Fyctia
L'HIVERNAGE 1
Cette histoire est hors concours. Mais une idée c'est mise à trottiner dans ma tête et finalement je participe pour le plaisir de partager et donner du plaisir à tous ceux qui voudrons bien me lire. Alors bonne lecture et bonne chance aux participants.
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Je déteste la période de Noël, les grelots, les lutins et autres bouffons rouges, qui veulent nous vendre du rêve à coup de sapin et autres cadeaux ridicules.
Voilà pourquoi, je me trouve ici, à huit heures trente du matin, le premier décembre de chaque année. Les mains ancrées sur la poignée poisseuse de ce caddy, j'attends, impatiente, l'ouverture des portes. Je viens de faire une heure de route par temps neigeux pour éliminer cette corvée. Aujourd'hui, j'achète toutes les provisions pour un mois de survie. Oui, vous avez bien entendu, pendant un mois, je ne mettrais pas le bout de mon nez dans un magasin, ville ou autre endroit, enrubanné et clignotant de mille feux. Je vais rester chez moi, avec ma chienne chouquette, mes lapins et mes poules.
Pour l'occasion, j'ai revêtu mon habit de lumière, jean, pull angora rose et basket de course.
Et attention, chers compagnons de rayon, il est formellement interdit de m'adresser la parole, de me toucher, d'essayer de communiquer avec moi. À partir d'aujourd'hui, je ne communique avec personne.
Je repère au loin, un employé arrivant de son pas trainant, l'œil mort et le désespoir collé aux chaussettes. Il atteint enfin le côté droit des portes, présente sa clé, l'insère et fait un demi-tour. La dizaine de caddies derrière moi commencent à s'impatienter, la course va pouvoir commencer et comme chaque année, je vais finir première.
Je dois avouer que je n'ai pas vraiment de mérite, la moyenne d'âge est d'environ soixante-dix ans. Donc mes vingt-huit ans m'avantagent dans cette glorieuse course.
Vous me direz, un lundi matin, huit heures trente, qui peut bien vouloir faire ses courses ? Les vieux, impatients de retourner dans leur appartement, à s'ennuyer ferme pour le reste de la journée, et moi pauvre folle allergique à toute forme de père noël, sapin, boule et buche en tout genre.
Pour moi, c'est l'instinct de survie qui me pousse, et me fait, bien sûr gagner haut la main le premier passage des portes. Une troupe bien serrée me suit, mais mes pas vifs et déterminés ont bientôt raison de leurs pas lents et douloureux. Je souris de contentement et je passe la première, les portiques de sécurité. J'ai l'impression d'avoir le magasin à moi toute seule, et fait extraordinaire, aucune musique ne vient vriller mes oreilles. Je passe le rayon bijouterie, papeterie, et fonce directement à celui des jouets.
Je sais, j'ai dit que je n'aimais pas Noël, mais pour mon malheur j'adore mes deux petites nièces, donc chaque année je leur achète un jouet hors de prix et complètement inutile pour que le matin de Noël elles puissent l'ouvrir sous le regard émerveillé de ma sœur adorée et de mon abruti de beau-frère. Moi, je n'ai droit qu'à une photo de mes petites princesses posant en pyjama, les cheveux en bataille, l'œil hystérique au milieu de monceau de papier et paquet éparpillé autour d'elles. C'est que ces petites choses font du dégât quand elles le veulent.
Souvent, elles posent au pied d'un sapin à moitié de travers. Je ne sais pas pourquoi je garde ces photos, mais je suis quand même heureuse pour elles, pour Jenny, mais pas pour Alan, lui, je l'aime qu'à moitié. Il a quand même pris ma sœur, alors il ne faut pas que je l'aime de trop. Il faut qu'il comprenne que s'il lui fait du mal, je le tue. Et je pense y être parvenu. J'ai l'impression qu'il a peur de moi et cela me va parfaitement.
Je le vois deux fois par an, une fois en février pour les vacances d'hiver, ils viennent chez moi et en été, je garde mes petites princesses un mois, puis ma sœur vient les chercher et nous passons une semaine ensemble. Et bien sûr, elle se trimbale son boulet avec elle. L'été dernier, je lui ai trouvé une activité manuelle sur mesure. Il a repeint tous les volets de la ferme. Imaginez un banquier, un pinceau à la main sous mon œil acéré de chef de chantier.
J'en ai ri à l'avance, jusqu'à ce qu'il fasse ami ami avec mon voisin. Là, c'est moi qui n'ai plus été d'accord du tout. Mais cela est une autre histoire.
Revenons-en à l'instant présent.
Je sors la liste et regarde les images collées, une Barbie lumière, robe rouge carmin bouffant, cheveux plaqués et bien lissés. Dans le rayon, je la repère et m'approche. Voyons voir, qui veut se faire adopter par Émilie, la reine des coiffeuses ? Je suis sûre et certaine que deux heures après l’ouverture du paquet, le brushing de mademoiselle Barbie va se transformer en un crêpage très artistique façon Dali. La rangée de poupées me regarde, l'œil désespéré, m'implorant de choisir un Ken aux cheveux plastique et peinturluré directement sur le crâne. Mais désolée, ma petite Émilie a commandé, au grand méchant père noël la Bimbo aux seins siliconés et non le bellâtre plastifié. Et hop, dans le caddy, je la vois, les yeux révulsés par l'horreur, couchée contre les parois quadrillées de mon chariot. Je pousse un soupir de désolation, puis attrape un Ken, le moins cher du marché, un surfeur blondinet en short et tee-shirt bon marché. Je les pose côte à côte tous les deux, et je les trouve bien assortis, tout compte fait. Une princesse et un looser, la caricature de ma sœur et mon beau-frère. Je ricane toute seule à ma blague et pousse de nouveau le caddy, direction, les jeux de chimie.
Devant le nombre de boites bien ranger les unes à côté des autres je me demande comment je vais pouvoir m'en sortir. Il y en a pour tout âge, des dinosaures à assembler, des cristaux à faire pousser, des volcans, des bulles, de la fumée, puis au milieu du rayon, un coffret attire mon attention. Il est écrit dessus "expériences cracra". Je m'empare de la boite, la retourne, et effectivement, si vous voulez savoir comment la crotte de nez se fabrique, ou bien la bave gluante du crapaud mexicain, cette boite est pour vous. Il y a même une expérience intitulée "comment fabriquer son propre pet puant et mal odorant". Un sourire pervers étire mes lèvres. Ma sœur va encore m'en vouloir, mais je ne peux décemment pas, ne pas le prendre. Ma petite Cybille va être aux anges. Pour compenser je lui prends un coffret plus niais "Élevage de cristaux". C'est à ce moment-là que la musique a commencé à envahir les rayons. Une musique faite de clochette, de voix nasillardes et de HO HOHO ridicule. Des frissons d'horreur ont envahi mon échine et mes cheveux se sont dressés sur la tête. Il faut que je boucle ces courses au plus vite sous peine de crise de panique aiguë.
26 commentaires
Nicolas Bonin
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Il y a 6 ans
Simon Saint Vao
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Il y a 6 ans
maioral
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Il y a 6 ans
maioral
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Il y a 6 ans
Faye-lana.m
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ElisaM40
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Jeanne F.
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Fanny, Marie Gufflet
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Jeanne F.
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Jeanne F.
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Il y a 6 ans