Fyctia
DESILLUSION
Forte, de cette micro résolution, je m’occupe de mes lapins. La matinée se passe dans la douceur et la régularité de toutes mes journées habituelles, et cela me rassure, car depuis quelque temps, un petit diable s’applique à tout mettre sens dessus dessous. Flocon me suit comme le gros bébé qu’elle est, tandis que Satan l’attend sur le pas de la porte, le postérieur dans la neige. Pour la vingtième fois, je passe devant elle, une brouette de paille entre les mains et j’entends encore une fois, un petit pleurnichement de chien à l’agonie. Flocon, installée sur son coussin relève la tête et lui réponds.
Ce qu’ils peuvent m’énerver ces deux-là ! Je pose ma paille et la distribue dans les clapiers vides. Puis un autre couinement, désespéré.
Je regarde flocon, l’œil mauvais.
— Il se fiche de moi ton amoureux ! Il ne va pas pleurer toute la matinée quand même.
Elle me fixe l’œil bas et la tête penchée, même sa gueule tombe en une moue boudeuse de chienne capricieuse.
— Je te préviens, je le laisse entrer, mais s’il a le malheur de toucher à mes lapins, je le lapide. Tu as saisi, le truc ? Je ne me répéterais pas, je te préviens !
D’un bon, elle se lève et se précipite sur la porte, les pattes en mode "trépignage". Plus de moue boudeuse ni d’œil bas.
— Je vous jure, vous allez me rendre folle tous les deux !
Et j’ouvre la porte sur un Satan qui tremble comme un pauvre chien abandonné.
— Arrête de faire le pauvre chien frigorifié, d’habitude tu restes dehors toute la journée. Allez entre, par contre, va te coucher avec Flocon, tu ne bouges pas, je ne veux plus vous entendre tous les deux.
Après, qu’ils se soient fait la fête, les voilà se dirigeant tranquillement vers le grand coussin et se pelotonner tous les deux l’un contre l’autre.
— Vous me donnez envie de vomir, tous les deux. Les amoureux c’est vraiment lourd.
Puis, je repars d’un pas tranquille vers mes lapins. Et c’est à ce moment-là que je réalise que je parle à des chiens. Je parle aussi à mes lapins, je suis en train de me transformer en une sorte de fille aux animaux, qui n’a personne d’autre à qui parler. Car, à part Émilien à qui je parle depuis qu’il est malade, et Céline que je ne vois que de temps en temps, je deviens un véritable ermite. Et d’ailleurs, cela fait combien de temps que je n’aie pas fait les magasins ou autres trucs de filles ?
Et la vérité me frappe en pleine face, depuis cet été, avec ma sœur et Céline nous sommes allées au spa pour une séance d’épilage en tout genre, et de récurage en profondeur de mes pores encrassée par la vie en plein air.
D’ailleurs, plus le temps passe, et plus les gens et la foule me font peur. Je vais finir par me transformer petit à petit en arbre ou bien en lapin. À la fin de ma vie, je ne serais même plus humaine, je serais ma ferme en elle-même !
Alerte, je suis en train de délirer gravement. Je me secoue et décide de remettre à plus tard, mon auto-analyse. J’essaie de rattraper mon retard et surtout d’avoir de l’avance pour les jours à venir. Il me tarde qu’Émilien revienne et s’occupe de son exploitation, car cela ne fait que deux jours et je suis sur les rotules. Et surtout, il me perturbe beaucoup trop.
Rien, qu’à l’imaginer, j’en ai le rouge aux joues. Je brosse Lisa, une lapine rousse, qui vient de me donner une portée de trois lapereaux adorables. Elle est sur mes genoux, les yeux fermés, tranquille et sereine. Son poil est toujours magnifique et d’un roux chaleureux et tendre. D’ailleurs, cet après-midi, il va falloir que je mette de côté tout ce qui doit aller au marché de Noël samedi.
Un coup frappé à la porte me fait sursauter, et quand elle s’ouvre, je passe en mode rouge tomate.
Émilien se tient dans l’encadrement de la porte et me fixe le regard incertain.
— Je commençais à m’inquiéter. Je ne t’ai pas vue ce matin.
Tu m’étonnes, avec ce qu’il s’est passé hier soir, je n’avais pas envie de me le retrouver en face de lui ce matin. Comment croit-il que je puisse gérer cette situation ?
— Heu, j’avais beaucoup de travail, et je ne voulais pas te réveiller.
Un silence entre nous, il me fixe droit dans les yeux, il cherche quelque chose. Je me racle la gorge une nouvelle fois, embarrassée par la situation, car depuis qu’il est devant moi, je n’arrive pas à oublier l’image de lui tout nu dans la salle de bain avec son sexe tout excité. Et c'est d'une petite voix timide que je m'adresse à lui.
— Tu as l’air d’aller mieux ! Bon. À part les boutons bien sûr ! tu n’as plus de fièvre ?
Il secoue la tête, l’air pincé. Je l'entends soupirer, comme s'il voulait se donner du courage.
— J’espère que ce qu’il s’est passé hier soir ne te met pas mal à l’aise ?
Je le fixe, les yeux ronds. Non ! bien sûr, il est courant de montrer sa joie de vivre à sa voisine, le soir dans sa salle de bain, en étant tout nu !
— Tu sais, c’est une réaction normale, d’un type, qui se fait caresser le dos par une fille.
Je soulève un sourcil, pas trop en accord avec ses dires.
— J’aimerais rectifier une petite chose dans ton discours, je ne te caressais pas le dos, je te soignais tes boutons, nuance.
Il ne faudrait pas inverser les rôles, mon coco ! Il se passe une main maladroite dans les cheveux, puis regarde partout sauf moi.
— Houai, ben, c’est du pareil au même pour moi. Il y avait longtemps que je n’avais pas couché avec une fille, alors, mon cerveau a disjoncté. Mais rassure-toi, tu n’y es absolument pour rien. C’est une réaction normale. Cela aurait pu arriver avec n’importe qui d’autre que toi !
Il veut me faire passer un message, je crois, et je pense l’avoir parfaitement compris, moi ou une chèvre cela aurait été pareil, apparemment.
Je lui renvoie un sourire rassurant et faux au possible. Comment enlever ses illusions à une pauvre fille en une leçon ? Donc je le rassure d’une voix forte et claire.
— Bien sûr, ne t’inquiète pas pour cela, je comprends très bien, entre la fièvre, les boutons, et tous les changements, cela à du perturber ton cerveau (ton petit pois). Tu devrais appeler une copine à toi (Madame la Mairesse de Formisexe). Je pense que tu en as besoin et puis tu as du temps à perdre maintenant (pendant que je me tape tout le boulot, espèce de grande fainéantasse d’asperge de mes deux !)
Moi, qui pensais avoir pour une fois dans ma vie éveillé les sens d’un homme, je suis en train de me mettre le doigt dans l’œil, jusqu’au coude apparemment.
Il me sourit, rassuré.
— Super, alors, nous sommes sur la même longueur d’onde ?
Je lui souris, me lève, il faut que je bouge.
— Oui, super, toutes les ondes, les hertziennes, les micros onde et les autres aussi, je t’ai reçue cinq sur cinq.
— Bien, alors, tu viens, je t’ai fait à manger, Mauricette et moi, t’attendons. D’ailleurs, elle abat un travail cette femme !
Souris, Francine, ce type est une grosse courgette pourrie, alors ne fait surtout pas attention à ce qu’il peut bien dire.
— Oui ! sacrée Mauricette, elle dépote cette femme.
Et moi, je suis quoi, depuis deux jours ?
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Sylvie De Laforêt
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Il y a 6 ans
Fanny DL
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Il y a 6 ans
AlienLikeU
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Il y a 6 ans
Nicolas Bonin
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Jeanne F.
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Jeanne F.
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Jeanne F.
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Catherine kakine
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Il y a 6 ans