéales afin d’effectuer son méfait. Nous devons rapidement connaître le résultat des investigations effectuées par nos confrères locaux de Grand-bourg, pour faire des regroupements.


Maloire se recule sur son siège, les bras ballants le long de son buste et regarde fixement en l’air, comme s’il cherchait la réponse au plafond. Après quelques longues secondes, il appelle son assis-tante.

– Maude, qu’as-tu trouvé sur le passé de Marcel Savin ?

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