Robcar Funeste engrenage Le mensonge et le drame 2

Le mensonge et le drame 2

Alex, de son doigt tendu, montre à Stéphane, le panneau de bois fixé au centre du mur et supportant un panier de basket-ball tout neuf.

– C’est notre père qui nous l’a offert et installé, c’est notre cadeau d’anniversaire, comme ça, on n’abîmera plus les arbres en jouant dans le terrain, dit Alex.

– Vous en avez de la chance, répond Stéphane quelque peu envieux.

– Tu pourras venir jouer avec nous, si tu veux.

– C’est d’accord, je veux bien.

– On peut même commencer maintenant, vas-y, envoie ta balle dans le panier.

Stéphane lance sa balle qui frappe le panneau et lui revient directement dans les bras. Alex à son tour lance son ballon tout neuf, un véritable ballon de basket, qui tournoie sur le cercle métallique du panier et finit par traverser le filet.

– Un à zéro, s’écrie Alex, à toi Banane.

Stéphane lance à nouveau sa balle qui, cette fois, rebondit sur le bord du panier et tombe sur le sol. Pas de chance, pense-t-il, un premier tir trop long et un second trop court. Il peut mieux faire.

Alex tend le ballon à son frère Rémi qui le lance avec succès, tout droit dans le panier, sans même effleurer le cercle métallique.

– Deux à zéro pour nous. Allez ! On continue.

– Non, dit Stéphane, vous êtes avantagés par votre ballon, ma balle est trop légère, je ne peux pas rivaliser.

– Tu as raison débarrasse-toi de cette balle de fillette, et joue avec notre ballon de professionnel.

Alex arrache alors la balle des mains de Stéphane pour l’en débarrasser, il la fait rebondir sur le sol et lui donne un grand coup de pied pour la dégager au loin. Malheureusement, il a mal ajusté son tir et, au lieu de partir à l’horizontale, la balle s’élève en l’air, retombe sur le toit et roule le long de la pente opposée de la toiture, celle située au sud, devant la maison. Les trois enfants se précipitent alors pour réceptionner la balle, avant qu’elle ne provoque à nouveau des dégâts dans les parterres de fleurs. Stéphane et Rémi connaissent la punition. Une fois sur place, de l’autre côté, pas de balle, ni en l’air, ni au sol. Ils scrutent tous les coins et recoins du jardin sans succès. Alex examine le dessous la Triumph, pour voir si la balle ne s’y est pas logée, mais toujours rien.

– Elle est restée coincée sur le toit, lance Rémi.

En effet, la balle a terminé sa course dans la gouttière, juste dans l’angle près du garage. Conscient d’être responsable de cette situation, mais surtout pour affirmer son audace et son autorité, Alex dit :

– Je vais la déloger, Rémi, viens avec moi.

Ils s’engouffrent tous les deux dans le garage et en ressortent avec une échelle triple. C’est un modèle composé de trois éléments coulissants en aluminium, que leur père utilisait souvent pour monter sur le toit. Pour l’avoir vu faire plusieurs fois, Alex est convaincu qu’il ne va pas avoir de problème particulier, c’est l’affaire de cinq minutes tout au plus. Ils la déposent sur le sol et la soulè-vent.

– Rémi, tiens-la bien droite pendant que je la déploie.

Alex tire fermement sur la corde qui actionne le coulissement et l’allongement de l’échelle, et dit à son frère :

– Redresse-la encore un peu, sinon elle va frotter sur le crépi et l’abîmer.

Rémi s’exécute, l’échelle est pratiquement à la verticale et Alex tire à nouveau sur la corde pour en ajuster la longueur. À ce moment-là, sous l’effet de la traction, l’échelle se redresse encore et s’immobilise quelques secondes dans un équilibre instable, avant de basculer en arrière. Alex a tout juste le temps de s’écarter pendant que l’échelle commence sa chute en décrivant un grand arc de cercle. Elle tombe lourdement sur le capot de la Triumph, bascule sur l’aile avant gauche, arrachant au passage le rétroviseur et glisse vers le phare, dans un bruit strident, avant de terminer sa chute sur le sol.

Les enfants sont pétrifiés devant l’énormité de leur bêtise, et au bout de quelques secondes, ils sont envahis par un sentiment de panique. Stéphane part en courant se réfugier chez lui, tandis que les jumeaux montent s’enfermer dans leur chambre. La journée risque d’être mémorable, pense Alex, mais il ne se doute pas encore à quel point elle va l’être.


Trois quarts d’heure plus tard, la petite voiture verte repasse le portail de la maison. À son volant, Célou, concentré sur sa manœuvre, ne voit pas l’échelle au sol près de la Triumph. Il gare tranquille-ment le véhicule sous l’abri et s’approche de l’objet qui hante ses pensées. Il se penche à l’intérieur de l’habitacle, déclenche le déverrouillage du capot et, au moment de le soulever, découvre les impacts sur la carrosserie. Il contourne rapidement la voiture et constate l’ampleur des dégâts. Le capot est profondément enfoncé, l’aile avant, cabossée en deux endroits est rayée sur tout le devant, et le rétroviseur, arraché, gît au sol près de l’échelle. La terre semble se dérober sous ses pieds, le sang lui monte à la tête et il entre dans une fureur indescriptible. Il fait demi-tour, se précipite à l’intérieur de la maison et crie :

– Mado, Mado, que s’est-il passé ?

– De quoi parles-tu Célou ?

– De la Triumph, qui a fait ça ?

– Qui a fait quoi ? Explique ?

– Elle est toute défoncée.

– Défoncée ! Je ne sais pas, je n’ai rien vu ni rien entendu.

– Où sont les enfants ?

– Dans leur chambre, je crois.

– Alex ! Rémi ! Descendez immédiatement.

Les deux enfants apparaissent, timidement, en haut de l’escalier qu’ils descendent lentement, tra-hissant une attitude responsable.

– C’est vous qui avez fait ça ?

– Ce n’est pas notre faute, on va t’expliquer, balbutie Alex.

– Je t’écoute, explique et vite.

– C’est Stéphane, en voulant récupérer sa balle dans la gouttière, il a fait tomber l’échelle sur la voiture.

– Stéphane ? Mais comment sa balle s’est-elle nichée dans notre gouttière ?

– On jouait ensemble et il l’a lancée sur le toit de la maison.

– Et comment a-t-il pu emprunter mon échelle ? Vous l’avez obligatoirement aidé ?

– Oui, mais c’était son idée, et il a tellement insisté, alors on l’a un peu aidé, mais c’est tout.

Comme à son habitude et contrairement à son frère, Alex a une fois de plus menti, n’imaginant pas quelles seraient les conséquences de son mensonge.


Marcel sort de la maison, lève les yeux, scrute le toit et aperçoit la balle multicolore en bout de la gouttière. Il la reconnaît aussitôt, pour l’avoir préalablement vue écraser ses fleurs. Mais là, c’est bien plus grave, il s’agit de son bijou, du fruit de tous ses sacrifices. Il n’a pas l’intention de laisser les choses en l’état. Il sort de sa propriété et, d’un pas rapide et décidé, traverse la rue, pousse le portillon métallique, et monte l’escalier qui conduit à l’appartement des Valmer. Il tambourine à la porte de façon énergique. Quelques secondes plus tard, la porte s’ouvre, laissant apparaître dans son encadrement la mère de Stéphane. Sans lui dire bonjour, et sans lui laisser le temps de le faire non plus, il lui demande :

– Votre mari est-il là madame ?

– Oui, il vient juste de rentrer, pourquoi ?

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