Robcar Funeste engrenage La mort d’un conducteur routier 5

La mort d’un conducteur routier 5

Vingt-quatre heures plus tard, à la Brigade criminelle.


– Inspecteur, le Commissaire vous demande, c’est urgent, lance le stagiaire à son supérieur installé au bureau d’en face.

Ce dernier se lève et se dirige vers le bureau en question. Il frappe et attend qu’on l’invite à entrer.

– Entrez ! Asseyez-vous Maloire, j’ai quelque chose pour vous.

– Merci, monsieur le Commissaire, de quoi s’agit-il ?

– Vous laissez tomber immédiatement toutes vos enquêtes en cours et vous vous rendez, au plus tôt, à l’aire autoroutière de Boisfeuillet, sur l’A95.

– Que s’y passe-t-il exactement ?

– Un homme a été trouvé mort dans la cabine de son camion avec les pieds liés. D’après le peu de renseignements que j’ai des gendarmes sur place, il s’agirait d’une personne originaire de notre secteur, raison pour laquelle l’enquête nous incombe. Vous amenez votre stagiaire avec vous, car ce n’est pas derrière un bureau qu’il apprendra quelque chose, rien ne vaut le terrain.

– OK, monsieur le Commissaire, c’est avec plaisir, car je commençais à rouiller à force d’enquêter sur les vols de voitures, de sacs à main et autres braquages de bureaux de tabac.

– Je pense qu’avec ça vous ne vous ennuierez pas. Et tenez-moi régulièrement au courant de vos investigations. Ce sera tout Maloire, ne perdez pas de temps.

– Bien, monsieur le Commissaire, je m’en occupe illico.

Il retourne vers son bureau, le range minutieusement, prend délicatement la veste bien posée sur le dossier de sa chaise, et dit à son stagiaire :

– Laisse tout tomber, tu viens avec moi.

– Où va-t-on, Inspecteur ?

– Tu le verras quand nous serons arrivés.


Nathan Maloire est un homme mûr, dans la fleur de l’âge, la quarantaine rayonnante. Il est grand, les traits fins, bien fait de sa personne, avec une silhouette svelte et élancée qui porte très bien l’habit. Ses gestes et son allure semblent une chorégraphie, tellement ils sont harmonieux. Ses cheveux bruns, ondulés et gominés, sont bien coupés et bien coiffés. Côté vestimentaire, il possède une panoplie de costumes de marque, issus de grands tailleurs, des droits aux croisés en passant par les martingalés, qu’il accompagne de chemises en satin et cravates de soie assorties. Pour les chaussures, il n’est pas en reste non plus, avec une collection d’Italiennes et d’Anglaises à faire pâlir le meilleur des gigolos. Bref, il a beaucoup de classe, on dirait un vrai Dandy .

Il faut dire qu’il est issu d’une famille bourgeoise. Il aurait très bien pu être avocat, notaire ou chirurgien, mais il a choisi la police. Ce n’est certainement pas pour le train de vie que procure ce métier, mais pour assouvir la passion qui l’anime. Depuis toujours, il a voulu être policier et combattre le mal, c’est un justicier des temps modernes. Son arme favorite n’est pas le pistolet qu’il est contraint de porter dans l’holster , sous l’aisselle gauche et qui, à son regret, déforme un peu son veston. Non ! Il n’est pas la réplique de ces héros de séries télévisées américaines qui, arme au poing, roulent sur les capots des voitures ou se lancent dans des poursuites infernales. Il est plutôt du style réfléchi ou penseur, et exploite à merveille sa matière grise et ses neurones. Son look et ses manières font un peu tache dans son environnement professionnel, où l’apparence décontractée frise la négligence et où, surtout, l’ordre et le rangement ne sont pas de mise. Lui ne supporte pas, il est plus que ma-niaque, le rangement est l’un de ses principaux tocs.


Ce n’est pas comme son nouveau stagiaire, Edgar, un jeune de vingt-sept ans, constamment affublé d’un jeans crasseux, de godillots mal lacés et d’un blouson râpé couvrant une chemise froissée, dont le revers dépasse et pendouille dans le dos. On croirait avoir à faire à un SDF. Son bureau est un véritable dépotoir, un vrai champ de bataille. Mais ce qui l’exaspère le plus chez lui, c’est sa coiffure embroussaillée qui lui donne constamment l’air d’être tombé du lit. Non ! Décidément, Maloire ne s’y fera jamais à cette génération moderne et informatisée, aux oreilles bouchonnées par des écouteurs, et aux yeux constamment rivés sur l’écran d’un smartphone, auquel ils se cramponnent du ma-tin au soir. Deux générations opposées, deux styles, deux modes de vie et deux façons de penser et d’agir complètement différentes. Lui est d’un classicisme traditionaliste pur et dur, et il persiste à le rester.


Dehors, le temps est couvert, le ciel ne s’est pas encore complètement dégorgé de son humidité. En fait, il a pratiquement plu pendant vingt-quatre heures, et le sol, recouvert de flaques, est gorgé d’eau. Sale temps pour les Santoni neuves de Maloire. Bien que les crocodiles aiment l’eau, ses chaussures, modèle « croco », n’en raffolent pas. Il est contraint de regarder où il place ses pieds en marchant, pour éviter de les souiller. Sinon, ce soir, il sera contraint de manier la brosse à dents pour nettoyer la couture de ses semelles.

Avec son stagiaire, ils s’engouffrent dans une voiture banalisée et partent pour la destination pré-vue.

– Edgar, as-tu déjà participé à une véritable enquête sur un homicide ?

– Non, jamais Inspecteur, c’est pour un meurtre qu’on se déplace ?

– Je ne sais pas s’il s’agit d’un meurtre ou d’un assassinat, l’enquête le dira.

– Super ! Je vais enfin passer de la théorie à la pratique.

– Justement, il faut qu’on en cause. Une enquête se mène essentiellement avec sa tête et seule-ment trois de nos sens. La vue, l’ouïe et l’odorat. Alors une fois sur place, tu ouvres bien grand tes yeux, tes oreilles et tes narines, et surtout, tu ne touches à rien, tu laisses tes mains dans les poches. Évite aussi de poser tes gros sabots n’importe où. Si tu vois quelque chose d’anormal ou de suspect, tu le signales, mais surtout ne touche à rien. Chaque indice doit rester à sa place et dans sa position initiale. Le moindre déplacement, même d’un centimètre peut avoir de graves conséquences pour l’explication des faits. Tu m’as bien compris ?

– Oui Inspecteur, vous pouvez me faire confiance.


Maloire exagère un peu, mais c’est son côté maniaque qui émerge. Trop de zèle ne nuit point. Il en a fait la bonne expérience tout au long de sa carrière, ce qui lui vaut aujourd’hui d’être considéré comme un redoutable flic par ses collèges et ses supérieurs. Il n’a pas souvent connu l’échec, son palmarès est, en tous points, exemplaire. Une grande chance pour le jeune inspecteur stagiaire qui fait équipe avec lui. D’ailleurs, il le sait très bien, le jeunot, et il profite au maximum de ses conseils avant de s’inspirer de ses méthodes sur le terrain.

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