Fyctia
LE VOISIN 2
Je m'arrête pour le regarder. Cet homme m'intrigue au plus haut point. Il y a deux ans il a hérité de sa tante Blanche, et a décidé de venir s'installer ici. À l'époque je l'ai pris pour un fou, mais force est de constater qu'il se débrouille plus tôt bien. Quand j'ai appris qu'il était ancien militaire je pensais qu'au bout de six mois il jetterait l'éponge et me revendrais sa partie. Hé bien non ! Au contraire, il a tenu bon et se tue à la tâche. Au début je ne le détestais pas vraiment, il m'amusait plus qu'autre chose, mais au bout de six mois, je l'ai vu toujours en place, et refusant toujours de me céder la ferme, alors j'ai commencé à le détester. Pendant qu'il s'amusait au fermier il m'empêchait d'agrandir mon exploitation.
Puis, ma sœur est venue pour les vacances d'été et tout a pris une tournure dramatique. Ma douce et innocente petite sœur m'a fait remarquer que le voisin, et bien, il n'était pas si mal que cela. Alors s'en est suivi un espionnage en bon et due forme, et j'ai pu constater qu'elle avait entièrement raison. Jusqu’à ce qu'elle me le fasse remarquer, mon voisin, pour moi était asexué.
Je ne suis pas une de ces filles qui bave devant les hommes, je suis même le contraire, je les évite. Depuis mes dix-huit ans, je suis ici, à élever mes lapins, et rien d'autre ne compte. Je ne veux pas finir comme ma mère, entre quatre planches, pour les beaux yeux d'un homme que l'on aimait trop, sans pouvoir, partir et sauver sa vie et celles de ses filles.
Alors, je vis comme une vieille fille et cela me convient. Les hommes je m'en méfie trop pour pouvoir leur laisser une chance d'entrer dans ma vie.
Mais pour la première fois de ma vie, mes rêves si purs et innocents ont pris une tournure un peu plus osée. J'ai commencé à rêver de lui, de son grand corps mince et musclé, de ses yeux d'un bleu lagon de ses cheveux toujours en bataille, que l'on a envie de coiffer. Et surtout, de cette cicatrice qui lui strie la joue droite, du coin de l'œil à la commissure de la bouche, et qui le rend un brin dangereux.
Et voilà que je recommence à l'admirer à son insu. Je pince mes lèvres et une rage sans fond me prend les tripes. En fait, je m'en veux de ressentir ces émotions pour lui, alors j'ai décidé de le détester et ainsi, mon trouble disparait pour un temps.
Comme s'il avait senti mes mauvaises ondes, il se retourne brusquement et me fixe, l'œil interrogateur et mauvais. Je me fige et me détourne brusquement. Et c'est d'un pas précipité, que je rentre chez moi, dans mon cocon de douceur. La chaleur de la maison me monte instantanément aux joues et je m'enlève le blouson d'un geste rageur.
Il m'a encore surpris à l'espionner sans vergogne. C'est sa spécialité, il me surprend à le reluquer, alors que je pense être d'une discrétion sans pareille. Je monte à l'étage et je décide de prendre une bonne douche chaude pour réchauffer et détendre mes muscles endoloris d'être restés dans la même position si longtemps.
L'eau chaude me détend instantanément et c'est un peu plus apaisé que je décide d'appeler Céline. Elle est ce qui se rapproche le plus d'une amie. Nous nous entraidons pour tout. Et elle sait qu'en cette période funeste de Noël elle va devoir me remplacer sur les marchés. Je lui rends bien, en échange je fais les marchés l’été.
Une heure plus tard, une soupe de potimarron, et une compote de pommes dans le ventre, je me décide à me sociabiliser. J'appelle Céline.
- Salut, Céline c'est moi !
- Je sais que c'est toi, espèce de nouille, ton nom s'affiche sur mon téléphone.
Ou là, elle a l'air de mauvais poil.
- Comment vas-tu, ma belle ?
- Mal, je vais super, super, mal !
Elle a un ton sinistre qui me met de suite en alerte.
- Tu es malade ?
Gros soupir de désespoir au bout du fils.
- Oui, je vomis depuis trois jours en continu. J'en ai marre, je suis crevée.
Je grimace, être malade et devoir s'occuper quand même des bêtes c'est la galère.
- Tu veux que je vienne t'aider ? C'est peut-être une gastro.
Je l'entends grogner au téléphone.
- Non, c'est bon, Paul arrive à tout gérer. J'espère juste être en état de marche pour le weekend. Le marché de Noël ouvre ses portes. Je ne voudrais pas le louper.
Paul est son mari, et le seul homme que j'arrive à supporter plus de deux heures. Il est adorable avec mon amie et pour cela je le respecte.
- Tu penses ne pas pouvoir être en état pour le marché ?
Elle me fait un peu peur en me disant cela.
- Je ne sais pas, je pense que oui, mais je suis vraiment crevée.
- Au cas où, tu sais que je suis libre, je peux venir t'aider à la ferme et Paul peut faire le début du marché, en attendant que tu ailles mieux.
J’ai pris une petite voix désespérée. Elle est ma bouée de survie pendant cette période, et je ne me sens pas changer mes habitudes.
- Ne t’inquiète pas, demain je vais voir le médecin, il va me donner des vitamines de l’espace et je redeviendrais apte au travail.
Je rigole jaune à sa plaisanterie.
- J'espère pour toi qu'il va arriver à te soigner, parce que Paul ne va pas apprécier de se retrouver coincer dans une baraque en bois à vendre mes pulls et ton fromage.
Elle aussi se met à rigoler, avant d'émettre de drôle de sons. J'arrive à comprendre "gloup, grraa, ho Purée je vais vomir !" Puis le Bip remplace ces bruits étranges. Je regarde le combiner au désespoir. Si Céline ne peut pas faire les marchés je suis dans la bouse jusqu'au cou.
Mon palpitant se rappelle à moi et j'angoisse à l'idée de tous les problèmes que cela risque d'engendrer. Je suis toujours avec mon téléphone à la main, à mouliner à plein tube lorsque j'entends un gratouilli à la porte.
6 commentaires
Nicolas Bonin
-
Il y a 6 ans
Simon Saint Vao
-
Il y a 6 ans
ElisaM40
-
Il y a 6 ans
Jeanne F.
-
Il y a 6 ans
Mymy M. *Sakuramymy*
-
Il y a 6 ans
AlienLikeU
-
Il y a 6 ans