Fyctia
LES COMMERES
- Pas des cauchemars, des rêves érotiques.
Yvette me fixe plus intensément. Elle a senti le scoop du jour.
- C’est normal à ton âge. Ce qui ne l’est pas, c’est de vivre à côté d’Émilien et d’être encore célibataire. Comment fais-tu ma petite ? Moi à ton âge je l’aurai coincé entre deux bottes de paille et je lui aurai fait sa fête.
Je deviens rouge pivoine, parce qu’elle vient de décrire mes fantasmes nocturnes.
- Ouh là !Toi, tu n’es pas dans ton assiette. Ce ne serait pas, un certain balafré, qui t’empêche de dormir par hasard ?
Je passe au rouge cramoisi et évite son regard pénétrant.
- N’importe quoi Yvette, tout le monde sait, que l’on se déteste moi et Émilien.
Et soudain, une petite voix de fouine vient se mêler de la conversation.
- Hum, s’il n’y avait que lui dans ses rêves, ce serait plus simple !
Yvette sursaute, remonte ses lunettes sur son nez et me fixe.
- Toi ! Je sais ce qu’il te faut alors.
La voilà repartie dans son arrière-boutique. Je me tourne vers Céline la rage au ventre.
- Tu ne pouvais pas te taire ? Tout le monde va en parler maintenant, c’est malin ça !
- Tien, je t’en ai mis deux boites. Je te les offre, pour la bonne cause.
À côté de mon huile essentielle, deux boites de préservatifs extra lubrifiés.
- Deux boites ? Mais ça ne va pas ! Je ne vais rien faire de sexuel avec qui que ce soit. Alors, reprends-les.
Elle secoue vigoureusement la tête tout en m'agitant son index sous le nez.
- Taratata jeune fille, quand tout le monde va apprendre que tu es disponible, tous les mâles du canton vont te faire la cour. Il y en a bien un dans le lot qui va te plaire et te donner l'envie de sauter le pas. Je sens que tu vas nous faire un petit, dans l'année. Mignonne comme tu es.
À cet instant précis, je vois ma future vie défiler devant mes yeux. Moi, six mioches sur les talons, leurs nez brillants de morves, mes lapins en toile de fond et un mari, le ventre bedonnant, la calvitie visible sous sa casquette, me hurlant dessus, car le diner n'est pas assez chaud. Des frissons d'horreur me courent le long de l'échine.
- Hors de question, je veux rester vieille fille. Et si vous gardez le secret, personne ne saura jamais rien de mes rêves perturbateurs, et les préservatifs, je n'en aurai pas besoin, point final.
Yvette et Céline me font une grimace de désolation.
- Quoi ? Vous savez quand même garder un secret quand on vous le demande ?
- Nous oui, mais les autres, je ne sais pas.
Yvette regarde derrière moi, et c'est à cet instant précis que j'entends un léger brouhaha dans mon dos. Je me tourne doucement, avec appréhension, et la file qui s'y trouve me prouve que les ennuis ne font que commencer. Car derrière moi, il y a tout le club de tarot et de tricot réuni. Elles font, comme si elles ne suivaient pas notre conversation depuis le début, elles regardent en l'air, se poussent du coude, reniflent un savon par ci un shampoing par là.
- Tu es foutue Francine, pour la discrétion, je crois que c’est loupé.
Céline vient de me murmurer à l'oreille. Je me tourne vers elle en mode panique totale.
- Respire à fond, tu vas gérer cela comme une reine, tu vas voir. Et puis, tu habites loin du village, tu ne risques rien, j'en suis sûre et certaine. Personne ne se déplacera pour venir te faire la cour.
Yvette se met à ricaner, le regard pétillant de malice.
- Les prochains mois risquent d'être animés dans le village. Tiens ! Tes achats, et si tu as besoin de ravitaillement rappelle-toi qu'il y a un distributeur à gauche de l'entrée de la pharmacie.
Sur ces belles paroles, elle me fourre le sachet dans les mains et Céline me pousse vers la sortie, sous les sourires des commères du village. Et dans leurs yeux, je vois la concupiscence scintiller. Je viens de devenir pour ces femmes, une chance de se débarrasser de leurs rejetons encore célibataire. J'en vois même une qui me fait un sourire en coin tout en échafaudant tout un stratagème pour me faire tomber dans les filets de son fils, menuisier du village.
Je sors de là, affolée et terrorisée.
- Comment je vais faire, maintenant ? Ils vont tous défiler, j'avais réussi à m'en débarrasser la première fois, mais maintenant je vais faire comment ?
Quand je suis venue m'installer ici, j'ai dû faire preuve de tact pour faire comprendre à tout ce petit monde que je n'étais absolument pas intéressée par la gent masculine. D'ailleurs, il y a des rumeurs qui courent, je serais attirée par les filles, et cela me va très bien. Mais maintenant avec mes deux boites de capotes, le champ est libre pour toute sorte de folie amoureuse.
Je suis devant la portière de ma voiture en état de choc.
- Francine, il pèle, ouvre la voiture, je suis frigorifiée.
Céline me fait brusquement lever la tête et j'en perds mes clefs qui tombent dans la neige. Je les fixe, puis me baisse pour les ramasser, mais une grosse main poilue vient à mon secours et les attrape avant moi. Je suis le bras, puis les épaules habillées d'une doudoune bleu marine, et mon regard finit d'atterrir sur le propriétaire de ce bras.
- Salut, Francine, je suis content de te voir, tu te fais rare en ce moment.
Albert, Épicier et fraichement divorcé, me sourit chaleureusement. Je lui rends son sourire et tends la main pour récupérer mon bien. Mais au lieu de les laisser tomber dans le creux de ma main, il la saisit et la serre doucement tout en y glissant mes clefs.
- Bonjour, Albert.
- Tu es toujours aussi jolie, ma belle.
Je me crispe et retire ma main de la sienne.
- Heu, merci Albert. Tu n'es pas à ta caisse ce matin ?
- Non, ma mère me remplace pour cinq minutes. Je voulais te voir et te proposer de venir boire un verre avec moi au marché de Noël samedi prochain. Ce serait sympa, on n'a jamais rien fait tous les deux.
C'est normal, espèce de crétin, premièrement tu étais marié, deuxièmement ta femme était une gourde prétentieuse et l'on ne pouvait pas se sentir toutes les deux. Donc, nous n'avons jamais fait quoi que ce soit tous les deux, à part te donner ma carte de crédit pour te régler mes courses.
Sourire impersonnel sur les lèvres, je recule doucement vers ma voiture.
- Désolée, Albert, ce soir-là, je serais à mon stand. Je ne pourrais pas, mais peut-être une autre fois.
Il hoche la tête, me regarde de haut en bas, pour analyser la situation.
- Bon et bien, je passerais à ton stand, et nous pourrons bavarder et boire un verre quand même. Je suis plein de ressources, je trouve toujours une solution à tout. Et en plus, je suis bon bricoleur. Et puis, comme tu le sais, mon magasin marche très bien, je n'ai aucun souci d'argent. Je pars même en vacances deux fois par an !
Vite, mon sourire impersonnel, et je déverrouille ma titine.
- C'est bien pour toi Albert. Mais je suis désolée, il faut que j'y aille, j'ai énormément de travail. On discutera une autre fois.
Et je me précipite au volant, ferme ma portière et je démarre. Céline s’est elle aussi précipitée et me regarde en souriant.
- Le grand bal a commencé.
19 commentaires
maioral
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Il y a 6 ans
AlienLikeU
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Il y a 6 ans
Jeanne F.
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Il y a 6 ans
Sylvie De Laforêt
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Jeanne F.
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Sylvie De Laforêt
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Jeanne F.
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kleo
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Jeanne F.
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Il y a 6 ans
Maloria
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Il y a 6 ans