Fyctia
Le mensonge et le drame 3
– Appelez-le, j’ai quelque chose d’important à lui dire.
– Paul, c’est monsieur Savin qui te demande, tu peux venir s’il te plaît ?
L’homme arrive sur le seuil de sa porte, l’air un peu surpris d’y découvrir son voisin avec lequel il n’a jamais vraiment eu de contact.
– C’est à quel sujet ? dit-il.
– Votre fils vient d’abîmer ma voiture, vous êtes responsable de ses actes donc vous devez en assumer les conséquences, à savoir, prendre en charge les réparations et, croyez-moi, ça va vous coûter cher.
À cet instant, Stéphane, qui a entendu les propos, apparaît en se frayant un passage entre ses parents et dit :
– Ce n’est pas moi, monsieur Savin, c’est Alex.
– Alex ! Mais à qui est la balle perchée sur mon toit ? C’est bien la tienne ?
– Oui, mais c’est Alex qui l’y a mise, et c’est lui qui a fait tomber l’échelle.
– Venez tous les deux avec moi, on va éclaircir cette affaire ensemble.
– Désolé, monsieur Savin, mais si mon fils dit que ce n’est pas lui, il faut le croire, votre fils a plu-tôt la réputation d’être un menteur, pas le mien.
Excédé et menaçant, Marcel empoigne fermement Paul par le bras et lui dit :
– Un menteur ? Mon fils ? Allez, venez avec moi et ne discutez plus !
– Non ! Je ne viendrai pas, je n’ai rien à faire chez vous.
Marcel tire énergiquement Paul et le fait passer devant lui sur le palier. Paul résiste, mais ne peut rien faire contre Marcel qui est bien plus fort que lui.
– Allez, descendez ! Et toi aussi, Stéphane, tu viens avec nous.
– Lâchez-moi ! Je vous ai dit que je ne viendrai pas, dit Paul en résistant.
Marcel insiste à nouveau et pousse Paul dans le dos pour le forcer à descendre l’escalier. La poussée n’est pas importante, mais suffisante pour que Paul avance et soit obligé d’amorcer la descente. Mais surpris par ce geste inattendu, il n’a pas le temps de poser correctement son pied sur la marche inférieure. En porte-à-faux, il bascule en avant et dégringole tout l’escalier pour aller s’écraser dans un bruit sourd en bas.
– Paul ! Paul ! crie sa femme en descendant vers lui.
– Papa ! Papa ! renchérit Stéphane en suivant sa mère.
Le corps de Paul est recroquevillé, sa tête, qui a heurté le sol avec violence, saigne abondamment. Le voisin de l’appartement du dessous, qui a entendu les cris, est sorti pour leur prêter main-forte.
– Appelle vite des secours, s’écrie-t-il à sa femme avant de s’agenouiller auprès de Paul.
– Il saigne beaucoup, il faut faire quelque chose, dit Mireille Valmer.
– Non ! Ne touchez à rien, madame, les secours vont arriver et ils s’occuperont de lui.
– Mais il ne bouge plus, ce n’est pas normal, est-ce qu’il respire au moins ?
Le voisin, dans le but de la rassurer, pose alors deux doigts sur le cou de Paul, juste au niveau de la carotide. Il reste attentif quelques secondes, puis lève la tête, et d’une voix tremblotante lui dit :
– Désolé, madame, mais je crois qu’il est mort.
Mireille accroupie auprès de son mari vacille un peu et se reprend.
– Ce n’est pas possible, Paul, Paul, réponds-moi, crie-t-elle en secouant le corps inerte.
Pendant tout ce temps, Marcel Savin est resté immobile, planté comme un santon sur le palier, en haut de l’escalier, abasourdi et incapable de réagir devant un tel événement.
– Vous l’avez tué ! lui lance Mireille, la femme de Paul, vous êtes un assassin !
Dans les bureaux de la Brigade criminelle.
– Inspecteur, j’ai les conclusions du médecin légiste. Marcel Savin est mort de suffocation, autrement dit par étouffement, dit l’Inspecteur stagiaire en posant les dossiers sur le bureau de son supérieur.
– Quoi d’autre, répond Maloire ?
– Le corps ne révèle aucun coup ni aucune trace de lutte, il est vierge de toute violence.
– Ça ne nous fait pas beaucoup avancer tout ça, et le camion, a-t-il révélé quelques indices intéressants ?
– Non, rien pour l’instant. Les empreintes relevées sur la portière et les poignées montoir, hormis celle du gérant de la station, appartiennent à Marcel Savin, l’eau de pluie a certainement empêché le dépôt de celles de l’agresseur.
– La cabine non plus ?
– Des analyses sont en cours en ce moment, mais rien de vraiment probant pour l’instant.
– Et ses téléphones fixes et mobiles, ont-ils parlé ?
– Non plus ! La liste des communications fournie ne fait apparaître aucun contact inhabituel, ou digne d’intérêt.
– En fait, on n’a pas grand-chose, pour ne pas dire rien.
– Oui, pratiquement.
– Si je récapitule, nous sommes en présence d’un homme qui a été allongé sur la couchette de sa cabine, les bras croisés dans le dos, ligoté aux pieds avec son propre ceinturon, et étouffé, sans qu’il se soit défendu ou débattu ! Étonnant non ? Qu’en penses-tu ?
– Peut-être a-t-il été endormi, avant d’être tué.
– Oui, mais comment ? Même avec un produit ou un gaz soporifique, vu sa corpulence il ne se se-rait certainement pas laissé faire.
– Peut-être connaissait-il son agresseur.
– Certainement pas ! Il aurait fallu un énorme hasard pour qu’ils se rencontrent sur cette aire de repos, et puis, pourquoi cette mise en scène ? Une chose m’intrigue aussi, pourquoi avoir dégrafé les deux premiers boutons de son pantalon après avoir retiré son ceinturon ?
– Peut-être que c’est lui qui les a dégrafés, pour faciliter la digestion.
– Non ! Il n’avait pas touché à son repas du soir, il faut chercher une autre explication.
– Le sexe ? Peut-être s’apprêtait-il à s’adonner aux plaisirs solitaires.
– Qui sait, peut-être ? Ou peut-être aussi, était-il en bonne compagnie.
– Vous pensez à une prostituée ?
– Pas sûr, car elle aurait dû emporter son argent ou sa carte bancaire, ce qu’elle n’a pas fait.
– Une auto-stoppeuse prise en route ?
– Non ! Je n’y crois pas non plus, si elle avait dû se défendre d’un viol, il y aurait eu des traces de lutte visibles dans la cabine et sur le corps de la victime. Et puis, elle ne l’aurait pas étouffé.
– C’est juste, mais qui alors ?
– C’est ce que l’on doit trouver. Bon ! Laisse tomber pour l’instant, j’examinerai ces dossiers dans le détail plus tard. En attendant, prends ton blouson, on retourne à la station-service voir le gérant. J’ai quelques questions à lui poser et je dois le briefer sur son comportement à venir. Nous en profiterons pour revoir les lieux et ses abords.
S’adressant à son assistante et secrétaire il dit :
– Maude, tu vas me faire des recherches sur Marcel Savin. Je veux connaître tous les établissements, écoles, sociétés, clubs ou autres, qu’il a fréquentés depuis son adolescence, ainsi que les personnes qu’il y a côtoyées, susceptibles d’intérêt pour nous. C’est urgent.
– Bien, Inspecteur, je m’y attelle tout de suite.
Une demi-heure plus tard, la voiture se gare devant la station-service, sur l’aire de Boisfeuillet. Maloire et son adjoint descendent. À peine ont-ils passé la porte que le gérant, les ayant reconnus, s’avance vers eux et dit :
– Bonjour, Inspecteur, que puis-je pour vous ?
– Peut-on aller dans votre bureau, s’il vous plaît ?
– Sans problème, c’est par là, suivez-moi.
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