Fyctia
Chapitre 9 (2/3)
Chapitre 9 - L’entretien avec Renard
Le sang d’Étienne bouillonna dans ses veines. Il serra les poings. Il refusait d’être manipulé comme un pion sur l’échiquier d’un homme qui semblait en savoir plus que lui sur sa propre réalité.
— Des victimes. Des verres de whisky sans empreinte. Des fichiers qui disparaissent.
— Et maintenant…
Il marqua une pause, l’adrénaline brûlant sa gorge.
— Des trous noirs dans mon propre esprit.
Chaque mot claqua comme une balle dans le silence pesant du bureau.
— Je veux savoir ce qui se passe.
Renard ne répondit pas immédiatement.
Il se contenta de l’observer.
Longtemps.
Ce silence n’était pas anodin. C’était une évaluation. Un pesage invisible, une balance qu’il semblait seul capable d’interpréter.
Puis, lentement, un sourire étira ses lèvres. Un sourire trop lent, trop maîtrisé, qui n’atteignait jamais vraiment ses yeux.
— Ce n’est pas un jeu, grogna Étienne, le souffle court. Pas pour moi.
Silence.
Le tic-tac de l’horloge résonna, seul bruit dans l’oppression ambiante.
Renard ne bougeait pas. Il se contentait de fixer Étienne avec une patience infinie.
Enfin, après ce qui sembla une éternité, il murmura, presque avec regret :
— Vous ne vous souvenez pas encore, murmura-t-il.
Sa voix était basse, presque intime.
Mais ce n’était pas une promesse.
Pas une menace non plus.
C’était une fatalité.
Il voulait répondre. Protester.
Mais pendant une fraction de seconde…
Il douta.
Il n’aurait pas dû douter.
Il n’aurait pas dû laisser cette fissure s’ouvrir dans son esprit.
Il ne pouvait pas ne pas se souvenir de sa propre vie.
— De quoi vous parlez ?! explosa-t-il, sa voix plus rauque qu’il ne l’aurait voulu.
Le bureau vibra sous son poing crispé.
Son souffle était plus court, plus erratique.
Son cœur battait trop vite.
Ce jeu, cette mise en scène étouffante… Un loup tournant autour d’une proie qui n’avait pas encore compris qu’elle était déjà prise au piège.
Renard s’appuya contre son bureau avec une lenteur exaspérante, croisant les bras il étudiait sa réaction.
Un calme glacial.
Un contrôle total.
Il n’avait pas peur.
Parce qu’il savait.
Et ça, c’était pire que tout.
Son regard ne cilla pas. Pas une seule seconde.
— Ce n’est pas un jeu. Pas pour vous, en tout cas.
Les mots résonnèrent dans la pièce comme une sentence irrévocable.
Un frisson lent, glacé, glissa sur la peau d’Étienne.
Ce n’était pas seulement la manière dont Renard avait parlé. Ce n’était pas seulement cette assurance écrasante dans sa voix.
C’était autre chose.
Une impression dérangeante, persistante.
Comme si cet homme savait déjà tout.
Comme s’il avait déjà eu cette conversation avant.
Un étau invisible se referma sur la gorge d’Étienne. Il déglutit avec difficulté, tentant d’ignorer la vague de malaise qui remontait en lui.
Pourquoi parlait-il comme s’ils se connaissaient depuis toujours ?
Comme si Renard détenait des fragments de sa mémoire qu’il lui manquait ?
Comme si cette scène… ce bureau, cette confrontation…
N’était pas la première fois qu’elle avait lieu.
Un vertige le prit.
Il se força à rester ancré, à ignorer ce tremblement sourd dans sa poitrine.
Il ne pouvait pas… il refusait d’écouter cette part de son cerveau qui lui hurlait que quelque chose n’allait pas.
— Ces meurtres…
Sa voix était plus ferme qu’il ne l’aurait cru.
— Vous savez.
Il vit l’éclair fugace d’une satisfaction contenue passer dans les yeux de Renard.
Il venait de passer une étape.
C’était ce qu’il attendait.
— Les victimes faisaient toutes partie d’un groupe de soutien que vous dirigez.
— Pourquoi ?
Renard ne nia pas.
Il ne chercha même pas à détourner la conversation.
Il se contenta de le fixer.
Silencieux.
Impassible.
Il l’évaluait.
Jusqu’où Étienne était prêt à aller.
Jusqu’à quel point il accepterait de voir.
— Ce groupe…
Sa voix était posée. Trop posée.
Presque… détachée.
— Il était destiné à des personnes qui, disons… expérimentaient des fractures dans leur perception de la réalité.
Un silence s’abattit dans la pièce.
Un silence pesant.
Étouffant.
Il sentit son souffle s’accélérer, son corps se tendre malgré lui.
— De quoi vous parlez ?
Il aurait voulu que sa voix soit tranchante, implacable.
Mais elle trembla légèrement.
Et Renard le remarqua.
Il sourit.
Un sourire infime. À peine une ombre au coin des lèvres.
— D’anomalies.
Étienne serra les poings.
— De failles.
Son rythme cardiaque s’accéléra.
— De souvenirs qui changent.
Un courant glacé lui parcourut l’échine.
— D’événements qui se répètent sans raison apparente.
Le sol sembla vaciller sous ses pieds.
— De réalités qui se décalent imperceptiblement.
À cet instant, l’ombre de Renard sembla bouger légèrement sur le mur.
Étienne cligna des yeux. L’effet disparut aussitôt. Une illusion. Un simple jeu de lumière.
Il l’espérait.
L’air se vida de ses poumons.
Renard pencha légèrement la tête.
— Vous en avez déjà fait l’expérience, non ?
Un battement.
Un seul.
Mais il résonna dans sa poitrine comme une explosion.
Il recula légèrement, incapable de s’en empêcher.
Sa jambe heurta le bord du fauteuil.
Son corps ne répondait plus normalement.
Parce qu’il savait.
Pas en surface.
Pas de manière logique.
Mais une partie de lui… une part plus ancienne, plus instinctive… savait que Renard disait la vérité.
Que tout ce qu’il croyait réel…
Que tout ce qu’il pensait être un simple enchaînement d’événements logiques…
N’était peut-être qu’un décor.
Une boucle.
Un jeu dans lequel il n’était qu’un pion.
Et Renard…
Le seul qui connaissait les règles.
2 commentaires
NohGoa
-
Il y a 9 jours
loup pourpre
-
Il y a 9 jours