Jeanne F. FRANCINE ET EMILIEN A LA FERME LE MARCHE DE TOUS LES DANGERS

LE MARCHE DE TOUS LES DANGERS

— Francine, ma belle, tu es enfin là. Paul t’attend pour décharger la voiture. PAUL, la petite est là !


Mauricette hurle dans mon oreille et me réveille par la même occasion. Je me tourne vers elle les yeux encore dans le vague.


Elle est magnifique toute de rouge et blanc vêtu. Des petites lunettes perchées sur le bout de son nez. Une véritable mère Noël. J’ai envie de lui hurler dessus, mais je suis comme anesthésié.


— Montre-moi ton costume, ma poulette.


Je grimace, puis doucement ouvre ma doudoune. Elle se précipite sur moi, pour me l’arracher.


— Donne-moi ce truc, tu n’en auras pas besoin, les chalets sont chauffés.


Elle m’observe d’un œil critique.


— Les chaussures tu les as mises où ?


— Dans la voiture.


Elle fronce les sourcils, me fixe, puis, elle tend la main.


— Donne-moi les clés, Paul va décharger le matériel et tu pourras tout installer. Moi j’ai fini, je vais te donner un coup de main. L’inauguration se fera à vingt heures, nous avons deux heures pour tout finir.


Je suis encore dans le coton, trop de mouvement autour de moi, trop de bruit, de lumière.


— Pourquoi il est éteint le grand sapin ?


Mauricette passe de moi au sapin, puis reviens vers moi, plisse les sourcils, puis vient me prendre par la main.


— Vient ma chérie, je crois que tu as besoin d’un petit remontant. Tu travailles trop en ce moment.


Elle me tire doucement vers les chalets qui se trouvent justes devant nous, face à l’horreur pleine d’aiguilles. Paul est dans l’un d’eux, sur un escabeau en train de percer des trous. Quand il me voit, il descend, puis me regarde de haut en bas. Il siffle, sous le regard courroucé de sa belle mère.


— Hé, Ben, tu vas en faire rêver des types ce soir !


Je réponds automatiquement.


— Ce n’est pas ma faute, on m’a obligée !


Il me fixe, puis lance un regard interrogateur sur Mauricette. Elle lui tend les clés de ma voiture, puis me pousse doucement vers une destination inconnue.


— Je l’emmène faire un tour, elle n’est pas dans son assiette. Elle est sous le choc.


Je suis sous le choc ? Mais de quoi elle parle, je me sens bien, je n’arrive plus à réfléchir, mais je me sens bien.


— Alban, un vin chaud pour la petite.


Mince Alban, le barman du café « chez les copains » est ici, lui aussi !


— Et un vin chaud pour notre petit lutin sexy.


Je le regarde sans vraiment le voir, jusqu’à ce que l’on me glisse un verre entre les doigts.


— Bois, cela te fera du bien.


Je trempe mes lèvres dans ce breuvage chaud et sentant les épices. C’est délicieux. Je le bois à petite goulée et bientôt une chaleur bienfaisante m’envahit. Je me reconnecte petit à petit avec le monde des vivants. Mauricette discute avec un Alban qui me jette des coups d’œil bizarre. Je sais que je suis ridicule, mais il pourrait être plus discret. Je pousse un soupir de désespoir avant de tendre l’oreille. Ils parlent des prochains jours et des différents événements, qui vont émailler le marché. La venue du père Noël, pour les photos, les tours en poney, le concours de la plus belle bûche de Noël…etc.. La conversation tourne autour de cette satanée fête. Je me tourne d’un côté, puis de l’autre. Paul arrive au loin avec la cage de framboise sur les bras. Je recule doucement, puis me sauve à petits pas. Une fois Paul rejoint, je lui fais un sourire de bienvenue.


— Salut, comment va Céline ?


Il me renvoie mon sourire, puis me regarde de haut en bas. Je lève les yeux au ciel. Si toute la soirée tout le monde se fiche de moi, je vais finir par m’énerver ?


— Elle va bien, elle se repose. Tu sais que tu es super sexy en lutin.


Je plisse les yeux, il se moque de moi ? Apparemment pas, son regard lubrique, me donne des frissons d’horreur.


— Je suis sexy en petit lutin ? Avec mes grandes oreilles et mon bonnet de nuit vert ? Tu plaisantes, j’espère !


— Pas du tout, si je n’aimais pas Céline, je te draguerais.


— Tu n’es qu’un sale pervers ! fantasmer sur un lutin, n’importe quoi. Je ressemble à un nain de Blanche-Neige, en moins volumineux.


Il s’arrête devant un chalet, juste devant le grand sapin vert.


— C’est lourd ? Tu veux que je t’aide ?


Il secoue la tête.


— Non, ce n’est pas lourd. Je le pose parce que je suis arrivé à destination. Comment trouves-tu ton chalet ? On a fait le même que le nôtre. J’espère que cela conviendra à Émilien.


Il plisse les yeux, regarde son œuvre, puis se tourne vers moi.


— Tu es toute blanche, qu’est ce que tu as ?


— C’est mon chalet ? Juste ici, devant tout le cirque ? Tu plaisantes.


Je désigne l’endroit de malheur. Lui me sourit, toujours heureux de la situation. Il se frotte les mains.


— Oui, cette année, nous sommes en première ligne. Je sens que les affaires vont être rentables.


— Tu te fiches de moi, on devait être au fin fond du marché, pour ne pas que je prenne en pleine face toutes ces couleurs ridicules et ces lumières aveuglantes. Et en plus, il va y avoir la musique grinçante de Noël et le père Noël juste en face de nous !


Je lui désigne le trône doré, tapissé de velours rouge situé juste à côté du sapin.


— Paul, j’ai la phobie de Noël. Je vais faire des crises de paniques dès que le grand bonhomme rouge va apparaître. Tu vois un lutin, en pleines crises de folies, cassant tout sur son passage et effrayant les enfants ?


— Ne t’inquiète pas, je suis certain que tout va bien se passer. Nous serons là pour t’assommer, avant que tu ne te transformes en Hulk vert et rouge.


Et le voilà parti dans un fou rire que seul Paul arrive à avoir. Par contre, moi je suis dans tous mes états.


Le stress commence à monter petit à petit, et mes yeux n’arrêtent pas de faire des aller-retour entre le sapin et mon chalet. Des tas d’images viennent me percuter. Un autre soir, un autre Noël, du sang, le sapin par terre, les boules de Noël écrasées au sol se disputent la vedette avec les haricots verts et la dinde. Et au milieu de tout ce fatras, le doux visage de ma mère. Ses yeux sont ouverts et me fixent, vides de toutes émotions. Ma petite voix se mêle au chant de Noël que distille la télé.


— Maman ?


Aucune de réponse, juste cette musique, qui résonne dans ma tête.


— Maman ?


Je suis tétanisée, impossible de bouger, de détacher les yeux de ce corps inerte. D’habitude, elle se relève, d’habitude elle me rassure. Mais pas aujourd’hui, mon cœur panique, ma respiration s’accélère et je pense à mon père, toujours là, de l’autre côté de la table. Il tourne en rond, en marmonnant des paroles incompréhensibles. Je me tourne vers lui, parce que je ne sais pas quoi faire. Je ne veux pas approcher, elle me fait peur. Il y a beaucoup trop de sang autour d’elle. J’ai une jolie robe, je ne veux pas la salir.


— Papa ? Maman elle a quoi ? Elle ne bouge plus !

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