Fyctia
LE MARCHE DE TOUS LES DANGERS
Les poings sur les hanches elle me fixe au travers de ses petites lunettes rondes. J’hésite à lui donner de la mère Noël ou mère fouettarde à cet instant.
Nous sommes interrompus par une voix paniquée que je reconnais très bien.
— Elle est où ? Qu’est ce que vous lui avez fait ? Et pourquoi les chalets sont si près du sapin ? Paul, si tu lui as fait du mal je te castre !
Céline déboule comme une furie et pousse sa mère sans ménagement.
— Francine, ma chérie. On m’a appelé en me disant que tu n’allais pas bien, j’ai fait le plus vite possible.
Elle se jette sur moi et me serre contre elle.
— Dis-moi qui t’a fait du mal, et je le tue !
Ses bras rassurants et sa voix de guerrière font que mes nerfs se relâchent d’un coup. Des larmes se mettent à couler sur mes joues et je pleure à gros sanglots. Céline me tapote le dos tendrement avant de me repousser et de me fixer. Elle est en larme elle aussi. Elle, parce qu’elle est enceinte et que le trop-plein d’émotions n’est pas bon pour son équilibre et pour moi, parce que le trop-plein d’émotions de ces derniers jours perturbe ma vie tranquille et sereine que j’avais réussi à me créer. Je ne maîtrise plus rien en ce moment. Mais contrairement à ce que je pensais, tout cela ne m’effraie pas vraiment. J’ai de la peine, de la douleur, mais finalement je gère plus tôt bien. Je ne me suis pas arraché les cheveux, je ne me suis pas évanouie, je n’ai pas hurlé, ni cassé tout ce qu’il y avait à ma portée. Me souvenir me fait mal, je respire plus difficilement, mais je suis étonnée de le prendre si bien. Je devrais peut-être essayer de me créer d’autres souvenirs, comme le suggère Mauricette. Je suis arrivée, peut-être à un tournant de ma vie, ou il faut que j’accepte et digère mon enfance. Que je passe à autre chose.
— Tu vas bien ma chérie ? Ne t’inquiète pas, l’enfant que je porte est le seul que Paul ne me fera jamais. Il est puni de sexe jusqu’à la fin de sa vie. Il a osé te faire de la peine !
Je renifle, essuie mes larmes. J’adore ma copine. Et si j’étais vraiment méchante, je pourrais pourrir la vie de Paul. Mais le pauvre, il me fait de la peine, même s’il m’horripile.
— Ce n’est pas de sa faute. C’est la mienne. Mais ne t’inquiète pas, je vais maîtriser la situation. J’ai fait ma petite crise, maintenant c’est fini. Ta mère veut que j’aime Noël alors je vais l’aimer. Enfin, je vais essayer. Je suis une grande fille maintenant !
Elle me fixe de son regard mouillé, le front plissé, jusqu’à ce qu’une voix tonitruante nous fasse sursauter.
— Céline Élisabeth, comment as-tu osé !
Paul et Mauricette fusillent Céline du regard. Elle se détache de moi, et prends son air têtu.
— Paul tu es un délateur ! je te déteste.
Je ne comprends pas ce qu’il se passe. Mais je dois soutenir ma copine. Je me poste à côté d’elle, les sourcils froncés en mode de défense.
— Ha ! Et bien si en plus elles s’y mettent toutes les deux ! J’ai l’impression de me retrouver dix ans en arrière pendant leur crise de la vingtaine.
Je fixe Mauricette de mon regard d’ado attardée. Hors de question qu’elle dispute Céline.
— Je sais que vous êtes en colère, mais je n’avais pas le choix.
Je me tourne vers ma copine le regard interrogateur. J’aimerais que l’on m’explique la situation et surtout le pourquoi de la colère de Paul et de Mauricette.
Céline me fixe et dans un murmure elle lâche.
— Je suis venue en quad ! Mais j’étais obligée, je n’avais pas de voiture pour me déplacer.
Mon cœur vient de rater un battement. Ma copine a risqué sa vie pour moi ?
— Tu as fait ça pour moi ?
Elle hoche la tête, le regard triste, mais déterminé.
— Oui, je pensais que tu avais fait une crise de nerfs, alors je suis venue.
Je lui saute dessus et nous nous remettons à pleurer toutes les deux encore une fois.
— Ha non ! Cela ne va pas recommencer ! Arrêtez de pleurer, et revenons à notre discussion ! Céline, tu vas rentrer avec Paul, pour qu’il te passe un savon. Quant à toi, jeune fille, il y a encore pas mal de boulot pour aménager ta baraque. Alors, les larmes vous les verserez plus tard, là nous n’avons pas le temps. L’inauguration c’est dans une heure, alors remuez vos fesses et tout le monde sur le pont.
Le général en chef vient de parler, et nous, simples troufions devons obéir. Céline me relâche, m'embrasse tendrement.
— Tu veux que je reste ?
— Non, rentre à la maison te reposer. Je vais gérer, ne t'inquiète pas. Et puis Mauricette est là pour me mettre des baffes, si je pétai un câble.
Elle me regarde horrifier.
— Elle t'a frappé ?
— Oui, et je te prie de croire que c'est super efficace comme méthode.
Elle secoue la tête tout en fixant sa mère d'un regard désespéré.
— Je suis désolée de ce que ma mère va te faire subir ces prochains jours. Mais elle a peut-être raison. C'est en affrontant tes peurs que tu les vaincras.
Je dodeline de la tête pas très convaincue par cette affaire. De toute façon, je n'ai pas le choix, tout du moins pour ce weekend. Après, Émilien ira peut-être mieux et il pourra prendre le relais, il me doit bien cela.
L'heure qui suit, passe à toute vitesse, moi et Mauricette, nous installons les produits d'Émilien dans le frigo prévu à cet effet. Puis j'installe mes pulls sur le mur du fond avec les crochets, que Paul a posé cet après-midi. Je suis montée sur un escabeau et toutes les deux secondes, on vient me dire bonjour, me demander de mes nouvelles. J'essaie de faire vite, pour être prête pour l'ouverture. Mais tout le monde s’est donné le mot pour venir admirer ma tenue ridicule. Une fois tout installée je sors à l'extérieur du chalet et m'éloigne pour admirer mon œuvre. Je souris, et soupire de contentement. Sans être trop illuminée, mon petit univers est agréable à regarder. Mes pulls angoras sont éclatants de couleurs et apportent une touche de douceur. Framboise et ses petits, sont sur le côté du comptoir, les yeux écarquillés et un peu nerveux. Je me rapproche d'eux, je leur parle doucement et ils ont l'air de se calmer un peu. Ils me font penser à moi, un peu craintif, mais si curieux.
— Salut Francine !
Je sursaute et me retourne sur Albert l'épicier.
— Salut Albert. Toi aussi tu as un stand ici ?
— Non, je viens faire le curieux, avec ma mère, c'est tout.
Il me désigne un point près du sapin. Et effectivement, la "mama" est dans le coin, elle nous observe de son regard de fouine. Je lui fais bonjour de la main, puis, je reviens à mon chalet. Mais le Albert n'a pas l'air de vouloir partir. Alors je me tourne vers lui le regard interrogateur. Il me regarde discrètement de haut en bas, un air lubrique au coin des lèvres.
— Je te le paie ce verre ?
Mince, et crotte de biquette.
— Pas ce soir Albert, j'ai beaucoup de travail, une autre fois peut-être.
Il hoche la tête, les yeux dans mon décolleté.
— Houai, demain alors ?
Mais, il m'énerve, à me reluquer les seins !
— Oui, peut-être demain, si j'ai le temps.
Il hoche la tête, toujours fixé sur ma poitrine. Je lui mets une gifle ou je le castre.
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